Au lendemain de la pire défaite de l'histoire de son parti, le chef libéral Michael Ignatieff a annoncé qu'il quittait son poste.

En conférence de presse à Toronto, mardi matin, il a indiqué qu'il convoquerait une réunion de son caucus la semaine prochaine, où un chef parlementaire intérimaire serait choisi.

«J'ai demandé à Ralph Goodale, le chef adjoint du parti, de convoquer une réunion mercredi prochain à Ottawa, afin de regrouper les candidats comme moi qui ont trouvé la défaite et de procéder à choisir un nouveau chef pour le caucus parlementaire quand la session revient, pour que le parti entier puisse trouver un autre chef plus tard, peut-être à l'automne», a-t-il précisé.

«Je déterminerai avec les dirigeants du parti le meilleur moment pour mon départ, pour que nous puissions organiser une succession en temps voulu», a-t-il ajouté.

M. Ignatieff a exprimé son désir de retourner à l'enseignement.  «Je suis un vieux prof et je vais retourner à la classe, éduquer les jeunes gens, surtout les jeunes Canadiens, a-t-il dit. C'est ce qui me passionne le plus. J'ai envie de le faire. Et s'il y a quelques offres là-bas, je les accepterai volontiers.»

Pour la première fois de son histoire, lundi soir, le PLC a été relégué au troisième rang des partis à la Chambre des communes. Il a aussi remporté plus petit nombre de sièges de son existence, battant le triste record de 40, établi par John Turner en 1984.

M. Ignatieff a lui-même perdu son siège d'Etobikoke-Lakeshore, à Toronto.

Hier, lors de son discours de défaite, M. Ignatieff avait offert de rester en poste, remettant son sort entre les mains de son parti. Pourquoi a-t-il changé d'avis ? Son entourage a indiqué qu'il avait voulu éviter d'agir de manière trop impulsive.

Contre une fusion avec le NPD

Quelques heures après sa défaite, des membres de sa formation, dont le député Bob Rae, ont évoqué à nouveau la possibilité de fusionner le Parti libéral au NPD. À elles deux, les formations de la gauche et du centre-gauche ont obtenu plus de votes que le Parti conservateur, lundi.

«J'ai beaucoup de respect pour la position de Bob et comme je ne suis plus en politique active, c'est aux autres de faire leurs choix», a commencé par répondre Michael Ignatieff.

«Nous sommes des traditions séparées, a-t-il cependant noté. De croire que le NPD et le Parti libéral sont à peu près la même chose... Louis Saint-Laurent disait que les socialistes étaient des libéraux en vitesse. Moi, je ne crois pas. Nous sommes des traditions distinctes. Il faut les respecter.»

Comme il l'avait fait lors de son discours, la veille, M. Ignatieff a défendu la pertinence du Parti libéral. «La meilleure garantie pour l'avenir du Parti libéral est quatre ans d'un gouvernement conservateur et quatre années d'une opposition officielle du NPD», a-t-il affirmé.

«Nous avons été en position de grave défaite auparavant, a-t-il rappelé. 1958 serait l'analogie qui vient à l'esprit. Un moment de destruction massive du parti. Diefenbaker semblait triomphant et éternel. Mais quelques années plus tard, (...) Pearson était de retour avec cinq années du gouvernement le plus productif de l'histoire du XXe siècle.»

Autopsie d'une débâcle historique

Le chef libéral a été appelé à expliquer la défaite de son parti, devant une salle où plusieurs de ses proches conseillers pleuraient à chaudes larmes. Déjà, les explications avancées sont nombreuses : impacts des publicités négatives soutenues à son endroit, mauvais timing pour renverser le gouvernement, difficulté du chef à rejoindre les électeurs, marque libérale trop endommagée...

La stratégie de fin de campagne pour le chef du PLC consistait à faire le tour des circonscriptions critiques pour inciter sa base militante à travailler d'arrache-pied pour faire sortir le vote. Mais M. Ignatieff a reconnu mardi matin qu'il avait peut-être mal jugé de l'ampleur de cette base libérale.

«Même jusqu'à samedi matin, je croyais ça, a-t-il dit. Puis, il y a un effritement, sans doute.»

«Il y a une base qui reste, a-t-il affirmé. Mais c'est une base beaucoup plus petite que je n'anticipais. On va voir. On va voir, on va reconstruire.»

S'il a répété vouloir prendre ses responsabilités dans la défaite, il a néanmoins admis que les années de publicités négatives à son endroit diffusées par les conservateurs lui avaient certainement nui. «Je ne me plains pas de cela. Mais je vais seulement dire que les Canadiens méritent mieux de leur politique. Je quitte la politique avec un désir fort que les Canadiens soient mieux servis dans l'avenir», a-t-il insisté.

Quant au moment du déclenchement des élections, il ne pouvait tout simplement plus supporter le gouvernement, a fait valoir Michael Ignatieff. «J'avais un devoir comme chef de l'opposition, a-t-il rappelé. Je croyais vraiment qu'il y avait des abus de pouvoir.»

«Il faut se rappeler que M. Harper a été condamné pour outrage au Parlement. J'ai pensé qu'il était nécessaire de défendre la souveraineté du Parlement dans un cas d'abus du premier ministre. Pour moi, c'était un cas de principe.»

En bout de piste, il a continué à se dire fier de la campagne que son équipe et lui ont menée. «Je crois qu'on a déchaîné ce désir de changement. Mais le NPD en a bénéficié et en réaction, les conservateurs ont réussi à obtenir leur majorité. C'est un peu comme ça que ça s'est produit.»

M. Ignatieff a terminé sa conférence de presse sur une note d'espoir. Parlant de l'implication des jeunes en politique, il a lancé : «J'espère qu'ils vont me regarder et se dire : lui, il a échoué. Mais moi, un jour, moi, je vais réussir. Et si ces jeunes gens réussissent à ma place, tout ce que j'ai tenté de faire en politique n'aura pas été en vain.»