Un bout de métal, une retaille de bois, une vieille pancarte : entre les mains de l’artiste Omar Gammaoui, ces objets deviennent des matières premières prêtes à se transformer en œuvres d’art. Son exposition Évolution est présentée à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord jusqu’au 20 mars.

« J’aime récupérer, mais avec style », explique Omar Gammaoui avec un sourire contagieux. Son atelier de création, situé dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, regorge d’objets en pleine transformation. Ici, des morceaux d’aluminium. Là, des bouts de bois, ou un panneau sur lequel seront déplacés des objets aimantés.

Ces trouvailles sont apportées par des amis, trouvées dans des bazars ou encore jetées par des artistes des ateliers voisins et récupérées dans le bac à l’extérieur de l’immeuble. « Je ne suis pas gêné ; souvent, je ramasse des choses au bord du trottoir, explique Omar Gammaoui. Ça a une symbolique pour moi : on ne trouve pas juste des choses égarées, au bord du chemin, mais des gens aussi. »

  • Une œuvre d’Omar Gammaoui

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Une œuvre d’Omar Gammaoui

  • L’atelier de création d’Omar Gammaoui

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    L’atelier de création d’Omar Gammaoui

  • Une œuvre d’Omar Gammaoui est présentée à l’entrée de l’immeuble dans lequel il a son atelier de création, dans Hochelaga-Maisonneuve.

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    Une œuvre d’Omar Gammaoui est présentée à l’entrée de l’immeuble dans lequel il a son atelier de création, dans Hochelaga-Maisonneuve.

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Cela fait plus de 15 ans que la récupération d’objets de toutes sortes est devenue la marque de commerce de l’artiste. Initialement, c’était pour économiser de l’argent, donc par nécessité, qu’il ramassait ses matières premières dans les rues du Maroc, son pays d’origine. « Mais arrivé au Québec, j’avais les moyens, se souvient-il. Alors, j’ai commencé à aller chez Omer DeSerres [magasin de matériel artistique]. Mais mon art en a perdu. »

J’ai réalisé que c’était la récupération qui faisait l’originalité de mes œuvres et qui leur donnait un sens.

Omar Gammaoui

Plusieurs matières utilisées par Omar Gammaoui, comme le bois et le métal, sont aussi des retailles de construction. En 2015, au Québec, 1,85 million de tonnes de résidus de construction, de rénovation ou de démolition ont été acheminés dans des centres de tri, selon les données de Recyc-Québec⁠1. C’est l’équivalent du poids de près de 18,5 millions de réfrigérateurs. Un peu plus de la moitié de ces matériaux ont été recyclés.

Bien qu’il travaille à petite échelle, Omar Gammaoui pense avoir récupéré au fil des ans l’équivalent de deux conteneurs pleins de matières premières. « La matière me parle, les objets me parlent, résume-t-il. J’entre dans mon atelier, je balaie la pièce avec mon regard, je prends un objet et je suis parti [dans ma création]. »

Transmettre sa vision

Mais créer seul dans son atelier ne suffit pas à cet artiste expressif et extraverti, qui se décrit comme un entrepreneur. Diplômé de l’École supérieure des beaux-arts de Casablanca, au Maroc, Omar Gammaoui a besoin de faire partager sa vision.

Dans le parc Ovila-Légaré, situé dans le quartier Saint-Michel, à Montréal, quatre sculptures émergent de la neige. Leurs couleurs franches, verte, jaune et bleue, contrastent avec le blanc étincelant. Ces créations représentent des « totems africains », explique Omar Gammaoui. Il les a créées et installées à cet endroit en partenariat avec le projet 1PAKT de l’organisme À portée de mains, qui vise à joindre l’art à la communauté dans des lieux significatifs du quartier.

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Omar Gammaoui et Alban Maréchal, codirecteur de l’organisme À portée de mains, au parc Ovila-Légaré, dans le quartier Saint-Michel, où sont exposées des œuvres d’Omar Gammaoui.

« Nos projets produisent pas mal de retailles de bois », explique Alban Maréchal, codirecteur d’À portée de mains. Il montre des chaises et des tables de bois installées dans cette section du parc par l’organisme. « On s’est dit que ça prenait des sculptures avec ce bois récupéré, et ça a donné ces totems ! »

Ateliers et expositions

À portée de mains n’est que l’un des organismes, écoles, cirques ou municipalités avec lesquels Omar Gammaoui collabore. Il se promène un peu partout pour donner des ateliers sur la récupération et travailler à divers projets artistiques axés sur l’environnement.

Avec cette vision, l’artiste a participé à des salons de l’environnement ou des métiers d’art, à des foires Écosphère et même à la COP22, à Marrakech, en tant qu’artiste-récupérateur.

PHOTO FOURNIE PAR OMAR GAMMAOUI

L’exposition Évolution est présentée à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord jusqu’au 20 mars.

Sa dernière exposition appelée Évolution est présentée à la Maison culturelle et communautaire de Montréal-Nord jusqu’au 20 mars. Elle se déplacera par la suite à la galerie L’Original, dans le Vieux-Montréal.

Même le froid sert aujourd’hui à l’artiste, qui anime à l’occasion des ateliers de sculpture sur neige. « C’est de l’art éphémère », dit avec enthousiasme Omar Gammaoui. Il se remémore son arrivée dans la province, il y a 17 ans, en plein Carnaval de Québec. Il représentait alors le Maroc au concours de sculpture sur glace. « Là aussi, il y a un lien avec l’environnement, ajoute-t-il. On peut parler de la fonte de la banquise, du réchauffement climatique… »

Dans une version précédente de cet article, il était indiqué que 1,85 tonne de résidus de construction équivaut au poids de 100 000 réfrigérateurs. Il s’agit plutôt du poids de 18,5 millions de réfrigérateurs.

1. Consultez le document Résidus de construction, de rénovation et de démolition (CRD) 2. Consultez la page de l’exposition Évolution Écrivez-nous pour faire partager « vos idées vertes »