Les populations d’animaux sauvages les plus menacées ont décliné en moyenne de 69 % depuis 1970 à l’échelle de la planète et de 20 % en Amérique du Nord, selon le plus récent rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF). Gros plan sur une analyse imparfaite qui met en lumière une réelle crise de la biodiversité.

La nécessité d’un accord mondial « ambitieux »

Le Living Planet Report (Rapport Planète vivante) publié jeudi brosse un portrait sombre de l’état des espèces sauvages les plus menacées sur la planète. Selon les plus récentes données, les populations d’espèces de vertébrés suivies par le WWF ont décliné en moyenne de 69 % entre 1970 et 2018. Le rapport montre de grandes disparités entre le Nord et le Sud, où le déclin de la biodiversité est beaucoup plus prononcé. L’organisation invite les gouvernements du monde à adopter « un accord mondial ambitieux pour sauver les espèces sauvages » au cours du prochain sommet mondial sur la biodiversité, la COP15, qui se tiendra à Montréal en décembre.

Des causes diverses, un dénominateur commun

Ce déclin est attribué à cinq principales causes, qui ont un dénominateur commun : les activités humaines. La destruction des habitats naturels, particulièrement pour l’agriculture, figure au premier rang, suivie de la surexploitation de nombreuses espèces, les changements climatiques, la pollution et l’arrivée d’espèces envahissantes. En ce qui concerne les changements climatiques, il faut s’attendre à ce que les conséquences soient plus importantes sur la biodiversité au cours des prochaines décennies, au fur et à mesure que leurs effets deviendront plus prononcés dans plusieurs régions du monde. Si l’hémisphère Sud est plus touché par un fort déclin des populations d’espèces sauvages, l’empreinte écologique de ses populations est beaucoup moins importante que celle des populations nordiques, rappelle le rapport. À cet égard, l’Amérique du Nord est le pire élève au monde.

Le cas des requins

Au cours des 50 dernières années, 18 des 31 espèces de requins océaniques et de raies ont perdu 71 % de leurs populations. À lui seul, le requin longimane a perdu 95 % de sa population et est maintenant considéré en danger critique d’extinction, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. Un bilan global qui pourrait chambouler les écosystèmes marins où les requins jouent un rôle important dans la chaîne alimentaire. Le rapport précise aussi que les populations de 1398 espèces d’animaux d’eau douce ont reculé en moyenne de 83 % entre 1970 et 2018.

Un exercice critiqué

« C’est un rapport qui est très contesté par les scientifiques. Il a toutes sortes de travers », signale Dominique Gravel, professeur de biologie à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie intégrative. Le WWF ne fait pas l’inventaire de toutes les populations animales de la planète, mais se concentre plutôt sur 5230 espèces de vertébrés répartis dans près de 32 000 populations différentes. L’organisation environnementale se concentre surtout sur les espèces les plus menacées, rappelle M. Gravel. « C’est difficile de trouver des chiffres simples [à présenter] en matière de biodiversité. Malgré ses défauts, le Living Planet Index est devenu une référence », précise toutefois M. Gravel. Ce qu’il faut éviter, selon lui, c’est de présenter le rapport pour ce qu’il n’est pas : un portait complet de l’état de la biodiversité à l’échelle planétaire.

Des efforts insuffisants

Une étude parue en 2020 dans la revue Nature avait sévèrement critiqué le travail du WWF avec son indice Planète vivante (Living Planet Index, en anglais). Examinant 14 000 populations de vertébrés suivies depuis 1970, les auteurs avaient conclu que seulement 1 % de ces populations étaient victimes d’un déclin extrême et que si on les enlevait de l’équation, l’ensemble des populations restantes ne montrait aucune tendance à la hausse ou à la baisse. Cette étude avait reçu également sa part de critiques, note Dominique Gravel. Il estime que les travaux du WWF permettent tout de même de conclure que « nos efforts modestes en matière de conservation n’ont pas fonctionné à ce jour ».

S’intéresser aux causes du déclin

« Il n’y a aucun indicateur parfait », plaide Alain Branchaud, biologiste et directeur général de la Société pour la nature et les parcs au Québec. Selon lui, l’indice du WWF permet tout de même de montrer les tendances puisqu’il accumule des données depuis 1970. « Face aux deux grandes crises de la biodiversité et des changements climatiques, ça nous montre l’importance de mettre à profit cette alliée qu’est la nature. » L’important, estime-t-il, est de s’intéresser maintenant aux causes de ce déclin. « Nous avons des politiques publiques et un modèle économique qui reposent sur une croissance continue. Ça prend une discussion. Il faut ouvrir le dialogue. Si on ne s’attaque pas à ça, aux changements systémiques de nos sociétés, on n’y arrivera pas. »

Consultez le rapport (en anglais)
En savoir plus
  • 16 %
    Le plus récent rapport du Fonds mondial pour la nature s’intéresse à 16 % des espèces d’oiseaux connues, 11 % des espèces de mammifères, 6 % des espèces de poissons et 3 % des espèces d’amphibiens et de reptiles.
    Source : Our World in Data
    69 %
    En 2000, les populations d’animaux sauvages les plus menacées avaient décliné en moyenne de 53 %. Ce chiffre est passé à 69 % en 2018.
    Source : Fonds mondial pour la nature