Trois mois après la démission-surprise d'Yvan Delorme, la Ville de Montréal choisira cette semaine son prochain directeur de police. Les défis seront nombreux pour le futur chef, qui devra regagner la confiance des policiers tout en réduisant son budget. Le choix du nouvel homme fort du SPVM s'annonce difficile. Et éminemment politique.

Cinq officiers supérieurs de la police de Montréal se présenteront devant des élus lundi prochain. Cinq hommes aux profils différents mais qui ont le même objectif: devenir le prochain directeur du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

Selon nos sources, le processus de sélection du successeur d'Yvan Delorme commence lundi. Tour à tour, les cinq aspirants feront une présentation devant le comité de sélection. C'est le maire de Montréal, Gérald Tremblay, qui prendra la décision ultime après avoir rencontré les deux finalistes, jeudi.

À la veille du processus de sélection, les élus responsables du dossier se font extrêmement discrets quant à leurs intentions et à leur préférences. Il risque toutefois d'y avoir une certaine dissension entre les membres du comité, composé de Claude Trudel, président de la Commission de la sécurité publique (Union Montréal), Lyne Thériault (Vision Montréal), Luc Ferrandez (Projet Montréal), Peter Trent, maire de Westmount, et Louis Roquet, directeur général de la Ville.

L'issue du processus est «difficile à prévoir», selon Jacques Bourgault, spécialiste en administration publique et professeur associé à l'UQAM et à l'ENAP. «Lors des deux dernières courses, les candidats qui semblaient élus d'avance n'ont pas été choisis», rappelle-t-il.

Plusieurs scénarios

Dans les coulisses, on évoque plusieurs scénarios. Le maire, allié naturel d'Yvan Delorme, pourrait opter pour la continuité en choisissant Jean-Guy Gagnon, l'actuel directeur adjoint. Connu comme le bras droit de M. Delorme, il est le candidat le plus expérimenté et l'officier du plus haut rang dans la hiérarchie.

Quatre directeurs adjoints sont également en lice, dont Marc Parent, qui chapeaute la région Nord. Apprécié par les policiers de la base, M. Parent, aux yeux de plusieurs, incarne le changement.

Le nom de Denis Desroches, qui dirige la région Sud, est souvent évoqué. Reconnu comme un homme efficace, ses qualités de gestionnaire pourraient jouer en sa faveur.

Pierre Brochet, de la région Ouest, et Sylvain Brouillette, des affaires générales, sont également dans la course. Les deux hommes sont moins connus au SPVM, ce qui n'est pas nécessairement négatif, dit-on. Les politiciens pourraient les percevoir comme des chefs plus faciles à gérer.

Remotiver les troupes

Une fois élu, le nouveau directeur aura à affronter plusieurs défis. En premier lieu, il devra rétablir la confiance des troupes, selon le professeur Jacques Bourgault, qui a enseigné à de nombreux policiers pendant sa carrière.

«C'est peut-être la question la plus critique en ce moment, estime-t-il. Le chef devra montrer qu'il est proche de la base et qu'il a le respect des hommes et des femmes sur le terrain.»

Sous le règne d'Yvan Delorme, les relations avec les syndiqués se sont détériorées. En mai, la Fraternité des policiers et des policières de Montréal a mandaté une firme pour sonder les troupes.

«Les résultats sont désastreux», résume le président du syndicat, Yves Francoeur. Les policiers déplorent la pression qu'on exerce sur eux pour qu'ils donnent des contraventions, la perte de la fierté d'être policier et les coupes budgétaires.

Selon plusieurs sources, l'ambiance morne qui règne au SPVM a contribué au départ d'Yvan Delorme, qui a remis sa démission en avril alors que le maire venait de renouveler son contrat.

D'autres défis

En plus de ses qualités de rassembleur, le nouveau directeur devra faire preuve de transparence et accepter de répondre aux questions de la population, estime Jacques Bourgault. Selon lui, les bourdes entourant le contrat accordé à la firme BCIA ont nui à l'image du SPVM.

Enfin, pendant son mandat, le futur chef devra clarifier la question du profilage racial et multiplier les gestes d'ouverture envers les communautés culturelles, selon M. Bourgault.

Le prochain numéro 1 du SPVM devra relever ces nombreux défis dans une conjoncture de compressions budgétaires, reconnaît Jacques Bourgault. «Mais dans le secteur public, gérer les paradoxes fait partie du travail», conclut-il.

Denis Desroches

Poste: directeur adjoint, service à la communauté, région Sud

Âge: 46 ans

Denis Desroches a hérité de plusieurs dossiers délicats depuis le début de sa carrière. Son intelligence et son aptitude à maîtriser rapidement les dossiers y sont pour beaucoup.

Natif de la Montérégie, M. Desroches a la réputation d'un homme discret, plus ou moins charismatique, mais d'une efficacité redoutable. C'est un bourreau de travail, qui s'attend à la même chose de ses troupes.

M. Desroches dirige actuellement la région Sud de Montréal. Il est chargé du dossier du profilage racial, devenu particulièrement délicat depuis la mort de Fredy Villanueva, abattu par un policier à Montréal-Nord au mois d'août 2008.

En juin, c'est lui qui a défendu le SPVM devant la Commission des droits de la personne. Il a affirmé que le profilage racial n'était pas un problème systémique, mais plutôt une affaire de cas isolés attribuables à l'erreur humaine. Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales, avait qualifié sa position de «négationniste».

Depuis trois ans, Denis Desroches s'occupe des dossiers sociaux au SPVM, dont le profilage social des sans-abri dans le Centre-Sud. Il a également piloté le dossier de la prévention du terrorisme dans la foulée des attentats du 11 septembre.

Des policiers le perçoivent comme l'un des patrons les moins tolérants sur les questions de conciliation travail-famille.

**

 

Photo fournie par le SPVM

Denis Desroches

Pierre Brochet

Poste: directeur adjoint, service à la communauté, région Ouest

Âge: 45 ans

Le plus jeune des cinq candidats, Pierre Brochet gère la région Ouest du SPVM, qui comprend les villes défusionnées. Actif sur son territoire, il est toutefois rare de le voir au quartier général de la police. Il est réputé comme un homme posé, calme et discret.

M. Brochet a commencé sa carrière de patrouilleur dans le Sud-Ouest puis au centre-ville. Il a ensuite gravi les échelons à Verdun et à LaSalle.

On dit de lui qu'il est proche de ses troupes. De temps en temps, il enfile son uniforme bleu pour aller patrouiller avec ses hommes.

Il jouit d'une bonne réputation, mais ses contacts dans l'état-major du SPVM sont limités, dit-on. Il est donc rare de le voir à l'avant-scène.

Pierre Brochet est notamment responsable des tables de concertation avec les citoyens et du dossier des patrouilles préventives dans les arrondissements.

Il a été commandant de deux postes de quartier, dont le poste 20, au centre-ville. Il a trois enfants.

**

 

Photo fournie par le SPVM

Pierre Brochet

Marc Parent

Poste: directeur adjoint, service à la communauté, région Nord

Âge: 46 ans

Originaire de Québec, Marc Parent est arrivé à Montréal lorsqu'il était jeune adulte. Depuis, il n'a jamais quitté la métropole. Pas question, pour lui, de s'établir en banlieue.

M. Parent, qui chapeaute la région Nord du SPVM, est le seul des cinq candidats à résider dans le territoire qu'il gère.

Il avait soumis sa candidature à la direction en 2005, mais il n'a pas été convié à la dernière étape du processus. Identifié à l'aile «gauche» du SPVM, il a un réseau de contacts limité et n'a pas d'équipe en place. La base a toutefois du respect pour cet ex-chef d'équipe du Groupe tactique d'intervention, réputé pour son oreille attentive.

Responsable du dossier de l'emploi de la force, M. Parent a notamment instauré des règles d'éthique en la matière.

Il s'occupe également de la question des pistolets à impulsion électrique.

**

 

Photo fournie par le SPVM

Marc Parent

Jean-Guy Gagnon

Poste: directeur adjoint, direction stratégique

Âge: 48 ans

Dans l'état-major du SPVM, Jean-Guy Gagnon a occupé tous les postes. Sauf celui de directeur. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé.

En 2005, M. Gagnon s'est rendu à l'étape de l'entrevue. Plusieurs observateurs le voyaient en poste, mais les élus lui ont préféré Yvan Delorme, son bon ami.

C'est un secret de Polichinelle que, au SPVM, c'est Jean-Guy Gagnon qui dirige la police sur le terrain. Yvan Delorme, lui, s'occupe surtout des grandes orientations et de faire le lien avec le politique.

L'influence de Jean-Guy Gagnon est telle que, depuis 2008, il préside les réunions du conseil de direction du SPVM, un siège pourtant destiné au directeur.

«C'est une firme de consultants qui a pris cette décision parce que le directeur se déplace régulièrement», justifie le directeur adjoint Mario Plante.

Jean-Guy Gagnon est le seul candidat issu de la division des enquêtes. Il a déjà fait partie de Carcajou, une équipe d'élite créée pour combattre les motards.

Fort d'un important réseau, M. Gagnon est connu pour sa maîtrise des dossiers. Par contre, les troupes ont de la difficulté à lui pardonner sa visite aux funérailles de Fredy Villanueva, en 2008. Sa nomination serait perçue comme la continuité de l'ère Delorme.

**

 

Photo fournie par le SPVM

Jean-Guy Gagnon

Sylvain Brouillette

Poste: directeur adjoint, service des opérations corporatives

Âge: 46 ans

Sylvain Brouillette a été actif au printemps dernier, lors des séries éliminatoires de hockey. Les matchs, il les as vécus dans le centre de commandement du SPVM.

Réputé pour sa droiture et son sang-froid, M. Brouillet est responsable des services d'ordre au SPVM. C'est lui qui a planifié les opérations visant à éviter les émeutes au centre-ville. Les casseurs ont été maîtrisés plus rapidement que l'année dernière, ce qui a permis de limiter les dégâts.

Le 22 mai, lors d'un match opposant le Canadien aux Flyers, Sylvain Brouillette a fait visiter le centre de commandement à la chef de cabinet du maire, Diane Lemieux.

Cette visite a fait jaser au SPVM. M. Brouillette voulait-il s'attirer les faveurs du parti du maire en vue de la course à la direction ? Pas du tout, assure Darren Becker, porte-parole du comité exécutif.

«L'invitation venait du chef de cabinet d'Yvan Delorme, et non de Sylvain Brouillette, a indiqué M. Becker. Diane Lemieux était là pour faire un compte rendu au maire.»

Responsable des affaires générales, Sylvain Brouillette est également chargé du développement des affaires. C'est lui qui pilote l'impopulaire dossier de la commercialisation des services.

Photo fournie par le SPVM

Sylvain Brouillette