La tentative du Parti conservateur d'invalider un vote par anticipation à l'Université de Guelph, en Ontario, s'est attirée les critiques du Parti libéral et du NPD.

Michael Ignatieff trouve «choquante» et «inquiétante» la nouvelle selon laquelle un employé conservateur aurait tenté de saisir une boîte de scrutin à l'Université de Guelph, en Ontario.

Selon le chef libéral, un tel geste s'inscrit dans un «pattern» où Stephen Harper et ses troupes manquent systématiquement de respect envers la démocratie.

«La première chose qu'un premier ministre devrait avoir en tête, c'est: faisons en sorte que plus de jeunes votent, que plus d'étudiants s'impliquent. N'opprimons pas le vote et faisons du respect de la démocratie une part centrale de ce à quoi l'on s'attend d'un premier ministre», a noté le chef libéral lors d'un point de presse à Ottawa, vendredi matin.

«Ça fait partie d'un pattern et les Canadiens doivent savoir que c'est inquiétant. Je ne peux pas le croire», a-t-il lancé.

Tentative de saisir la boîte?

Dans une lettre envoyée par l'un de leurs avocats de Toronto, Arthur Hamilton, le Parti conservateur a demandé à Élections Canada jeudi d'annuler le scrutin par anticipation qui s'est tenu à l'Université de Guelph mercredi.

Dans sa lettre, obtenue par le Guelph Mercury, Hamilton aurait allégué que le bureau de vote était illégal et que du matériel partisan se trouvait sur les lieux, ce qui contreviendrait à la loi électorale.

Selon des étudiants interviewés par le journal local, Michael Sona, le directeur des communications du candidat conservateur local Marty Burke, se serait présenté durant le vote pour tenter d'y mettre fin.

M. Sona se serait approché de l'une des boîtes et tenté de la saisir, mais il n'y aurait finalement pas touchée.

Pas de scrutateur conservateur

Dans un communiqué envoyé peu de temps après les commentaires de M. Ignatieff, le Parti conservateur a précisé sa position.

«Aucun travailleur de la campagne de Marty Burke n'a touché de boîte de scrutin», a-t-on déclaré.

Le parti a précisé que l'entourage de M. Burke avait tenté d'avoir un scrutateur présent sur les lieux du scrutin, mais que ce droit lui avait été refusé. Les conservateurs affirment qu'Élections Canada n'avait pas autorisé ce bureau de vote.

Dans un communiqué de presse, Élections Canada a dit ne pas avoir autorisé cette initiative à l'Université de Guelph. Toutefois, on juge que les bulletins de vote sont valides.

«Un directeur du scrutin bien intentionné a entrepris une initiative spéciale afin d'offrir la possibilité aux étudiants de l'Université de Guelph de voter par bulletin spécial. Dès que les responsables d'Élections Canada ont été informés de cette initiative locale à Guelph, ils ont demandé au directeur du scrutin de cesser toute activité de ce genre. Tous les directeurs du scrutin ont reçu cette directive», a-t-on indiqué.

«Bien que le directeur général des élections n'ait pas autorisé au préalable l'initiative lancée à l'Université de Guelph, la Loi électorale du Canada permet aux électeurs de s'inscrire et de voter par bulletin spécial. Un coordonnateur des bulletins de vote spéciaux, nommé par le directeur du scrutin local, a supervisé l'activité menée à l'Université de Guelph. Tous les renseignements dont nous disposons indiquent que les électeurs ont voté conformément aux dispositions de la Loi électorale du Canada et que leur vote est valide», a tranché Élections Canada.

Interrogé sur l'incident en point de presse à Thornhill, au nord de Toronto, le chef conservateur Stephen Harper a défendu la lettre envoyée par l'avocat du parti.

«Dans ce cas spécifique, notre seule préoccupation est que les règles du vote par anticipation soient respectées», a affirmé M. Harper.

«Nous voulons, nous encourageons tous les Canadiens, de tous les âges, de toutes les régions, de toutes professions, et de toutes les origines à voter dans ces élections pour le candidat de leur choix, a-t-il ajouté. C'est un droit démocratique de choisir notre représentant au Parlement. Des gens se battent pour ça à travers le monde.»

Layton demande une enquête

Ce matin en point de presse au Marché Jean-Talon de Montréal, Jack Layton a aussi fortement réagi à ces allégations. «Je demande une enquête sur cette tentative d'empêcher les étudiants de voter. Ce genre d'intimidation et harcèlement est mal. Qu'est-ce que les conservateurs essaient de faire?»

«On doit encourager les jeunes de voter, pas les empêcher», a-t-il ajouté.

Le PCC veut remplacer Élections Canada, selon Duceppe

Pour Gilles Duceppe, les conservateurs ont tenté de se substituer à Élections Canada à Guelph.

«C'est une attitude assez incompréhensible que de vouloir faire justice soi-même», a-t-il dit lors d'un point de presse à Québec. «(Les conservateurs) veulent remplacer Élections Canada et je les comprends dans le fond parce qu'ils ont de la difficulté avec.  Ces gens ont un drôle de comportement démocratique.»

Guelph: centre du mouvement étudiant

L'Université de Guelph est au centre d'un mouvement étudiant qui se manifeste depuis le début de la campagne.

Il y a quelques semaines, le comédien Rick Mercer a encouragé tous les jeunes canadiens à voter lors de ces élections, dans un éditorial à son émission hebdomadaire.

Des centaines d'étudiants de Guelph avaient réagi quelques jours plus tard en publiant une vidéo sur internet et en tenant des manifestations non partisanes, lors de la venue de politiciens dans leur circonscription.

Depuis, ces manifestations se sont propagées un peu partout à l'échelle canadienne et une dizaine ont déjà eu lieu, dont une à McGill cette semaine.

Le message aux politiciens est simple: «Nous allons voter». Ils souhaitent ainsi que ces derniers s'attardent à leurs préoccupations.

Le vote par anticipation pourrait toutefois être crucial pour cette tranche de l'électorat lors de la campagne actuelle, puisque plusieurs d'entre eux pourraient avoir terminé leur année scolaire et avoir déménagé, le 2 mai.

- Avec Paul Journet, Malorie Beauchemin, Joël-Denis Bellavance et Anabelle Nicoud