Jamais une COP sur la biodiversité n’aura suscité autant d’intérêt sur la scène internationale. Montréal accueille du 7 au 19 décembre une délégation record, qui tentera d’adopter un nouveau cadre mondial pour mieux protéger la nature. Pour y arriver, les pays devront notamment tirer des leçons des échecs du plan de match précédent.

Plus de 18 000 personnes accréditées

Plus de 18 000 participants à la COP15 ont été accrédités par le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, dont le siège social est à Montréal. Un record dans l’histoire de ces rencontres internationales qui se tiennent tous les deux ans. En 2018, la COP14 avait accueilli tout près de 6900 personnes à Charm el-Cheikh, en Égypte. Une délégation de 14 800 personnes a participé à la COP10 à Nagoya, au Japon, en 2010. C’est lors de cette réunion que les délégués ont adopté le plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 et les 20 objectifs d’Aichi, en référence à la préfecture du même nom où se trouve la ville de Nagoya. Pour Eddy Perez, directeur de la diplomatie climatique au Réseau action-climat, cette importante participation à la COP15 indique « qu’il y a un degré d’intérêt assez élevé et qu’il y a une multitude d’acteurs qui n’étaient pas présents par le passé qui s’est ajoutée ».

Les échecs des objectifs d’Aichi

« Aucun des objectifs d’Aichi pour la biodiversité ne sera entièrement réalisé », a déjà reconnu le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique. « Au niveau mondial, aucun des 20 objectifs n’a été pleinement atteint, bien que six d’entre eux soient en partie réalisés (objectifs 9, 11, 16, 17, 19 et 20) », indiquait le rapport intitulé Perspectives mondiales de la diversité biologique 5 publié en 2020. On y constatait notamment des progrès, mais à des niveaux insuffisants dans l’ensemble pour réaliser les 20 objectifs. En 2020, en moyenne, les pays signataires ont déclaré avoir réalisé plus d’un tiers (34 %) de leurs objectifs nationaux. Cependant, seulement 23 % des objectifs nationaux étaient alignés avec ceux d’Aichi.

Consultez le rapport Perspectives mondiales de la diversité biologique 5 et les objectifs d’Aichi

Des objectifs trop vagues

Une étude parue en 2019 dans la revue Conservation Biology a évalué les objectifs d’Aichi et ceux-ci, pour la plupart, ont obtenu une faible note pour leur mesurabilité et leur réalisme. Un échec qui est en bonne partie attribuable à des objectifs libellés de manière « extrêmement vague », explique Dominique Gravel, professeur de biologie à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie intégrative. « Le seul objectif chiffré, c’était celui sur les aires protégées et même son libellé a été très contesté », précise-t-il. Cela dit, les objectifs d’Aichi sont une parfaite illustration des difficultés à conclure un accord international le plus contraignant possible, estime Eddy Perez. « En droit international, le degré de contrainte se trouve dans les détails. S’il n’y en a pas assez, on risque plus facilement d’interpréter ça différemment d’un pays à l’autre. »

Quelques bonnes nouvelles malgré tout

Tout n’est pas sombre pour autant sur le front de la biodiversité. Dans son rapport publié en 2020, le Secrétariat de la Convention sur la diversité biologique mentionne notamment que « près de 100 pays ont intégré les valeurs de la biodiversité dans les systèmes de comptabilité nationaux ». On signale aussi que « le taux de déforestation au niveau mondial a baissé d’un tiers comparé à la décennie précédente ». On estime également que sans les mesures de conservation adoptées ces dernières années, « les extinctions d’espèces d’oiseaux et de mammifères auraient été deux à quatre fois plus élevées ». Par ailleurs, des progrès significatifs ont été enregistrés en matière d’aires protégées, même si l’objectif officiel n’a pas été atteint. Entre 2000 et 2021, la proportion d’aires protégées à l’échelle mondiale est passée de 10 % à 16,6 % pour les zones terrestres et de 3 % à 7,7 % pour les zones marines.

Un retard à rattraper

Qu’il soit question de climat ou de biodiversité, un constat s’impose néanmoins : les modestes progrès sont insuffisants pour répondre aux enjeux de plus en plus urgents. Mais en matière de biodiversité, il y a aussi un important retard à combler, signale Eddy Perez, du Réseau action-climat. Il compare cette COP sur la biodiversité à celle de Paris sur le climat, la COP21, qui a abouti à un accord historique. « On n’a pas de cadre mondial pour la biodiversité d’ici la fin de la décennie. Si on n’adopte rien cette année, ça va aller à 2025. » Les premières ébauches d’un éventuel accord rendues publiques à ce jour indiquent clairement une volonté de ne pas répéter les erreurs d’Aichi avec des objectifs vagues sans possibilité de mesurer les progrès. « Cette fois-ci, certains pays arrivent avec des demandes très exigeantes », affirme Dominique Gravel, notamment en matière de déforestation, de réduction des pesticides et des engrais chimiques « avec des objectifs extrêmement ambitieux ».

En savoir plus
  • 33 %
    Environ le tiers des réductions d’émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour réaliser les objectifs de l’accord de Paris pourraient provenir de solutions fondées sur la nature.
    source : Rapport Perspectives mondiales de la diversité biologique 5
    12,6 %
    En 2021, le bilan du Canada se situait sous la moyenne mondiale avec 12,6 % d’aires protégées terrestres. Le pays affiche un meilleur résultat pour les zones marines, avec 9,1 % d’aires protégées.
    source : Environnement Canada