Seuls huit établissements industriels sont autorisés à déroger à la réglementation québécoise concernant les rejets de contaminants dans l’environnement, mais ils ne le font pas nécessairement, a indiqué Québec, vendredi.

« Dans la quasi-totalité des cas, les dépassements [autorisés] sont minimes », ont précisé des hauts fonctionnaires du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), lors d’une séance d’information technique à l’intention des médias.

Cette mise au point visait à mettre un terme à la confusion qui règne sur la nature des 89 « autorisations ministérielles » encadrant les établissements industriels générateurs de contaminants.

Certains médias ont affirmé récemment que ces autorisations permettaient aux établissements concernés de déroger aux normes en vigueur, une interprétation erronée que le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, a lui-même reconnu avoir alimentée.

Lisez l’article « “Ce n’est pas un permis de polluer » »

Soixante-neuf autorisations ministérielles imposent à leur bénéficiaire des exigences « plus sévères ou similaires » à la réglementation applicable au Québec, 12 concernent des établissements qui ne sont plus en exploitation et les huit qui restent permettent des dérogations ; elles concernent toutes des entreprises nées avant l’entrée en vigueur du Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (RAA).

Particules fines, oxydes d’azote et arsenic

La Fonderie Horne de Rouyn-Noranda est l’exception « la plus saillante », reconnaît le MELCC : l’entreprise appartenant à la multinationale Glencore est autorisée à dépasser par un facteur de 33 la norme québécoise sur la concentration d’arsenic dans l’air.

Suit l’entreprise Elkem Métal Canada, située à Saguenay, qui est autorisée à générer une moyenne annuelle de particules fines de 244 microgrammes par mètre cube (µg/m⁠3), soit plus de 8 fois la limite québécoise de 30 µg/m⁠3.

Elle est aussi assujettie à une limite de 456 µg/m⁠3 pour les particules totales, ce qui est près de quatre fois plus que la limite québécoise de 120 µg/m⁠3.

L’usine WestRock, à La Tuque, peut émettre deux fois plus d’oxydes d’azote (NOx) dans l’air que ne le permet la législation québécoise, soit 828 µg/m⁠3 au lieu de 414 µg/m⁠3, ainsi que différents autres contaminants (voir tableau).

Le respect des limites imposées à ces entreprises est vérifié par des inspections planifiées et non planifiées, explique le MELCC, qui dit en effectuer de 27 000 à 28 000 annuellement.

À Témiscaming, l’usine Tembec n’est assujettie à aucune limite pour ses rejets de dioxyde de soufre (SO2) et ses émissions de particules fines, mais le MELCC entend profiter du renouvellement de son autorisation ministérielle, qui est en cours, pour lui en imposer.

Zone d’ombres

Le MELCC affirme que les huit établissements autorisés à polluer au-delà des normes québécoises ne le font pas nécessairement.

Il reconnaît toutefois ne pas savoir si elles dépassent dans les faits les normes québécoises, à l’exception des deux usines saguenéennes de Rio Tinto Alcan qui sont sur la liste et de l’usine de pâtes de papier Nordic Kraft de Lebel-sur-Quévillon.

Un autre point nébuleux subsiste : l’autorisation ministérielle de l’usine Nordic Kraft stipule que la réglementation en vigueur a préséance sur le document, ce qui signifie donc qu’elle n’est pas autorisée à dépasser les normes, plaide l’entreprise.

C’est complètement ahurissant de réussir à créer une confusion comme ça.

Frédéric Verreault, directeur général du développement corporatif des Chantiers Chibougamau et propriétaire de l’usine Nordic Kraft

Il affirme avoir souligné cette incohérence au MELCC, qui lui aurait dit partager son interprétation.

Le MELCC n’avait pas répondu aux demandes de clarification de La Presse au moment d’écrire ces lignes.

Autre zone d’ombre : lorsque le MELCC affirme que certains établissements industriels sont autorisés à dépasser les normes québécoises, il semble parler uniquement des contaminants dont les rejets sont balisés par leur autorisation ministérielle.

Or, dans les faits, ces établissements rejettent parfois une multitude d’autres contaminants, et rien n’indique que ceux-ci ne dépassent pas les limites fixées par la réglementation québécoise.

C’est le cas par exemple de la Fonderie Horne : le MELCC ne mentionne que le dépassement de la norme québécoise sur la concentration d’arsenic dans l’air et ne dit rien de ses émissions de plomb, de cadmium et de nombreux autres métalloïdes qui ne sont pas encadrées par son autorisation ministérielle.

Avec la collaboration de Tristan Péloquin, La Presse

Qu’est-ce qu’une autorisation ministérielle ?

Les autorisations ministérielles (appelées auparavant attestations d’assainissement) encadrent les rejets des établissements industriels générateurs de contaminants. « C’est comme un règlement fait sur mesure pour une entreprise, c’est un outil légal », résume une haute fonctionnaire du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques. Les autorisations ministérielles visent ainsi à réduire graduellement les rejets de contaminants des établissements pour les rendre conformes aux normes, dans le cas des entreprises nées avant l’entrée en vigueur de la réglementation. Elles visent aussi dans certains cas à amener les établissements assujettis à faire mieux que les normes en vigueur, dans un processus d’amélioration continue. Le gouvernement québécois a progressivement imposé et encadrement à deux secteurs d’activités : d’abord l’industrie des pâtes et papiers, en 1993 (les premières attestations ont été délivrées en 2000), puis à l’industrie minérale et de première transformation des métaux, en 2002.