Pauline Marois est perçue comme snob, une politicienne sans sens de la répartie, incapable de mettre en capsule son message pour les médias électroniques. Les électeurs jugent qu'elle est loin de leurs problèmes, on la trouve hésitante. Certaines de ses décisions comme ministre sont encore des boulets.

Ce verdict sans ménagement, c'est celui fait à l'interne au Parti québécois, dans un document intitulé « Plan de campagne-Élection 2008 » datant du 10 octobre dernier, obtenu par La Presse. Il y a eu d'autres moutures par la suite de cet exposé de 17 pages, mais pour l'essentiel, tout a été conservé, ont indiqué des sources au sein du parti.

Les conseillers ne mettent pas de gants blancs pour résumer les chances du Parti québécois hors de la grande région de Montréal. Une visite des 17 régions administratives est «un passage obligé», mais les responsables de la tournée Marois prévoient «qu'il faudra cibler adéquatement nos visites et passer le plus clair de notre temps dans les régions de Lanaudière, Laurentides, Mauricie, Centre du Québec et Montérégie».

Mme Marois semble suivre exactement ce plan de match depuis le déclenchement de mercredi. Après une visite à Trois-Rivières et Shawinigan, elle a fait campagne à Boucherville et rayonnera dans le 450 pour les trois prochains jours.

Le document dresse une liste exhaustive des circonscriptions où le PQ pourrait revenir, en rappelant par combien de voix elles avaient été perdues en 2007. Dans ce «1er bloc», on retrouve notamment les Masson, Berthier, Joliette et L'Assomption, les circonscriptions où la défaite du PQ avait été une surprise il y a 18 mois. Dans un second bloc, on retrouve d'autres circonscriptions, toujours dans le 450 : Chambly, Marguerite-D'Youville, Groulx, par exemple.

La région de Québec arrive beaucoup plus loin. Le document relève que dans la grande majorité des cas, les candidats péquistes ont terminé en troisième place en 2007.

On pointe même des « députés à surveiller », dont l'organisation peut sembler fragile ; dans Vachon, Camille Bouchard a eu une mince majorité de 227 voix. Dans Matane, Pascal Bérubé s'en est tiré avec 213 voix.

Aussi on garde l'oeil sur Gouin (Nicolas Girard) et Mercier (Daniel Turp) où le total des électeurs des « autres » partis atteint 44 et 38 %. Dans Abitibi-Est, Gaspé et Rouyn, on constate une « mauvaise organisation ».

Le document précise aussi qu'il faudra un « maximum de cinq engagements majeurs pour le PQ (...), il faut mettre de côté notre modèle de campagne : 33 jours-33 engagements », ces engagements devraient être faits dans la première semaine, et « répétés sans arrêt, partout pendant les autres journées ».

On insiste : Mme Marois devra donner une image de « sérénité », il faut « mettre à l'avant-scène une Pauline Marois dont le ton est toujours souriant, décontracté, persévérant et positif ». Les lieux des points de presse seront choisis pour «dégager cette ambiance».

Aussi, «deux considérations importantes, soit la santé de notre chef et sa bonne humeur que l'on souhaite constante». Mme Marois, qui a 58 ans, a été opérée récemment pour l'appendicite, une intervention qui l'a mise sur le carreau pendant plusieurs jours.

Pierre-Alain Cotnoir, spécialiste bien connu au Bloc québécois, et la firme Pondération Repère ont fait une analyse de la clientèle cible du PQ, dont le profil «correspond largement à un électorat masculin, âgé entre 25 et 44 ans, plutôt progressiste, se situant entre l'ADQ et les petits partis politiques». Ces électeurs, quand ils sont dans l'île de Montréal, sont souvent tentés par les partis marginaux, les verts ou Québec solidaire. Dans le 450, c'est plutôt par l'ADQ qu'ils sont tentés. En dehors de la grande région de Montréal, ce sera plus difficile, «la région de Québec et dans une moindre mesure le Québec tranquille comptent une fraction moins importante d'électeurs susceptibles de rallier le PQ que dans les autres régions du Québec», résume l'analyse de M. Cotnoir, citée dans le document péquiste.

«Faiblesses»

Appelés à faire la liste des forces et faiblesses des trois chefs, les organisateurs péquistes ne mettent pas de lunettes roses pour Pauline Marois. «Pas de sens du clip», «pas de répartie», lance-t-on avant d'ajouter qu'elle est «hésitante» qu'elle «écoute trop le monde», que «quelques dossiers la suivent (par exemple, la réforme en éducation)». Aussi, elle est perçue comme «snob» et «loin des problèmes des gens». Sa méconnaissance de l'anglais pose aussi problème.

On fait aussi, en revanche, la liste des «forces» de Mme Marois. Sa compétence en gestion, son profil social et économique fort, sa «persévérance», son expérience et sa force dans les relations interpersonnelles sont relevés, tout autant que sa «réussite financière».

À trois semaines du déclenchement de la campagne, les stratèges du PQ s'attendaient à « ce que la réforme de l'éducation (revienne) dans le paysage », tout autant que les décisions de Mme Marois quand elle était aux Finances. «Puisque tous les coups seront probablement permis, il est à prévoir que l'on reparlera de la gestion et de l'implication de Claude Blanchet dans certains dossiers, notamment la Gaspésia.» Jean Charest prendra des distances de ces attaques pour paraître au-dessus de la mêlée, mais «Mario Dumont ne s'en privera certainement pas», prédit-on. «Nos adversaires n'hésiteront pas à attaquer ou à miner la crédibilité de Pauline Marois en s'attaquant à elle via son conjoint», prédit-on.

Comme Mme Marois n'a pas la vindicte nécessaire pour donner la réplique, il faudra identifier «nos goons», des fiers-à-bras parmi les députés pour répondre.

Autrement, on ne se fait pas d'illusions sur l'utilité des candidats qui pestent contre le rôle de «plantes vertes» qu'on leur fait jouer en campagne électorale. Les médias «n'en ont que pour les chefs » et quand un candidat parvient à attirer l'attention, c'est «pour de mauvaises raisons», résume-t-on.