Benoit Labonté a menti. Oui, il a rencontré plusieurs fois Tony Accurso. Oui, son entourage politique a accepté de l'argent d'entreprises privées. Il reconnaît les faits. Il a crevé l'abcès, hier, affirmant à Radio-Canada que le milieu politique municipal et provincial est atteint d'un «cancer généralisé»: une corruption et une collusion qui règnent, selon lui, partout où il est question de financement des partis.

M. Labonté a dit à la journaliste Marie-Maude Denis qu'il avait menti «par crainte de représailles» et qu'il ne voulait pas nuire à ses amis candidats. «C'est une erreur, je le regrette profondément.» Puis, il explique les raisons sous-jacentes de ce mensonge. Selon lui, la vie politique québécoise est «gangrenée» par un financement occulte des partis. «C'est un système à Montréal, dit-il. La ville a la gangrène, un cancer à multiples métastases. Il faut absolument nettoyer cette ville.»

 

Il a affirmé que Vision Montréal, «comme les autres», sauf Projet Montréal («c'est facile d'être droit quand on n'attire pas de financement et qu'on n'a pas de chance de prendre le pouvoir»), a été financé par de l'argent venant d'entreprises, des dons secrets versés par l'intermédiaire de prête-noms qui font un chèque personnel. Il estime que l'argent versé ainsi pourrait atteindre presque 50% du financement des partis.

«Tout le monde sait que ça se passe comme ça. Ça fait partie des règles du jeu non écrites. C'est un trou béant dans la loi. Le financement politique populaire au Québec, c'est une fiction. C'est un système hypocrite, un cancer répandu, et là je pense qu'on en est rendu, tant au Québec qu'à la Ville de Montréal, au point où on devrait se payer notre démocratie. L'État devrait payer le fonctionnement des partis politiques, car ce système, tout le monde, je dis bien tout le monde, le fait.»

Comme Mme Harel l'avait fait lors du débat à Radio-Canada, il a reparlé des 7000$ par mois en moyenne qui sont donnés au parti du maire Gérald Tremblay, Union Montréal, de l'argent dont «on ne connaît aucunement la provenance», a-t-il dit. Il ajoute que dans une moindre mesure, ce genre de financement s'est fait à Vision Montréal... et même depuis que Louise Harel est arrivée.

«Il y a des histoires encore chez Vision Montréal, dit-il. La responsable du financement de Louise Harel, qu'elle a nommée en arrivant, ne se cache pas du tout, en pleine réunion, où il y a beaucoup de personnes, pour dire qu'on va aller chercher du financement, qu'on appelle le sectoriel. C'est du financement de grandes entreprises, ce qui n'est pas permis. Seuls les individus ont le droit de contribuer, pas les grandes entreprises. Et après ça, on ira chercher des prête-noms. On leur fera faire des chèques personnels pis on va respecter la loi. Ça se passe à Vision Montréal, mais de moins grande ampleur. Le principe existe dans tous les partis.»

Le député de Québec solidaire, Amir Khadir, a rejeté hier cette dernière affirmation de Benoit Labonté. Il dit que son parti n'accepte pas de financement anonyme du secteur privé. «Ce sont de vieux partis, des roitelets qui ont institué des réseaux d'argent», dit-il.

Pour Benoit Labonté, la mafia joue un rôle dans le milieu politique québécois. «À travers les compagnies que ces gens-là possèdent, est-ce qu'il y a un système mafieux présent pas juste à Montréal, mais aussi, plus largement, autour du gouvernement du Québec, pour moi ça ne fait pas de doute», dit-il.

«Ceux qui ont intérêt à financer les partis politiques à Montréal, à Laval, sont exactement les mêmes qui ont intérêt à financer au niveau provincial», ajoute-t-il.

Il explique que la mafia qui tourne autour des services publics est une «mafia de cols blancs». Selon ce que des policiers lui ont raconté, des entreprises «pompent de l'argent du public» de façon «très subtile» et cette extorsion représente «des millions et des millions de dollars».

M. Labonté a cité les contrats de déneigement à Montréal comme un exemple de collusion qui coûte cher aux contribuables. Il dit que la «décentralisation massive» de l'administration montréalaise dans 19 arrondissements «a multiplié les occasions d'avoir de la collusion».

L'ex-candidat à la mairie de Montréal en 1998, Jacques Duchesneau, a dit, hier soir, qu'il croit ce que dit M. Labonté sur le système de corruption. «Je le crois, ça reflète ce que j'ai vécu. Il y a un problème de moeurs», a-t-il dit à Radio-Canada. Au même poste, l'ex-président du comité exécutif de Montréal, de 1998 à 2001, Jean Fortier, a ajouté qu'il savait à l'époque qu'il y avait de la corruption à l'hôtel de ville. «Je n'ai jamais su si c'était du côté politique ou administratif», a-t-il dit.