«Tsarine Latendresse.» «Léniniste hardcore.» Sitôt élue, la néo-démocrate Alexandrine Latendresse, qui a un certificat en études russes, est devenue la nouvelle tête de Turc de CHOI-FM, à Québec. C'est dire à quel point elle et ses collègues du NPD dérangent dans une région qui était un bastion conservateur jusqu'à lundi soir.

«J'ai battu Josée Verner. Alors je ne m'attendais pas à recevoir de fleurs de leur part!» lance la jeune femme de 27 ans, loin de s'en faire avec les critiques.

Sa victoire est la plus étonnante de la région. Elle-même n'en a pas dormi de la nuit, ou presque. Sa vie vient de prendre un tournant inattendu. «Je suis prête à travailler avec acharnement», assure-t-elle.

Peu de choses ont été écrites à son sujet. La Presse a noté le 27 avril que sa page Facebook fait état de son intérêt pour la lutte et la vodka glacée. «Je suis la procrastination incarnée», y écrit-elle.

«Ça, c'est parce que je fais mes travaux d'école à la dernière minute. Mais je peux vous montrer mon relevé de notes!» réplique-t-elle, fière de son dossier scolaire.

Alexandrine Latendresse a terminé son bac en linguistique et en études russes le 26 avril. Une semaine avant le scrutin! Elle admet ne pas avoir fait campagne «à temps plein», ce qui n'est pas très grave à ses yeux. «C'était trop tard pour annuler les cours», plaide-t-elle. Elle s'apprêtait à entamer une maîtrise en linguistique informatique. C'était avant que les électeurs ne la catapultent aux Communes. Le projet est maintenant en suspens.

Alexandrine Latendresse n'en était pas à sa première campagne électorale. Elle avait également affronté la ministre Verner en 2008. Résultat : 5252 votes (10 %). Elle en a récolté quatre fois plus lundi.

En entrevue, Alexandrine Latendresse a eu du mal à se prononcer sur un dossier chaud: la question nationale. Il a fallu lui demander maintes fois si elle est pour la souveraineté avant qu'elle réponde du bout des lèvres que, «si le projet (de pays) est intéressant», qu'il incarne des valeurs comme la solidarité, elle l'accepterait «probablement».

Elle ne s'est jamais mêlée de politique provinciale, mais elle a déjà voté pour François Legault, à l'époque où il représentait le PQ dans Rousseau. Un homme qui ne tient pas exactement le même discours que le NPD... «C'était un bon député», explique la jeune femme, qui a grandi à L'Épiphanie.

Elle a quitté la région à 17 ans pour étudier en sciences de la nature, puis en arts et lettres, au cégep de Rimouski. C'est là qu'elle a rencontré des militants néo-démocrates, dont Guy Caron, élu lui aussi lundi.

En 2005, elle a fait un certificat en études russes à l'Université Laval. Elle s'est envolée pour Moscou l'année suivante dans le cadre d'un échange étudiant. Elle a étudié l'histoire et la politique à l'Université de sciences sociales de Moscou pendant un an. Elle a donné des cours de français à de jeunes Russes, qu'elle a initiés à la littérature québécoise, de Menaud, maître-draveur aux oeuvres de Michel Tremblay.

En 2007, elle a déménagé à Montréal, en plein coeur du Plateau. «C'est le début de mon engagement au NPD.» Elle est devenue bénévole pour Thomas Mulcair lors de la partielle de 2007 dans Outremont.

De retour à Québec en 2008 pour étudier au baccalauréat, elle a accepté l'invitation du NPD de porter ses couleurs dans Louis-Saint-Laurent. «Tu as un bagage intéressant. Ce serait bien que tu te présentes», lui a-t-on dit au NPD. «J'avais le goût d'essayer ça. Je me suis toujours intéressée à la politique.»

L'Infoman Jean-René Dufort a alors diffusé une capsule sur la candidate néophyte. C'est elle qui, à 5 ans, lançait le célèbre «Du fromage, S.V.P.!» dans une publicité des producteurs de lait.

En mars dernier, le NPD lui a fait la même proposition, mais elle n'a pas parlé à Jack Layton, «trop débordé» selon elle. «Je me suis dit: pourquoi pas? Je me sentais plus prête encore.»

Alexandrine Latendresse rejette l'étiquette de «poteau». «On dit tout le temps que les jeunes ne s'intéressent pas à la politique. Et après, quand il y en a qui s'engagent, on leur tape sur la tête. Comme s'il fallait avoir tout vécu!»

La résidante de Beauport-Limoilou entend déménager dans Louis-Saint-Laurent, en plus d'avoir un pied-à-terre à Ottawa. Elle se dit «passionnée d'environnement» - elle a travaillé dans un camp de vacances «écologique» durant quelques étés - et s'intéresse aux droits des Autochtones. Louis-Saint-Laurent regroupe le village huron de Wendake, L'Ancienne-Lorette et une partie de Québec.