Ce n'est pas tous les jours que les rues de Verchères - 5519 habitants - sont perturbées par une manifestation. En 339 ans d'histoire, c'est arrivé une fois. Il y a deux ans, une centaine de personnes sont descendues dans la rue. La municipalité venait de raser une douzaine d'arbres centenaires sans avertir les citoyens.

«Une centaine de personnes, c'est comme si on était 30 000 à Montréal!» s'exclame Christian Desmarteaux, l'organisateur de la contestation.

Ce résidant de la rue Laurier a été si ulcéré par la conduite de la Ville qu'il a fondé Protégeons Verchères. Il assiste à toutes les réunions du conseil municipal. Son site web signale des problèmes de déneigement, renseigne les citoyens sur le salaire des élus, annonce l'ouverture d'un marché public.

Christian Desmarteaux tient les élus à l'oeil, il les critique, mais il se garde bien d'être cynique à leur égard.

«Si on croise notre député à Montréal, c'est très rare qu'il va nous saluer, dit-il. Ici, les citoyens sont très proches de leurs élus, un peu comme une mentalité de village. Les gens sont heureux de rencontrer leur député. Ils le saluent et lui serrent la main.»

La circonscription a connu le taux de participation le plus élevé au Canada lors du scrutin fédéral de 2008. Près de 72% des électeurs ont exercé leur droit de vote.

Les électeurs sont aussi fidèles qu'ils sont assidus. Ils sont représentés par le Bloc québécois depuis 1993.

«J'imagine que c'est parce que les gens sont bien informés, parce qu'ils nous suivent, parce qu'ils me connaissent, estime le député sortant, Luc Malo. Je suis très présent et très accessible.»

Les racines politiques de la région sont toutefois profondes. En 1732, la fille d'un seigneur local s'est terrée dans un fort et elle a repoussé seule une attaque iroquoise pendant huit jours. L'esprit de Madeleine de Verchères, dont la statue s'élève au bord du Saint-Laurent, reste bien vivant dans la communauté, croit Christian Boulad, un immigrant égyptien qui s'est établi ici il y a 30 ans.

«On a toujours été un village d'irréductibles Gaulois, estime M. Boulad, qui a lui-même combattu la venue d'une entreprise de transformation agricole, en 1994. On a un amour de notre village et on se bat contre l'envahissement de toute part.»

À l'est de la circonscription, aux abords de la rivière Richelieu, les Patriotes ont pris les armes contre le régime anglais en 1837-1838. Plus récemment, les électeurs ont été représentés par le premier ministre Bernard Landry, qu'ils peuvent encore saluer tous les jours lors de sa marche matinale.

Fusions à Boucherville

Les résidants de Boucherville, dont certains votent aussi dans Verchères-Les Patriotes, se sont mobilisés par centaines pour dénoncer les fusions municipales imposées par le Parti québécois en 2000. Et ils ont été encore plus nombreux à s'exprimer aux urnes.

Aux élections provinciales de 2003, 82% des citoyens de Marguerite-D'Youville, qui regroupe Boucherville et Sainte-Julie, ont voté. En 2007, le taux de participation a grimpé à 83%. Au dernier scrutin provincial, la proportion a chuté à 71%. C'est tout de même le plus haut taux de participation au Québec.

«À Boucherville, il y a toujours eu plusieurs lieux communautaires où les gens peuvent se rencontrer, que ce soit l'action bénévole ou les loisirs, raconte Yan Savaria-Laquerre, conseiller municipal. Les gens aiment parler de politique, et des lieux comme ceux-là aident à propager les nouvelles et à conscientiser les gens.»

Des jeunes

La région recèle aussi une espèce rare dans la faune politique québécoise: des jeunes. Avec ses chaussures à damier, ses broches et ses lunettes de plastique, Yan Savaria-Laquerre ne ressemble en rien au politicien à cravate qui fréquente d'ordinaire les assemblées et les hôtels de ville.

Alexandre Bélisle, lui, s'opposait à la construction d'un projet résidentiel dans son quartier. Aujourd'hui, ce père de famille est maire de Verchères. Il a 34 ans, lui aussi.

Bien des électeurs de son âge boudent les urnes, mais M. Bélisle reste convaincu qu'un politicien peut améliorer le sort de ses concitoyens.

«C'est justement à cause du cynisme généralisé chez les jeunes gens que je me fais un devoir de faire les choses autrement, confie-t-il. De dire que c'est possible de gérer une ville, de jouer un rôle politique, sans être menteur ni voleur.»

Les pancartes accrochées aux lampadaires annoncent les élections du 2 mai, mais les résidants sont loin d'être enthousiastes. Christian Desmarteaux, pourtant passionné, craint l'élection d'un autre gouvernement minoritaire qui pourrait être battu à tout moment.

«Je pense qu'il commence à y avoir un certain désabusement, dit-il. Ça commence à faire beaucoup: aller voter de nouveau, ça va donner le même résultat que la dernière fois.»

Plusieurs citoyens sont du même avis. Pendant que Luc Malo serre des mains dans un Tim Hortons de Sainte-Julie, les habitués des lieux ne cachent pas leur grogne envers les élus fédéraux.

«C'est toujours du pareil au même, confie Gérard Gauthier, retraité. Quand bien même on change, on n'aura jamais mieux.»

Et il compte voter malgré tout? «Ben oui.»

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Verchères-Les Patriotes

Comprend:

A) la municipalité régionale de comté Lajemmerais;

B) la partie de la municipalité régionale de comté La Vallée-du-Richelieu constituée des municipalités de Saint-Antoine-sur-Richelieu, Saint-Charles-sur-Richelieu, Saint-Denis-sur-Richelieu et Saint-Marc-sur-Richelieu;

C) la partie de la ville de Longueuil située au nord et à l'est d'une ligne décrite comme suit: commençant à l'intersection de la limite nord-est de la ville de Longueuil avec l'autoroute no 20 (autoroute Jean-Lesage); de là vers l'ouest suivant ladite autoroute jusqu'au boulevard De Montarville; de là généralement vers le nord-ouest suivant ledit boulevard et son prolongement jusqu'au fleuve Saint-Laurent.