Plomb, cadmium et arsenic : les concentrations de contaminants toxiques ont largement dépassé l’an dernier les normes québécoises dans l’air de Rouyn-Noranda, aux abords de la Fonderie Horne, aggravant les risques pour la santé au moment où Québec s’apprête à lui serrer la vis.

Le taux d’arsenic dans l’air a été en moyenne de 68 nanogrammes par mètre cube (ng/m⁠3) à la station d’échantillonnage située en face de la fonderie, à un jet de pierre des premières résidences du quartier Notre-Dame, entre le 1er janvier et la mi-novembre 2022 – les plus récentes données disponibles.

C’est près de 23 fois supérieur à la norme québécoise de 3 ng/m⁠3, mais moins que la limite de 100 ng/m⁠3 actuellement imposée à la Fonderie Horne, un seuil que Québec s’est engagé à abaisser dans la prochaine autorisation quinquennale de l’entreprise, qui doit être rendue publique incessamment1.

C’est un taux qui se rapproche de celui de 74 ng/m⁠3 mesuré en 2019 à cette même station d’échantillonnage, qui appartient au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), mais inférieur à celui de 100 ng/m⁠3 mesuré en 20212.

Le taux de plomb dans l’air s’est quant à lui élevé en moyenne à 468 ng/m⁠3 en face de la Fonderie Horne, du 1er janvier à la mi-novembre 2022, près de cinq fois plus que la norme québécoise de 100 ng/m⁠3, mais moins que les 527 ng/m⁠3 mesurés en 2021.

Le taux de cadmium, lui, a atteint une moyenne de 13,5 ng/m⁠3, près de quatre fois plus que la norme québécoise de 3,6 ng/m⁠3, un résultat comparable aux 12,4 ng/m⁠3 de 2021.

Enfin, le taux de nickel a été en moyenne de 27 ng/m⁠3, au-delà de la norme annuelle de 20 ng/m⁠3, un résultat semblable aux 30 ng/m⁠3 de 2020 – il n’y a pas de données disponibles pour 2021.

La Fonderie Horne n’est pas tenue de respecter les normes québécoises régissant ces contaminants, en vertu de son autorisation ministérielle actuelle.

Ces dépassements sont jugés « choquants » par Maryse Bouchard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les contaminants environnementaux et la santé des populations, professeure à l’Université de Montréal et chercheuse au Centre de recherche du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine.

Je trouve ça très inquiétant de voir que la fonderie émet autant de contaminants toxiques.

Maryse Bouchard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les contaminants environnementaux et la santé des populations

Effets sur la santé

Le dépassement « très élevé » des normes de concentration de plomb dans l’air de Rouyn-Noranda inquiète particulièrement la professeure Maryse Bouchard.

« On devrait tendre vers zéro pour les émissions de plomb, compte tenu de la très grande toxicité de ce métal-là », dit-elle.

Le plomb peut entraîner chez les enfants des retards de développement intellectuel, des troubles d’apprentissage et est associé à des troubles du comportement, détaille Mme Bouchard, qui évoque « des effets sérieux sur le développement du cerveau qui se répercutent à long terme ».

Plus hauts taux de plomb en 2022

  • 14 septembre : 6320 ng/m3
  • 17 mai : 4460 ng/m3
  • 22 juin : 2340 ng/m3
  • 17 avril : 2050 ng/m3
  • 26 avril : 1550 ng/m3

Norme : 100 ng/m3

Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Le plomb est aussi associé chez les adultes à des problèmes de santé, notamment des problèmes cardiovasculaires, ajoute-t-elle.

Ces risques s’ajoutent à ceux liés à l’arsenic, ainsi qu’à ceux liés au cadmium, tous deux associés à une augmentation des cancers du poumon, indique Mme Bouchard.

Les risques s’accumulent pour la population de Rouyn-Noranda avec tous ces dépassements.

Maryse Bouchard, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les contaminants environnementaux et la santé des populations

Pics de contamination

Des pics élevés de contamination dans l’air ont été enregistrés à différents moments de l’année, en 2022, montrent les données gouvernementales.

Le 17 mai, le taux de plomb mesuré dans l’air en face de la Fonderie Horne a atteint 4460 ng/m⁠3, tandis que celui d’arsenic s’est élevé à 534 ng/m⁠3 et celui de cadmium à 117 ng/m⁠3.

Plus hauts taux d’arsenic en 2022

  • 14 septembre : 565 ng/m3
  • 17 mai : 534 ng/m3
  • 27 mars : 381 ng/m3
  • 17 avril : 360 ng/m3
  • 22 juin : 332 ng/m3

Norme : 3 ng/m3

Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

Le 14 septembre, le taux de plomb s’est élevé à 6320 ng/m⁠3, le taux d’arsenic à 565 ng/m⁠3 et le taux de cadmium à 90 ng/m⁠3.

Ces pics sont supérieurs à ceux enregistrés en 2021 dans le cas du plomb, mais inférieurs dans le cas de l’arsenic.

Les concentrations de contaminants dans l’air diminuent à mesure qu’on s’éloigne de la Fonderie Horne, mais une moyenne annuelle de 17 ng/m⁠3 et un pic de 151 ng/m⁠3 ont tout de même été enregistrés à la station d’échantillonnage gouvernementale située près de l’école primaire du quartier Notre-Dame.

Quant au plomb, la moyenne annuelle y a été de 112 ng/m⁠3, avec un pic à 1600 ng/m⁠3.

Autres contaminants sous contrôle

D’autres contaminants sont présents dans l’air aux abords de la Fonderie Horne à des niveaux inférieurs aux normes québécoises, comme l’antimoine, dont le taux moyen observé en 2022 a été de 9 ng/m⁠3, bien en deçà de la norme de 170 ng/m⁠3.

Il s’agit d’un résultat semblable aux 10 ng/m⁠3 mesurés en 2021.

Le béryllium et le thallium se trouvent même sous la limite de détection des appareils de mesure.

Le mercure et le manganèse ne sont pas mesurés à cette station d’échantillonnage.

« On ne souhaite pas commenter, puisque la Fonderie respecte entièrement son [autorisation ministérielle] qui lui impose des cibles à sa station légale », a déclaré à La Presse Alexis Segal, porte-parole de Glencore, la multinationale anglo-suisse propriétaire de l’entreprise.

Le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, a réitéré dans une déclaration transmise par son cabinet que la Fonderie Horne se verrait bientôt imposer des exigences plus sévères « notamment en ce qui concerne l’arsenic, les autres métaux, le climat sonore et les rejets des eaux usées ».

1. Lisez l’article « Nouvelles exigences de Québec : la Fonderie Horne se prévaut d’un délai de deux semaines » 2. Lisez l’article « Fonderie Horne à Rouyn-Noranda : les émissions d’arsenic bondissent »

Données « légales » à venir

Les données qui établissent officiellement les concentrations de contaminants résultant des rejets de la Fonderie Horne sont celles de la station d’échantillonnage appartenant à l’entreprise et située sur son terrain, qui n’ont pas encore été divulguées. Cette station légale est située à quatre mètres de celle du gouvernement, qui est d’ailleurs l’ancienne station légale. Les résultats des deux stations présentent généralement des résultats différents parce qu’il arrive que des données soient invalidées, en raison de la défectuosité d’un appareil ou d’un problème d’échantillon en laboratoire, et les données invalidées ne sont pas les mêmes d’un appareil à l’autre, explique le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

Dépassements des normes pour plusieurs contaminants*

  • Arsenic : 23 fois plus que la norme québécoise de 3 ng/m3 (68 ng/m3)
  • Plomb : 5 fois plus que la norme québécoise de 100 ng/m3 (468 ng/m3)
  • Cadmium : 4 fois plus que la norme québécoise de 3,6 ng/m3 (13,5 ng/m3)

* Moyennes annuelles

Source : ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs

En savoir plus
  • 1927
    Année du début des activités de la Fonderie Horne, qui comptait aussi une mine jusqu’en 1976
    source : Fonderie Horne