Il y a des paradoxes en politique qui laissent parfois pantois.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a laissé entendre jeudi qu'il pourrait tirer sa révérence après les prochaines élections. À l'occasion de l'enregistrement de l'émission Larocque-Lapierre, qui sera diffusée demain sur les ondes de TVA, le chef bloquiste a en effet répondu « je ne sais pas » quand on lui a demandé si la présente campagne était sa dernière.

Moins de 24 heures plus tard, M. Duceppe a tenté de dissiper les doutes sur ses intentions. En conférence de presse à Warwick, il a assuré qu'il solliciterait un autre mandat comme chef des troupes bloquistes si les militants le plébiscitent.

Chose certaine, s'il décide de quitter définitivement Ottawa, Gilles Duceppe ne partira pas les mains vides. Selon les calculs de la Fédération canadienne des contribuables, il aura droit à une pension annuelle de 136 000 $ s'il tire sa révérence à partir du 1er janvier 2009.

La générosité du régime de retraite des députés a souvent fait l'objet de controverse. Pour toucher une pension à partir de 55 ans, un député doit avoir siégé aux Communes au moins six ans. La pension, indexée annuellement, est établie en fonction du nombre d'années de service à titre de député et de la moyenne des cinq meilleures années salariales.

Élu pour la première fois aux Communes en 1990, M. Duceppe touchera ainsi une pension de député supérieure à celle de Brian Mulroney, qui a été premier ministre de 1984 à 1993. M. Mulroney, qui est le père de l'Accord de libre-échange nord-américain et de la réforme fiscale qui a donné naissance à la TPS, reçoit une pension annuelle de 107 000 $.

En fait, Gilles Duceppe, qui est chef du Bloc québécois depuis 1997, en est à sa cinquième campagne électorale. À ce titre, il pourrait toucher la cinquième pension en importance dans l'histoire du Parlement.

Aux Communes, tous les députés touchent un salaire annuel de 155 400 $. Les chefs de parti reçoivent un supplément de 52 900 $. Le salaire de M. Duceppe s'élève donc à 208 300 $.

Selon les calculs de la Fédération canadienne des contribuables, Paul Martin aura droit à une pension de 166 400 $ après les élections fédérales du 14 octobre. M. Martin a été député pendant 20 ans, ministre des Finances de 1993 à 2002 et premier ministre pendant trois ans, de décembre 2003 à janvier 2006.

M. Martin, qui est perçu par certains observateurs comme le meilleur ministre des Finances des 50 dernières années parce qu'il a rétabli l'équilibre des finances publiques après plus de trois décennies de déficits, devance de peu Jean Chrétien.

M. Chrétien a droit à une pension de quelque 165 000 $, toujours selon les calculs de la Fédération canadienne des contribuables. M. Chrétien, qui a été député de Saint-Maurice pendant 36 ans, a été titulaire d'une panoplie de ministères dans le gouvernement de Pierre Trudeau et a été premier ministre pendant 10 ans, de 1993 à 2003.

Malgré cette longue feuille de route, le « p'tit gars de Shawinigan » obtiendrait seulement 30 000 $ de plus que le chef bloquiste.

L'ancienne ministre d'État Ethel Blondin-Andrew, défaite aux élections de janvier 2006, arrive au troisième rang. Élue pour la première fois en 1988 dans la circonscription de Western Arctic, dans les Territoires du Nord-Ouest, elle touche actuellement une pension de quelque 143 000 $ par année.

Don Boudria, qui a été député de 1984 à 2006 et ministre dans le gouvernement Chrétien, a droit quant à lui à environ 142 000 $ par année.

Ironiquement, le salaire des députés a été substantiellement augmenté par le gouvernement de Jean Chrétien. M. Duceppe profite donc des mesures adoptées par son adversaire de toujours.

On dit que le succès en politique est une question de timing. M. Duceppe est arrivé à Ottawa au bon moment pour faire la promotion de la souveraineté dans la foulée de l'échec du l'accord du lac Meech. Ses adversaires politiques se plaisent à dire aujourd'hui qu'il est aussi arrivé au bon moment pour obtenir une retraite dorée.

« Décidément, le Canada aura été rentable pour Gilles Duceppe », affirme Adam Taylor, de la Fédération canadienne des contribuables.