Le ministre Steven Guilbeault défend le nouveau plan fédéral de réduction des émissions de GES

(Montréal) Le plan d’Ottawa pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada d’au moins 40 % d’ici 2030 est un efficace mélange de mesures incitatives et coercitives, a affirmé vendredi Steven Guilbeault, lors d’une rencontre médiatique à laquelle se sont invités des manifestants écologistes.

« C’est un heureux mariage entre la carotte et le bâton », a déclaré le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, citant d’un côté les mesures d’aide financière à la décarbonation des différents secteurs de l’économie et, de l’autre, la tarification sur le carbone.

« On maintient le cap, on s’en va à 170 $ la tonne » tout en investissant des centaines de millions de dollars pour la transition énergétique, a-t-il exposé lors d’une discussion avec un petit groupe de journalistes, après avoir rencontré des organisations environnementales, à Montréal.

Le ministre Guilbeault rejette les critiques voulant que son plan, publié mardi, ne détaille pas concrètement les moyens qui permettront de réduire les émissions de GES de 287 millions de tonnes d’ici 2030.

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Il cite la réduction des émissions de méthane de l’industrie pétrolière et gazière, qui est sur le point d’atteindre l’objectif de 45 % d’ici 2025 ; la norme sur les combustibles propres, qui réduira progressivement l’intensité en carbone des carburants ; de même que le plafonnement des émissions provenant de l’exploitation des énergies fossiles.

Je pense que c’est passablement radical pour l’un des plus grands pays producteurs de pétrole et de gaz au monde.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Le travail ne s’arrête pas avec le dépôt du plan de réduction, fait valoir le ministre Guilbeault, évoquant « plusieurs projets de règlement » en cours d’élaboration et une reddition de comptes régulière qui permettra d’ajuster le tir au besoin.

« Plus on va avancer dans le temps, plus les choses vont se préciser », a-t-il assuré.

Les mesures déjà adoptées commencent aussi à porter leurs fruits, se réjouit le ministre, soulignant que l’inventaire des émissions de GES du Canada de 2019, publié l’an passé, « montre très bien qu’on a aplati la courbe ».

Et l’inventaire des émissions de 2020, qui doit être publié d’ici le 15 avril, contiendra « des bonnes nouvelles », promet-il.

Capture et stockage de CO2

Steven Guilbeault défend la place accordée dans son plan à la capture et au stockage de dioxyde de carbone (CO2), des technologies qui demeurent embryonnaires et dispendieuses.

Réduire les émissions ne suffira pas pour limiter le réchauffement planétaire, il faudra aussi retirer du carbone de l’atmosphère, rappelle le ministre, à quelques jours de la publication, lundi, d’un nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui se penchera sur les façons de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le ministre Steven Guilbeaut de passage à la Maison du développement durable, vendredi, à Montréal

« La capture et le stockage, ce n’est pas le début de notre stratégie de lutte contre les changements climatiques, ça arrive à la fin », dit le ministre, qui estime qu’il s’agit d’un outil parmi d’autres, comme les solutions basées sur la nature, dans lesquelles Ottawa investit de façon importante.

« On croit beaucoup, beaucoup aux solutions basées sur la nature », dit-il, soulignant qu’elles coûtent moins cher que les solutions technologiques.

Mais Ottawa ne peut agir seul pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du Canada, souligne le ministre Guilbeault, qui rappelle que la production et l’utilisation des ressources naturelles sont de compétence provinciale au Canada.

Est-ce que l’action climatique canadienne serait plus efficace si l’ensemble des provinces ramaient dans le même sens que nous ? Absolument.

Steven Guilbeault, ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada

Coup d’éclat

Une quinzaine de manifestants ont fait irruption dans le hall de la Maison du développement durable, après la rencontre entre le ministre Guilbeault et les groupes écologistes, et ont continué de se faire entendre pendant la rencontre du ministre avec les médias.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Une quinzaine de manifestants ont fait irruption dans le hall de la Maison du développement durable, après la rencontre entre le ministre Guilbeault et les groupes écologistes.

« Steven Guilbeault, tiens ta parole, il faut dire non au pétrole », ont-ils entre autres scandé, appelant le ministre à rejeter le projet Bay du Nord, une installation flottante d’extraction de pétrole et de gaz que la norvégienne Equinor souhaite construire au large de Terre-Neuve et pour laquelle il doit rendre une décision d’ici le 13 avril.

LISEZ « Ottawa repousse encore sa décision sur Bay du Nord »

« Il y a quelques années, j’aurais probablement fait la même chose », a déclaré Steven Guilbeault après s’être entretenu quelques minutes avec leurs représentants.

« Nous croyons que le ministre Guilbeault sait combien c’est important, les changements climatiques, nous savons qu’il sait quelle est la bonne décision [à prendre]. La question, c’est : est-ce qu’il aura le courage de prendre la bonne décision ? », a déclaré Shirley Barnea, cégépienne membre du groupe Pour le futur Montréal, qui a organisé ce coup d’éclat avec la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social.

Tramway et troisième lien

Le gouvernement fédéral est un « allié indéfectible » du projet de tramway de la Ville de Québec, a réitéré Steven Guilbeault, après une dizaine de jours de débats acrimonieux sur le sujet dans la Vieille Capitale. « Lorsqu’on regarde ce que l’ensemble des experts en aménagement et en transport collectif ont dit de ce projet-là, c’est un excellent projet », a-t-il ajouté, disant avoir bon espoir qu’il ira de l’avant. Questionné sur le projet de troisième lien routier entre Québec et Lévis, le ministre Guibeault a rappelé qu’Ottawa n’investit plus dans la construction de nouvelles infrastructures. Si un projet était déposé, le « volet transport collectif » pourrait éventuellement être financé jusqu’à 40 % par des fonds fédéraux, a précisé le ministre. « Ce n’est pas 40 % de l’ensemble du projet, comme certains l’ont laissé entendre. »

En savoir plus
  • 730 millions
    Émissions de gaz à effet de serre du Canada en 2019, en tonnes
    Source : ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada
    443 millions
    Émissions de gaz à effet de serre du Canada visées en 2030, en tonnes
    Source : ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada