Dans les articles où elle est citée, le nom de Françoise Boivin est parfois précédé de l'adjectif «bouillante». Il faut avoir de la gueule, pour traiter Gilles Duceppe de «poule mouillée avec pas de tête». Mais la nouvelle députée du NPD a passé les dernières semaines à découvrir l'envers de l'attaque: la défense. Qu'à cela ne tienne, elle a remporté la plus forte majorité au Québec.

Lundi soir, 61% des électeurs de Gatineau ont plébiscité l'ancienne avocate. Aucun député québécois n'a réalisé un meilleur score. Même la principale intéressée en reste étonnée.

«Comme je n'en ai jamais eu de facile en politique depuis 2004, je n'osais pas trop y croire», confie-t-elle.

Présentée d'emblée comme une candidate-vedette, Françoise Boivin a dû composer avec son statut, c'est-à-dire subir des attaques. En milieu de campagne, Gilles Duceppe l'a accusée d'avoir «brisé un syndicat» dans les années 90, alors qu'elle était avocate, une déclaration qui s'est révélée fausse. Puis, sa vie privée a été étalée au grand jour lorsque Le Devoir a rapporté qu'elle aurait été expulsée du Parti libéral en 2008 pour avoir embauché sa conjointe.

«Curieusement, ça a été un tournant dans la campagne, observe Guy Chiasson, professeur au département des sciences sociales de l'Université du Québec en Outaouais. Après cet épisode, ses appuis ont grimpé au lieu de descendre.»

La piqûre de la politique

Il faut comprendre que les Gatinois se sont attachés à leur nouvelle députée au fil des ans. Native de la ville, Françoise Boivin a eu la piqûre de la politique dès l'âge de 10 ans. Son père l'a convaincue de pratiquer un métier avant de se lancer. Elle a choisi le droit.

«C'est quelqu'un qui est très engagé, qui ne mâche pas ses mots, qui a un franc-parler», résume Roger Blanchette, historien qui coanime une émission d'affaires publiques avec Mme Boivin au Canal Vox.

Avocate spécialiste en droit du travail, elle s'intéresse au monde des médias depuis longtemps. Elle anime une tribune téléphonique dès la fin des années 90 avant de prendre la barre d'émissions télévisées.

«Ma gueule, c'est mon talent», déclare-t-elle au Droit en 1998.

Sondée par le Parti libéral, elle est élue députée de Gatineau en 2004.

Mais le gouvernement de Paul Martin est minoritaire et le scandale des commandites l'emporte aux élections de 2006. Françoise Boivin est battue par le bloquiste Richard Nadeau. Dans la course au leadership qui s'ensuit, elle appuie Michael Ignatieff, une décision qui ne plaît guère à l'éventuel vainqueur, Stéphane Dion.

L'entourage du nouveau chef l'avertit que sa circonscription de Gatineau est «réservée» pour un éventuel candidat-vedette. Entre-temps, elle reçoit un appel inattendu de Thomas Mulcair, qui l'invite à rejoindre le NPD.

«Ça ne m'avait jamais traversé l'esprit, dit-elle, je pensais sérieusement que j'en avais terminé avec la politique.»

C'est finalement une rencontre avec Jack Layton qui la convainc de faire le saut. Elle porte les couleurs du NPD à Gatineau en 2008, et échappe la circonscription de justesse. Elle a finalement savouré sa revanche lundi soir. Et du coup, elle a contribué à la défaite historique de... Michael Ignatieff.