Les 89 établissements industriels québécois titulaires d’une autorisation ministérielle ne dépassent pas tous les normes environnementales comme la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda. L’un d’eux déplore la « mauvaise interprétation » véhiculée par le gouvernement Legault et certains médias.

Les dirigeants des Chantiers Chibougamau sont tombés des nues quand leur usine de pâte de papier de Lebel-sur-Quévillon a été accusée de polluer au-delà des normes québécoises.

« On n’a aucune autorisation de rejeter des polluants au-delà des normes », a déclaré à La Presse Frédéric Verreault, directeur exécutif du développement corporatif de l’entreprise.

« [Dire le contraire], c’est faux, c’est infondé », a-t-il assuré.

Les Chantiers Chibougamau ont racheté l’usine Nordic Kraft de Domtar en 2017 et l’ont relancée en 2020, après 15 ans d’inactivité, afin de valoriser les résidus générés par leur activité principale, la fabrication de matériaux de construction de bois.

L’autorisation ministérielle (auparavant appelée attestation d’assainissement) de l’établissement, qui a suivi dans la transaction, stipule « noir sur blanc » que les normes actuelles et futures doivent être respectées, souligne M. Verreault.

« Le libellé des normes réglementaires applicables aux points de rejets a préséance sur celui de [la présente] attestation d’assainissement », peut-on lire dans le document, que l’entreprise a transmis à La Presse.

Frédéric Verreault donne l’exemple des émissions de poussières de bois, dont la limite légale a été réduite de 450 à 100 microgrammes par mètre cube entre la délivrance de l’autorisation ministérielle et la relance de l’usine.

On n’avait aucun droit acquis ; au jour 1, on a dû être conformes à la cible réduite.

Frédéric Verreault, directeur exécutif du développement corporatif des Chantiers Chibougamau

L’affirmation plus tôt cette semaine du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, selon laquelle les autorisations ministérielles permettent de polluer au-delà des normes a semé la confusion, déplore M. Verreault.

« Le gouvernement sait pertinemment que notre attestation n’équivaut pas à un droit de polluer, lance-t-il. On n’a aucune raison de douter de la rigueur du ministre, mais il a clairement eu une mauvaise information. »

Frédéric Verreault regrette que certains médias aient ensuite affirmé à tort que chacune des 89 entreprises titulaires d’une autorisation ministérielle déroge à la loi.

« On a parlé à deux journalistes [qui ont publié des reportages en ce sens], ils ont l’information et ils ont choisi de ne pas en parler », a-t-il déploré.

Ces reportages ont valu à l’entreprise un barrage de questions, notamment de ses propres employés consternés, mais aussi de membres de la communauté, confie M. Verreault.

« On se retrouve jeté en dessous de l’autobus avec le ministre Charette, dit-il. Il est temps qu’on le déplace, l’autobus, parce qu’on ne mérite pas d’être là, avec l’énergie qui est mise à respecter les lois environnementales. »

Mea culpa du ministre

L’affirmation de M. Charette « était incomplète », reconnaît son attachée de presse, Rosalie Tremblay-Cloutier.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Charette, ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques

Les 89 entreprises qui sont actuellement titulaires d’une autorisation ministérielle « ne bénéficient pas systématiquement d’un droit de déroger aux lois et règlements environnementaux applicables », a-t-elle précisé.

Dans les faits, la très grande majorité de ces entreprises sont tenues de respecter les normes québécoises applicables à leurs rejets.

Rosalie Tremblay-Cloutier, attachée de presse du ministre Benoit Charette

Des exceptions ont toutefois été accordées « pour des raisons historiques », dont la plus notoire concerne la Fonderie Horne de Rouyn-Noranda.

Manque de transparence

La confusion autour des autorisations ministérielles démontre qu’il y a « un problème par rapport à l’information à laquelle on a accès », estime l’avocate Anne-Sophie Doré, du Centre québécois du droit de l’environnement.

« C’est ça qui est le problème : on ne le sait pas [ce que permettent ces documents] », dit-elle.

La réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE), adoptée en 2017, prévoyait que les autorisations ministérielles soient publiques et accessibles par un registre en ligne, qui n’a cependant pas encore été créé.

« Le futur registre public, comme prévu par la réforme de la LQE, sera en vigueur lorsque le gouvernement aura fixé la date d’entrée en vigueur de ce nouveau registre public », avait indiqué à La Presse, plus tôt cet été, la porte-parole du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Sophie Gauthier.

Le cabinet du ministre Charette s’est engagé à rendre publiques les 89 autorisations ministérielles en vigueur « au cours de la semaine prochaine ».

Qu’est-ce qu’une autorisation ministérielle ?

Les autorisations ministérielles (appelées auparavant attestations d’assainissement) encadrent les rejets de contaminants des établissements industriels. Elles peuvent dans certains cas autoriser le dépassement des normes en vigueur. Le gouvernement québécois a progressivement imposé ces attestations à deux secteurs d’activité : d’abord l’industrie des pâtes et papiers, en 1993 (les premières attestations ont été délivrées en 2000), puis l’industrie minérale et de première transformation des métaux, en 2002. Actuellement, 89 établissements industriels rejetant des contaminants dans l’environnement sont titulaires d’une autorisation ministérielle, mais le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques prévoit que leur nombre pourrait s’élever à terme à 250.

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  • 1972
    Année de l’entrée en vigueur de la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec
    Source : gouvernement du Québec