Tant qu'il sera premier ministre, Stephen Harper soutient que le débat sur l'avortement ne sera pas rouvert.

Interrogé sur les propos d'un de ses candidats, opposé à l'avortement, le chef du Parti conservateur a tenté de rassurer la population, niant catégoriquement avoir un agenda caché en matière de politiques sociales conservatrices.

Brad Trost, député sortant et candidat conservateur dans Saskatoon-Humboldt, a affirmé la semaine dernière que le mouvement «pro-vie» (contre l'avortement) avait réussi à influencer la décision du gouvernement (pas annoncée à ce jour) de retirer le financement à l'organisme Planned Parenthood, une organisation internationale qui aide à la planification des naissances, mais qui est aussi en faveur du libre choix en matière d'avortement.

Selon M. Trost, une telle organisation ne devrait jamais recevoir un sou de l'argent des contribuables.

La question de l'avortement est un sujet épineux chez les conservateurs, plusieurs membres de leur caucus de députés et de leur base s'affichant ouvertement pro-vie.

Tentant de limiter les dégâts, le directeur des communications de M. Harper, Dimitri Soudas, a même tenu un point de presse impromptu en pleine nuit, à Terre-Neuve, pour rabrouer les propos du candidat de la Saskatchewan, indiquant qu'ils ne représentaient pas la politique du gouvernement.

La ministre de la Coopération internationale, Bev Oda, a aussi publié un communiqué, en début de journée jeudi, vantant l'initiative sur la santé maternelle et infantile, lancée par Ottawa au sommet du G8 de Muskoka, l'été dernier.

«Notre but est simple : sauver la vie de mères, de nouveau-nés et d'enfants dans les pays en voie de développement, souligne la ministre Oda.Nous allons pour cela améliorer les services et les programmes qui permettent de sauver des vies, par exemple une meilleure nutrition, le traitement et la prévention de maladies, une médication appropriée, une eau salubre et l'assainissement.»

«Si Planned Parenthood soumet une demande qui répond aux paramètres du gouvernement dans le cadre de l'initiative de Muskoka, il y aura du financement», ajoute le communiqué.

L'organisme n'a pas eu de réponse du gouvernement quant à la demande de financement qu'ils ont soumise au gouvernement fédéral l'année dernière.

Le gouvernement Harper, dans les derniers mois, a été attaqué par ses adversaires pour avoir annulé notamment le financement de l'organisme Kairos, dont certaines positions ne correspondaient pas aux «critères» du gouvernement conservateur.

Dans le passé, des députés conservateurs ont présenté des projets de lois privés, cherchant à rouvrir le débat sur l'avortement. Si ces projets de loi ont été battus en chambre, Stephen Harper réclame maintenant que les Canadiens élisent une majorité de députés conservateurs à la Chambre des communes.

Le débat sur l'avortement ne sera pas rouvert, a martelé jeudi M. Harper, en point de presse dans un aréna de Conception Bay South, à Terre-Neuve.

«Tout projet de loi présenté sur la question sera défait tant que je serai premier ministre», a-t-il assuré.

Mais interrogé à savoir qu'elle était sa position personnelle sur le sujet, le chef conservateur a évité la question et refusé de répondre, réitérant que sa position était «de ne pas rouvrir le débat».

En 2006, M. Harper avait répondu à une question similiaire en indiquant seulement qu'il s'agissait d'une «question complexe».

Duceppe n'est pas surpris

Gilles Duceppe n'est pas surpris par la sortie du député conservateur. «Ça reflète ce qu'on a vu par ces projets de loi privés qui reviennent régulièrement. M. Harper dit que ce n'est pas son parti, mais il s'arrange régulièrement pour que quelqu'un de son parti présente de tels projets de loi ou intervienne en coulisse», dit-il.

Si un retour en arrière sur l'avortement ne fait pas partie de la plateforme conservatrice, rien n'empêcherait, selon Gilles Duceppe, la question de resurgir. «Par personne interposée, on a déjà vu ça», dit-il.

Le NPD «inquiet»

«D'apprendre que des gens dans les coulisses peuvent avoir une influence du parti conservateur, c'est préoccupant», a réagi Jack Layton ce matin en point de presse à Toronto.»

Il rappelle que le NPD a déjà «fermement pris position en faveur du droit de choisir des femmes». «Planned Parenthood fait depuis longtemps un bon travail pour améliorer le sort des femmes et des enfants partout, surtout dans les pays pauvres», a-t-il ajouté.

Ignatieff défend le libre choix

Michael Ignatieff a réagi à Montréal, jeudi. « Les conservateurs agissent toujours de cette façon : sans dire ce qu'ils pensent, avec des agendas secrets qui minent la confiance des Canadiens dans ce qu'ils vont faire s'ils les Canadiens ont le malheur d'avoir un gouvernement conservateur après le 2 mai. »

Il a ajouté que son parti, malgré quelques députés pro-vie au sein de son caucus, avait toujours défendu le droit des femmes de choisir. « M. Harper peut faire ses jeux partisans, il peut faire ses jeux sur cette question. Mais moi, je suis clair », a-t-il tranché.

Avec Anabelle Nicoud, Paul Journet et Hugo de Grandpré