Plongé dans une crise parlementaire, paralysé par son statut minoritaire, le gouvernement Harper néglige l'économie et ne peut faire face à la crise financière, déplore Jean Charest.

«Au Canada, dans le parlement fédéral, ils gèrent la crise politique, ils ne gèrent pas la crise financière internationale», a-t-il lancé en conférence de presse, samedi.

De passage à Québec, le chef libéral a rappelé que les premiers ministres des provinces doivent avoir une importante réunion en janvier, la première sur le thème de l'économie depuis la rencontre au sommet de 1987, au moment des négociations sur le libre-échange. Mais les conservateurs, à Ottawa, ont la tête ailleurs, a-t-il dit.

«Avouons une chose : avec ce qui se passe à Ottawa, ils ne doivent pas travailler beaucoup à préparer la réunion du mois de janvier. Dans la prochaine semaine, ils vont être occupés à gérer une crise politique alors que tout le monde a la tête à la crise financière internationale», a-t-il expliqué.

Jean Charest veut éviter de se retrouver dans la même situation que Stephen Harper. Il ne souhaite pas revivre, en pleine «tempête économique», une «crise budgétaire» comme celle de 2007 alors que son gouvernement était passé bien près de tomber, deux mois après son élection.

Selon lui, la crise à Ottawa est un argument de plus en faveur de l'élection d'un gouvernement majoritaire à Québec le 8 décembre. «Ce qu'Ottawa est en train de nous apprendre, c'est qu'en période de crise financière internationale, en période de tempête économique, de l'instabilité politique, c'est mauvais», a affirmé M. Charest.

Le premier ministre s'est bien gardé de dire s'il privilégiait le maintien du gouvernement conservateur, l'avènement d'une coalition PLC-NPD ou de nouvelles élections générales.

Jean Charest a toutefois précisé que les Canadiens et les Québécois doivent vivre avec les conséquences de leur choix du 14 octobre. «Un gouvernement minoritaire, ça mène à ce qu'on voit depuis quelques jours à Ottawa.»

Autant de reproches

Le chef de l'ADQ, Mario Dumont, considère que Jean Charest est mal placé pour reprocher à Ottawa de se préoccuper de la politique plutôt que de l'économie, car il a fait exactement la même chose en déclenchant des élections en pleine tourmente financière.

«M. Charest reproche à Ottawa ce qu'on peut lui reprocher à Québec. Lui avait la collaboration des deux partis de l'opposition à Québec, qui lui demandaient de travailler tout l'automne sur l'économie», a dit M. Dumont, de passage à Québec. « Il y a des mesures qui auraient pu être adoptées avant Noël. Lui, à Québec, a décidé de laisser tomber l'économie pour faire une campagne politique, une campagne électorale.»

Jean Charest, selon le chef adéquiste, a travaillé durant toute la campagne fédérale pour qu'un gouvernement minoritaire soit élu à Ottawa. «À Ottawa, c'était correct, mais à Québec, ce n'est plus bon.»

«Un gouvernement majoritaire de M. Charest, c'est quelque chose de connu, on l'a déjà eu. On se souvient que c'était un gouvernement arrogant, un gouvernement qui n'écoutait pas le monde, qui a coûté cher en mauvais projets.»

Un manque de respect

De son côté, Pauline Marois croit que la crise parlementaire qui sévit à Ottawa est le fait d'un geste «complètement irrespectueux» de Stephen Harper. L'attitude du gouvernement conservateur, selon elle, justifie l'élection d'un gouvernement souverainiste au Québec.

Elle a blâmé Stephen Harper pour avoir amené le pays au bord d'un deuxième scrutin en moins de deux mois. «Il me semble que M. Harper aurait dû comprendre le bon sens, il aurait dû entendre les Québécois, a-t-elle affirmé. Toutes les mesures qu'il a annoncées vont foncièrement à l'encontre de nos valeurs, de notre façon de faire.»

Cet épisode démontre selon elle que le Québec devra s'opposer aux visées du fédéral. «Ça prend quelqu'un à Québec qui va être capable de se tenir debout devant Ottawa. Et je crois qu'un gouvernement souverainiste à Québec a plus de chances de pouvoir se tenir debout.»