Le premier ministre Jean Charest dit n'avoir aucune idée de l'état des finances de la Caisse de dépôt et placement ni même de l'ampleur de ses pertes. Il assure que les prestations versées par la Régie des rentes ne seront pas réduites, mais il ne peut garantir que les déposants de la Caisse - la SAAQ, la CSST et la Régie - n'augmenteront pas leurs cotisations et leurs tarifs.

Le chef libéral affirme n'avoir «jamais demandé» à la Caisse l'état de ses finances et de ses pertes présumées. La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, ne lui a pas fait part de la «performance globale» de la Caisse. M. Charest ne l'a pas non plus questionnée à ce sujet.La semaine dernière, le président du conseil d'administration de la Caisse, Pierre Brunet, a indiqué qu'un rapport sur les finances de la Caisse était remis chaque mois à la ministre Jérôme-Forget. «Ils peuvent certainement transmettre (les rapports) au bureau du premier ministre», a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse organisée à la suite d'échanges avec Mme Jérôme-Forget.

«Comme chaque année, je prendrai connaissance des résultats lorsqu'ils seront compilés, et ils (la Caisse) vont les compiler à la fin de l'année, a affirmé Jean Charest. Je vais les connaître en même temps qu'ils vont les rendre publics ou à peu près. Ça a été comme ça pendant les cinq années où j'ai été premier ministre. C'était comme ça avant.» Le bilan annuel de la Caisse de dépôt est attendu en février.

La crise financière mondiale ne change rien à la situation, selon M. Charest. «S'il y a un problème, ils (la Caisse) le signalent. Mais il n'y a pas eu de cas particulier.» Le chef libéral a d'ailleurs souligné: «Ce n'est pas parce qu'il y a une tempête qu'on se met à courir dans toutes les directions.»

Selon lui, il n'est pas du tout inquiétant que le premier ministre ignore l'état des finances de la Caisse. «La population doit savoir que la Caisse fonctionne indépendamment du politique», a-t-il dit.

Jean Charest ne peut garantir que les cotisations et les tarifs de la Régie des rentes, de la SAAQ et de la CSST - déposants de le Caisse - n'augmenteront pas à la suite de la baisse de la valeur de leurs placements. «Ça dépendra de quelle façon les choses vont évoluer», a-t-il affirmé.

Les déposants déterminent «avec la Caisse, en fonction de ses performances», les tarifs et les cotisations que paient les contribuables. «Ils font une évaluation sur une base de 10 ans afin de déterminer ce que les cotisations doivent être.»

Selon Jean Charest, les rentes versées par la Régie des rentes ne seront pas réduites. L'organisme perçoit davantage de cotisations que ce qu'il paie aux retraités, a-t-il expliqué.

Jean Charest accuse Mario Dumont de mener une «campagne de peur odieuse» lorsqu'il affirme que les rentes sont menacées. Le chef adéquiste «a choisi d'exploiter l'inquiétude et d'alimenter la peur chez les personnes âgées. Il est indigne de représenter les citoyens», a-t-il lancé.

M. Charest avait pourtant utilisé une tactique semblable lors des élections de 2007. Il avait affirmé que «ce n'est pas vrai que le gouvernement fédéral va continuer d'envoyer des chèques au Québec» au lendemain d'une victoire du Oui à un éventuel référendum sur la souveraineté. Les péquistes «garantissent les transferts fédéraux, les pensions de vieillesse, les prestations pour enfants (NDLR: pendant la période de transition entre un statut de province et celui de pays). Ils ont affirmé une chose qui, de toute évidence, n'a aucune espèce de crédibilité», disait-il.

Mario Dumont a tourné en dérision les propos de Jean Charest: «Le premier ministre se présente en conférence de presse et dit aux gens: «Soyez rassurés, mais je n'ai pas les chiffres.» Il n'a pas les chiffres, mais il nous rassure. Ayoye! Je ne comprends pas.»

«La ministre des Finances a les chiffres. Le premier ministre ne les a pas. (...) Si j'étais lui, je passerais un petit coup de téléphone à la ministre des Finances. Ça pourrait être un cinq minutes bien investi», a ajouté M. Dumont, un sourire en coin. «C'est une farce monumentale. Toute son histoire ne tient plus la route.»

Pauline Marois non plus ne croit pas Jean Charest quand il dit ignorer l'état des finances de la Caisse. Elle craint que les contribuables ne doivent payer plus cher en cotisations. Mais Jean Charest persiste et signe: «Tous les experts disent qu'il faut laisser la Caisse faire son travail.»

Avec Martin Croteau