Quel chef a remporté le débat en anglais? Quel chef a le moins bien performé? Pourquoi?

LES COMMENTAIRES DOIVENT ÊTRE SIGNÉS. MAXIMUM DE 150 MOTS.

Richard Vigneault

Consultant en communication et membre de l'Idée fédérale



M. HARPER SOLIDE



Pas de surprise dans ce débat. Stephen Harper a été la cible et il a été calme, précis, serein, en un mot, très premier ministre. Il a passé tous ses messages avec une approche équilibrée et terre à terre sur tous les sujets. Rien ne l'a désarçonné.  En somme, ce débat nous aura permis de savoir où Harper nous a amenés jusqu'à présent, mais absolument pas où M. Ignatieff voudrait nous conduire. Encore moins M. Layton, même si le chef du NPD maîtrise bien l'art de débattre et fait quelques bons effets,  notamment en désignant M. Ignatieff comme le meilleur ami de Harper. Malgré un vibrant plaidoyer pour le respect du Parlement, le chef libéral a malheureusement prouvé qu'il est toujours chef de l'opposition, mais ne représente pas encore une alternative à M. Harper. Il lui reste 20 jours pour nous convaincre. Il ne manquait pourtant pas de munitions. Quant à Gilles Duceppe, il avait souvent l'air d'un touriste perdu au Canada ! Les trois autres chefs veulent absolument devenir premier ministre et lui, semble n'en avoir rien  à faire !  On a l'impression que si les chômeurs, les malades, les jeunes contrevenants ne sont pas Québécois, ça laisse Gilles Duceppe totalement indifférent.

Mélanie Dugré

Avocate



M. LAYTON EXCELLENT, M. IGNATIEFF FADE



Un constat préliminaire s'impose : les discussions et les échanges sont nettement plus fluides et rythmés en anglais pour trois des quatre chefs. N'étant pas préoccupés par une potentielle erreur de français, ils permettent davantage à leur personnalité de colorer le débat. La couleur n'est certainement pas la force première de la personnalité de Stephen Harper, laquelle oscille entre le gris pâle et le gris foncé. Tant l'attitude que le discours ont passé une bien terne soirée quoique le messager ait été difficile à déstabiliser.

Sans avoir été catastrophique, la performance de Michael Ignatieff est demeurée relativement fade, la chance du débutant n'étant pas au rendez-vous. Mon étoile du match est décernée à Jack Layton qui a excellé dans l'art d'ébranler ses adversaires au moyen de commentaires incisifs lancés avec classe et élégance. Le vieux routier des débats, Gilles Duceppe, a été plutôt décevant. L'exercice de ce soir était toutefois, pour le Bloc, une répétition en vue du vrai spectacle qui aura lieu lors du débat en français. Tout endimanchés qu'ils sont apparus à l'écran, les chefs étaient visiblement en mode séduction. Le charme aura-t-il opéré sur une population largement désintéressée de la chose politique? N'en déplaise à nos quatre soupirants, rien n'est moins sûr...

Mélanie Dugré

Denis Saint-Martin

Professeur de science politique à l'Université de Montréal



M. HARPER A GAGNÉ



La fonction de premier ministre qu'Harper occupe lui donne un avantage que le format et la dynamique du débat ne font que renforcer. L'institution du premier ministre lui donne un prestige et un gravitas face aux trois autres individus qui ne font que l'attaquer tour à tour sans cohérence et qui se contredisent entre eux. M. Harper a gardé un ton calme, l'adulte dans la garderie. Il a transformé en simples « politicailleries » (mudsliging) les accusations de manque de respect pour la démocratie formulée par ses adversaires. M. Harper gagne. M. Duceppe s'est empêtré autour de la question du multiculturalisme mais a néanmoins réussi à faire ombrage à M. Ignatieff. C'est pourquoi le chef libéral ressort de cet exercice comme le plus grand perdant. Le meilleur moment de M. Ignatieff est venu lors de la discussion sur la gouvernance et la démocratie. Mais c'est un enjeu qui intéresse peu le citoyen moyen et l'électeur médian, celui susceptible de faire basculer la balance du pouvoir d'un côté ou de l'autre.

Mathieu Bock-Côté

Chargé de cours en sociologie à l'UQAM



AVANTAGE HARPER



Le scénario s'est déroulé comme prévu: l'un après l'autre, les chefs de partis de l'opposition se sont opposés. Le résultat: trois chefs de l'opposition convaincants dans leur rôle, un chef de gouvernement tout aussi convaincant dans le sien. Stephen Harper a tiré avantage de ce tir groupé contre sa personne en se présentant comme le gardien d'une nécessaire stabilité gouvernementale. Il manquait toutefois de l'élan nécessaire à l'obtention certaine d'une majorité parlementaire. De même, Michael Ignatieff ne sera pas parvenu à réaliser le coup d'éclat qui aurait permis d'inverser à son avantage le courant de la campagne. Sa fadeur naturelle est remontée à la surface. Néanmoins, le débat a permis un certain retour au réel: Jack Layton ne sera jamais premier ministre du Canada. Quant au Bloc, malgré son souverainisme affiché, sa présence est normalisée dans le parlementarisme canadien. Dernière chose: le PLC, le NPD et le Bloc représentent les trois piliers du progressisme pancanadien. Malgré les dénégations de Michael Ignatieff, une coalition de gauche, sous une forme ou sous une autre, semble appelée à se former en cas de parlement minoritaire. Si quatre partis concourent actuellement pour l'appui des électeurs, ce sont des philosophies contrastées qui s'affrontent explicitement.

Mathieu Bock-Côté

Pierre Simard

Professeur à l'École nationale d'administration publique, à Québec



AUCUN COUP FATAL



Comptabiliser les points marqués de part et d'autre ne sert à rien. On ne gagne pas un débat, on le perd. Et qui avait le plus à perdre? Stephen Harper. À la suite de ce débat, combien d'électeurs anglophones migreront du Parti conservateur vers le Bloc? Aucun. Vers Le NPD? Très peu. Vers les libéraux ? Hum...! Pour que ce premier débat puisse faire une différence chez l'électorat anglophone, il aurait fallu que le duel Ignatieff-Harper se solde par une mise hors de combat d'un des protagonistes. Ce ne fut pas le cas. On a vu un Stephen Harper, attaqué de toutes parts, garder son calme et donner l'image d'un premier ministre en contrôle. Difficile à démonter, il aura réussi à consolider ses acquis dans l'électorat. Michael Ignatieff aura été agressif par moment, mais trop souvent hésitant et terne dans ses répliques. Jack Layton, posé et  sympathique, aura surtout réussit à ébranler M. Ignatieff. Quant à Gilles Duceppe, il souffre d'un insurmontable déficit de crédibilité au Canada anglais. Pour tout dire, les vrais perdants sont tous les Canadiens : un débat ennuyant et sans aucun rebondissement. Heureusement qu'il y a du hockey jeudi!

Pierre-Yves McSween

Comptable agréé et chargé de cours à HEC Montréal



UN DÉBAT TERNE



Aucun des chefs des trois partis de l'opposition n'a réussi à déstabiliser définitivement Stephen Harper. Sous cet angle, le chef du Parti conservateur pourrait sembler le gagnant, car il a réussi à énumérer les priorités de son gouvernement.  À propos des baisses de taux d'impôt des sociétés, le premier ministre a évité les questions en stipulant que cette décision était passée. Il est resté calme, sans regarder ses opposants : une cassette en lien avec le dogme économique était préparée pour chaque question. Jack Layton a eu un moment fort lorsqu'il a parlé de la perception des autres pays du gouvernement actuel avec l'expression « What the heck is going on ? ». Au niveau du sens de la répartie et des qualités d'orateur, Jack Layton semble être celui qui s'est le mieux débrouillé. On a travesti la pensée démocratique en mettant l'enjeu de la campagne sur le débat télévisé. On accorde une importance trop élevée au débat. Ce qui est important, ce sont les programmes et les valeurs des partis. Mais quel électeur se rend jusqu'à la lecture des documents ? Ce spectacle politique télévisé ne devrait pas être l'élément majeur pouvant faire vaciller le vote.  En définitive, le fait que CBC passe à un spécial sur les séries de la LNH immédiatement après le débat me laisse perplexe.

Pierre-Yves McSween