Le directeur adjoint du Service de police de Montréal, Mario Gisondi, est propriétaire depuis 2004 d'une entreprise de construction, qui bâtit des maisons de luxe en banlieue de Montréal. Le chef du SPVM, Yvan Delorme, était au courant de cette situation et estime qu'elle ne pose aucun problème éthique.

«Je sais qu'il a construit des maisons», a déclaré M. Delorme dans une entrevue accordée à La Presse pour faire le point sur son départ. «Il n'a rien à se reprocher. Il a gagné son poste par ses compétence et son effort. C'est établi dans une loi : les policiers n'ont pas l'interdiction de travailler dans le domaine de la construction. On leur interdit de travailler dans des endroits licenciés, de travailler dans une entreprise de sécurité privée.»

Mario Gisondi, numéro trois au Service de police, est le président d'une société, Constructions Masy, depuis 2004. L'entreprise propose «des habitations de qualité supérieure» dans le Boisé de Boucherville et à Saint-Bruno, peut-on lire sur son site internet (constructionsmasy.blogspot.com).

Le responsable de la sécurité publique à la Ville de Montréal, Claude Trudel, ignorait que M. Gisondi possédait une entreprise. Est-ce normal? «Je suis surpris, répond-il. On peut faire des affaires, mais il faut être prudent. Dans n'importe quel deuxième emploi, il faut être prudent.»

Est-ce éthiquement acceptable? «Je suis plus à l'aise avec quelqu'un qui a une entreprise de construction qu'avec un policier qui possède une firme de sécurité.»

Selon le criminologue Benoît Pilon, spécialiste des questions policières et professeur à l'Université de Montréal, «la loi sur la police permet aux policiers d'exercer une autre activité si elle ne contrevient pas au code de déontologie. Un policier ne pourrait pas, par exemple, diriger une firme de sécurité».

«Je suis surpris que M. Gisondi ait le temps de s'occuper d'une entreprise, ajoute-t-il. Et avec tout ce qu'on sait sur le fonctionnement de l'industrie de la construction au Québec, ça peut le mettre dans une position inconfortable.»

Un départ surprise

Le chef du SPVM a assuré que son départ n'avait rien à voir avec les problèmes de la firme qui s'occupe de la sécurité au quartier général du SPVM. Le Bureau canadien d'investigations et d'ajustements, dans lequel le gouvernement et le Mouvement Desjardins ont englouti des millions de dollars, s'est placé sous la protection de la Loi sur la faillite la semaine dernière.

«C'est la firme qui était visée. Comment ça pourrait avoir un lien avec mon départ, je n'en ai aucune idée. Je n'ai aucun squelette dans mon garde-robe», a-t-il déclaré.

La démission d'Yvan Delorme a pris tout le monde par surprise, dont les autorités municipales, qui s'expliquent mal son départ (voir autre texte). M. Delorme a informé le bureau du maire de sa décision vendredi dernier.

Gérald Tremblay a offert au chef du SPVM un renouvellement de contrat en juillet dernier, assortie d'une généreuse bonification de son régime de retraite, à laquelle il renonce en partant prématurément. La perte salariale qu'il subit est «immense», admet Yvan Delorme.

Pourquoi donc partir, quelques mois à peine après avoir accepté de rester ? «L'an dernier, il y avait une enquête publique qui s'amorçait. Il y avait des négociations. Les policiers étaient en moyens de pression. Je ne pouvais pas quitter le bateau quand il était dans la tempête.»

Et actuellement, croit-il, c'est le bon moment pour partir. «La situation est bonne. Le service va bien. La criminalité est en baisse. Il y a une nouvelle administration à la Ville de Montréal. C'est le bon moment de prêter le service à quelqu'un d'autre.»

George Bossé, ex-président de la Commission de la sécurité publique à la Ville de Montréal, faisait partie du comité de sélection qui a choisi Yvan Delorme comme chef de la police en 2005. «Je lui avais demandé : "J'espère que vous ne prendrez pas votre retraite après cinq ans !" Il m'avait répondu : "Ben voyons donc ! Absolument pas."»

M. Delorme assure qu'il n'a aucune offre d'emploi sur son bureau. Chose certaine, dit-il, «je ne travaillerai pas dans une firme de sécurité, ni en politique».