En début de campagne, les déclarations de Gilles Duceppe sur l'amiante ont frustré plusieurs électeurs dans la circonscription de Richmond-Arthabaska. Si bien que le Parti conservateur a bon espoir d'y remporter la victoire le soir du 2 mai. Ce n'est pas un hasard si Stephen Harper y fait un arrêt avec sa caravane aujourd'hui. Mais la région est vaste, son économie est variée, et bon nombre d'électeurs n'ont que faire du minerai controversé.

Le Parti conservateur mise sur le «fond bleu» de Richmond-Arthabaska pour arracher la circonscription au Bloc québécois. Et il n'aura aucun mal à le trouver ici, dans cet immense cratère au coeur d'Asbestos. Le lac qui s'y trouve est d'un bleu si vif qu'on dirait un néon au fond de la carrière grise.

Cette mine à ciel ouvert a modelé le paysage d'Asbestos et elle façonne la campagne électorale dans Richmond-Arthabaska. Si les troupes de Stephen Harper croient pouvoir ravir ce siège, occupé par le Bloc québécois depuis 2004, c'est en grande partie à cause de leur appui indéfectible à cette entreprise.

Les médecins ont beau multiplier les mises en garde, n'allez surtout pas dire aux résidants d'Asbestos que l'amiante est cancérigène. La mine Jeffrey est le plus important employeur de cette ville affligée par le chômage. Elle compte 225 travailleurs saisonniers. Le projet de relance annoncé il y a deux semaines permettra de créer 450 emplois permanents.

Marcel Francoeur a hérité d'un «spot au poumon» après avoir passé la moitié de sa vie à la mine. Mais l'homme de 80 ans ne s'en fait pas.

«Ce n'est pas ça qui va me tuer», jure le retraité, attablé dans la Coopérative des travailleurs miniers, juste en face du cratère.

Le candidat conservateur, Jean-Philippe Bachand, est l'ancien maire d'Asbestos. Depuis un mois, il sillonne la circonscription à bord de sa voiture hybride dans l'espoir de raviver le vieux «fond bleu» des électeurs. Son frère, André, a été député ici, entre 1997 et 2004, sous la bannière du Parti progressiste conservateur.

Depuis le début de la campagne, M. Bachand mise sur un nouvel atout: la frustration envers le Bloc québécois.

À Asbestos, plusieurs se sentent trahis par Gilles Duceppe. Peu avant que le gouvernement Charest annonce qu'il financera la relance de la mine Jeffrey, le leader bloquiste a épousé la position du Parti québécois, qui réclamait une commission parlementaire sur le dossier. Deux semaines auparavant, il avait pourtant martelé que l'amiante chrysotile était utilisée de manière sûre au Québec, et qu'elle ne posait aucun problème de santé.

«Ça a fâché beaucoup de monde, explique Marcel Francoeur. On est tous pauvres ici.»

Depuis, Jean-Philippe Bachand ne se gêne pas pour accuser le Bloc de menacer la relance de la mine.

«Ça vient mettre en péril le projet, explique le candidat conservateur. Le projet, il y a une date limite au 1er juillet en vertu de l'annonce du gouvernement du Québec.»

Son adversaire, André Bellavance, se défend d'avoir changé son fusil d'épaule. Le Bloc, dit-il, a toujours défendu l'industrie de l'amiante.

«C'est normal que mes adversaires se soient servis de cela, convient-il. Mais je ne pense pas qu'aujourd'hui, en fin de campagne, les gens délaissent le Bloc parce qu'ils pensent qu'on est comme les libéraux, comme le NPD, et qu'on souhaite le bannissement de l'amiante.»

Une région diversifiée

Il reste que dans une circonscription de 3500 kilomètres carrés, la mine Jeffrey semble bien petite. Et dans la plus grande ville de la région, Victoriaville, rares sont les électeurs qui vont punir le Bloc pour sa prise de position sur l'amiante.

Située à une trentaine de kilomètres au nord de la mine Jeffrey, la ville de 42 500 habitants se qualifie de «berceau du développement durable». Ici, l'économie a crû même au plus creux de la récession. Le taux de chômage est sous la barre des 5%. Transports, usines, agriculture, aucune industrie n'accapare plus de 10% de l'activité commerciale, signe d'une grande diversité économique.

«À Victoriaville, c'est un dossier dont on ne parle d'aucune façon», résume le maire, Alain Reyes.

Quoi qu'on dise sur la mine Jeffrey, c'est la réfection de l'aéroport André-Fortin qui alimente les discussions à Victoriaville. La communauté d'affaires souhaite que la piste soit allongée pour mieux desservir les avions régionaux. On souhaite aussi obtenir une subvention pour bâtir une salle de spectacle.

«La position du Bloc sur l'amiante n'amènera pas les gens de Victoriaville à voter pour M. Bachand», résume André Beaudet, résidant de longue date rencontré dans un restaurant.

Emplois

Au sud de la circonscription, à Windsor, Aline Plouffe fait faire sa teinture dans le salon Actuelle Coiffure. Comme plusieurs autres, elle n'exprime aucune inquiétude sur l'avenir de l'industrie de l'amiante. Dans cette ville de 5500 habitants, c'est la papetière Domtar qui est le principal employeur.

«Je trouve que dans la région, ici, il y a beaucoup de pertes d'emplois», constate-t-elle.

Le conjoint d'Aline Plouffe vient de perdre son travail dans une usine de portes et fenêtres. Et aucun parti politique n'a proposé de solutions concrètes pour l'aider.