Mario Dumont veut mettre les assistés sociaux au pas. Il a promis hier de réformer le régime pour que les prestataires aptes au travail soient obligés de réintégrer le marché de l'emploi.

«Il ne faut pas être gêné de regarder tous les Québécois dans les yeux et de leur dire que l'aide sociale, comme mode de vie, c'est fini», a déclaré le chef adéquiste lors d'un passage à Pierreville, dans le Centre-du-Québec.

 

Si l'Action démocratique est élue, chaque assisté social jugé apte au travail sera tenu de signer un «contrat prestataire-État». Ses prestations deviendront une «aide temporaire», et il devra suivre une formation et décrocher un emploi. Pour inciter les entreprises à les embaucher, elles recevront une subvention de 3000$ par année.

Le nouveau régime sera obligatoire pour tous, prévient Mario Dumont. Ceux qui refuseront d'y participer seront pénalisés. L'ADQ s'engage toutefois à ne pas «couper les vivres à zéro» aux récalcitrants.

«Si une personne est apte à l'emploi et n'a d'autre raison de rompre le contrat qu'elle n'a plus le goût de se lever le matin, qu'elle n'a plus le goût de faire quelque chose, c'est malheureux mais ce n'est pas acceptable», a résumé le chef adéquiste. Avec les sommes économisées, un gouvernement adéquiste bonifiera les prestations des plus démunis, ceux qui ne sont pas aptes au travail.

«Il faut mettre en place des mesures proactives, généreuses, dynamiques pour aider les gens à se reconnecter avec le marché du travail, a dit Mario Dumont. Quelqu'un ne peut pas dire «moi je me croise les bras, j'attends le chèque dans la boîte aux lettres, et ça ne m'intéresse pas leur affaire.»»

Le leader adéquiste a dévoilé cette promesse à l'usine Camions Thibault de Pierreville, une entreprise qui éprouve de sérieux problèmes de recrutement. Plus tôt cet été, son président Carl Thibault a publié trois offres d'embauche. Il n'a reçu que deux candidatures, même si le gouvernement recense 800 assistés sociaux dans sa région.

«Il y a tellement de gens qui ne travaillent pas qui sont aptes à le faire, estime M. Thibault. Ils feraient de bons contremaîtres, des dessinateurs. S'ils sont formés, ils vont se découvrir eux-mêmes et ils vont prendre goût au travail.»

En quatre ans, 70 000 prestataires pourraient décrocher un emploi grâce au programme, prévoit Mario Dumont, dont 10 000 la première année pour une économie de 42 millions. Les dernières statistiques gouvernementales révèlent que 136 000 personnes bénéficient de l'aide sociale alors qu'elles sont aptes au travail.

Sitôt proposée, la réforme de Mario Dumont a été écorchée par le Front commun des personnes assistées sociales du Québec. «Cela démontre une grave méconnaissance du système actuel d'aide sociale», a dit sa porte-parole, Amélie Châteauneuf.

Mme Châteauneuf a fait valoir que seulement 8,5% des bénéficiaires ont le profil et la formation nécessaires pour être embauchés demain matin. Cette donnée provient d'un rapport interne du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale datant de 2006. «C'est un rapport dont on rejette complètement les conclusions», a rétorqué Mario Dumont.

Maurice Couture, professeur de sciences politiques de l'UQAM, critique également le projet adéquiste. Le spécialiste en administration publique estime que la proposition de Mario Dumont «frappe l'imaginaire», mais qu'elle n'est tout simplement pas applicable. Il cite l'exemple du gouvernement libéral de Robert Bourassa qui avait proposé une réforme semblable en 1987. Lui aussi voulait utiliser des mesures coercitives pour forcer le retour au travail des assistés sociaux.

«Ce fut un fiasco politique, se rappelle M. Couture. Bourassa avait fait rire de lui pendant cinq ans...» Le chercheur estime que les coûts d'organisation, de coordination et de formation liés à une telle mesure dépasseraient les économies dans le régime d'aide sociale.

 

Les assistés sociaux au Québec

Adultes prestataires de l'aide sociale: 364 000

> Assistés sociaux sans contraintes (aptes au travail): 136 000

> Assistés sociaux avec contraintes temporaires: 88 000

> Chefs de famille monoparentale: 40 000

> Aide mensuelle moyenne par ménage: 702$

> Aide mensuelle totale: 230 millions

D'après le Rapport statistique sur la clientèle des programmes d'assistance sociale, septembre 2008