Le ministère québécois de l’Environnement refuse de divulguer la demande de renouvellement d’autorisation ministérielle soumise par la Fonderie Horne en vue de la poursuite de ses activités, un document qui devrait pourtant être public.

L’autorisation ministérielle, anciennement appelée « attestation d’assainissement », est le mécanisme qui permet de déroger à la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), qui interdit, en principe, de polluer.

Celle de la Fonderie Horne vient à échéance en décembre prochain ; l’entreprise appartenant à la multinationale Glencore a soumis sa demande de renouvellement le 20 mai dernier, indique le gouvernement.

Ce document détaille notamment les contaminants que l’entreprise prévoit d’émettre au cours des cinq prochaines années ainsi que les seuils qu’elle propose de ne pas dépasser.

« Juste ça, à la base, c’est une information qui devrait être connue », lance l’avocate au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) Anne-Sophie Doré.

Elle déplore ce manque de transparence, rappelant que la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) reconnaît le droit à un environnement sain.

C’est comme si on dit aux gens : on va porter atteinte à votre droit, mais on ne vous dira pas comment, ça ne vous regarde pas.

Anne-Sophie Doré, avocate au CQDE

La réforme de la LQE, adoptée en 2017, prévoyait que les autorisations ministérielles, les demandes de renouvellement et les documents déposés en appui à ces demandes, entre autres, soient publics, rappelle l’avocate — des exceptions sont prévues pour des raisons commerciales comme le secret industriel.

« On est déçus, parce qu’on nous a promis beaucoup de transparence », a déclaré à La Presse la co-porte-parole du comité Arrêt des rejets et émissions toxiques (ARET) de Rouyn-Noranda Mireille Vincelette.

« Ce sont des documents qu’on ne devrait même pas avoir à demander, ils devraient être déposés, accessibles à tous », dit-elle, déplorant le « manque de cohérence » du gouvernement.

Cinq ans plus tard, pas de registre

Un registre permettant au public d’obtenir ces documents devait aussi être créé, indiquait la réforme, mais cinq ans plus tard, sa création n’est toujours pas terminée.

« Le futur registre public, comme prévu par la réforme de la LQE, sera en vigueur lorsque le gouvernement aura fixé la date d’entrée en vigueur de ce nouveau registre public », a indiqué à La Presse la porte-parole du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), Sophie Gauthier.

Des enjeux concernant « la stabilité et la sécurité des fonctionnalités du service » retardent la création du registre, a affirmé l’attachée de presse du ministre Benoit Charette, Rosalie Tremblay-Cloutier.

« Il s’agit d’un grand chantier et plusieurs étapes restent à franchir avant que le registre public soit entièrement réalisé », a-t-elle déclaré à La Presse.

L’avocate Anne-Sophie Doré y voit plutôt le symptôme du manque de ressources qui touche le MELCC.

« Le Ministère est débordé, il n’est même pas capable de répondre aux demandes d’accès à l’information dans les délais, dit-elle. C’est un double piège pour toute personne qui veut savoir ce qui se passe, quels sont les autres contaminants qui sont émis. »

Une consultation « en catimini »

Le précédent renouvellement de l’attestation d’assainissement de la Fonderie Horne, en 2017, avait été fait en toute discrétion, rappelle le Conseil régional de l’environnement de l’Abitibi-Témiscamingue (CREAT), qui réclame un exercice plus transparent, cette fois-ci.

Le gouvernement avait tenu une consultation publique « en catimini », en pleins mois de juillet et août, « très peu publicisée » et complexe, se souvient Clémentine Cornille, directrice générale du CREAT.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Clémentine Cornille, directrice générale du CREAT

La documentation était uniquement disponible à la bibliothèque municipale, il fallait la consulter sur place et il y avait interdiction de faire des copies. Tout pour décourager la participation à cette consultation.

Clémentine Cornille, directrice générale du CREAT

Seul le CREAT avait d’ailleurs formulé des commentaires au terme de cette consultation publique, souligne Mme Cornille, qui invite la population à y participer en grand nombre, cette fois.

Québec s’était défendu en expliquant que la Loi sur la qualité de l’environnement — réformée depuis – ne lui permettait pas d’exiger la diffusion des documents sur l’internet et que sa proposition de le faire avait été rejetée par la Fonderie Horne.

Le ministère de l’Environnement n’avait pas indiqué à La Presse les prochaines étapes du renouvellement de l’autorisation ministérielle de la Fonderie Horne, au moment d’écrire ces lignes.

Pas de nouvelles exigences pendant 12 ans

La Fonderie Horne a pu mener ses activités pendant 12 ans sans resserrement des exigences concernant ses émissions d’arsenic dans l’air, montre son attestation d’assainissement actuelle, délivrée en 2017, et la précédente, délivrée en 2007. Ce permis de polluer doit normalement être renouvelé tous les cinq ans, mais le processus de renouvellement de l’attestation délivrée en 2007, entamé en 2012, s’est lui-même étiré sur cinq ans, si bien que ce n’est qu’en 2017 qu’il a été renouvelé. La Fonderie Horne s’est alors vu imposer, par le gouvernement libéral précédent, de réduire ses émissions d’arsenic à 100 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) à partir de 2021. La limite précédente de 200 ng/m⁠3, 67 fois plus élevée que la norme québécoise de 3 ng/m⁠3, était en vigueur depuis 2009, comme stipulé dans l’attestation d’assainissement de 2007. La situation démontre l’attitude « clientéliste » du MELCC, déplore l’avocate Anne-Sophie Doré, du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE). « Le Ministère a tendance à beaucoup, beaucoup accompagner les demandeurs […] pour que tout se passe bien dans le processus de demande », observe-t-elle.

Chronologie de la quête d’un document public

28 juin : La Presse demande une copie de la demande de renouvellement de la Fonderie Horne au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

30 juin : Le MELCC indique avoir transféré la demande de La Presse au service de l’accès à l’information « afin d’en accélérer le traitement », déclare sa porte-parole, Sophie Gauthier.

20 juillet : À l’expiration du délai légal pour répondre aux demandes d’accès à l’information, le MELCC fait parvenir un avis à La Presse indiquant : « Nous ne pourrons pas traiter votre demande dans le délai de vingt jours prévu [par la loi]. »

21 juillet : Le Ministère informe La Presse avoir « l’obligation de consulter » la Fonderie Horne pour déterminer si le document peut être transmis. « Un délai maximum de 35 jours supplémentaires nous est accordé [en vertu de la loi] pour répondre à votre demande, ce qui reporte au plus tard au 26 août 2022 la communication de notre décision », écrit le Ministère.

En savoir plus
  • 1032 ng/m⁠3
    Concentration annuelle moyenne d’arsenic dans l’air aux abords de la Fonderie Horne en 2000
    Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques