Investir dans les infrastructures, comme le propose Jean Charest, est le meilleur outil dont dispose un gouvernement provincial en temps de crise. À l'inverse, ce n'est pas le moment de privatiser partiellement Hydro-Québec, comme l'a suggéré Mario Dumont, et encore moins d'offrir des crédits d'impôt sur les intérêts hypothécaires.

Selon deux économistes qui ont accepté de disséquer les propositions des trois partis, c'est le Parti libéral du Québec qui a offert jusqu'à maintenant la solution la plus réaliste pour affronter la récession qui pourrait frapper le Québec. Jean Charest a promis cette semaine d'augmenter de 37 à 41 milliards les investissements dans les infrastructures entre 2008 et 2013. «C'est ce qu'il y a de mieux à faire, estime Serge Coulombe, professeur en sciences économiques à l'Université d'Ottawa. Ça a fait ses preuves depuis le New Deal.»

 

Même son de cloche du côté de l'économiste Claude Montmarquette, professeur à l'Université de Montréal et auteur d'un rapport en avril dernier sur la tarification des services. «Dans une période comme celle-ci, il faut que le gouvernement augmente ses investissements dans les infrastructures. C'est stimulant pour l'économie et c'est porteur.»

Les deux économistes aiment moins la dernière proposition de l'Action démocratique du Québec, qui propose de vendre 7,5% des actifs d'Hydro-Québec sous forme d'actions. «C'est théoriquement une bonne idée, mais c'est un manque flagrant de timing, estime Serge Coulombe. Dans la tourmente actuelle, ça ne tient pas et ça risque malheureusement de gâcher une très bonne idée.» Le geste aurait vraisemblablement comme conséquence une augmentation des tarifs d'électricité, d'ailleurs proposée par le rapport Montmarquette en avril dernier. «Je suis toujours en faveur de cela, mais ce n'est pas le moment, précise M. Montmarquette. Quand l'économie va bien, on peut faire ce genre de geste. Quand elle va mal, il faut être raisonnable.»

Quant à des crédits d'impôt sur les emprunts hypothécaires, que proposent sous des formes différentes les programmes de l'ADQ et du PQ, les deux économistes les descendent en flammes. C'est cette recette qui a largement contribué à la grave crise financière qui secoue les États-Unis, estiment-ils. «Sur une échelle de 10, je lui donne 1,5... et c'est parce que je ne veux pas lui donner zéro», dit M. Coulombe. «Ça me paraît étrange qu'on revienne dans cette direction-là, c'est assez surprenant», dit M. Montmarquette.

Le programme du PQ contient cependant quelques bons points, ajoute Serge Coulombe: amélioration de la fiscalité des retraités qui travaillent, investissements dans la formation de la main-d'oeuvre, possibilité de repousser de 71 à 73 ans la conversion des REER en FERR...

«Et j'ai beaucoup aimé le fait que le PQ ait dénoncé le semblant d'équilibre budgétaire. Il faut que, au Québec, le concept d'équilibre soit associé à la dette nette, comme à Ottawa.»

Globalement, Claude Montmarquette estime que les libéraux ont le «meilleur modèle» en matière de promesses économiques. Son collègue Serge Coulombe tempère cependant ce constat: «C'est clair que le PLQ a eu l'avantage d'engager la campagne quand il le voulait. Il a pris de court le PQ. L'ADQ, elle, a beaucoup de rattrapage à faire.»