La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui fait face à des poursuites d’au moins 400 millions de dollars, veut forcer Québec à l’indemniser si elle devait être condamnée par les tribunaux.

Les membres du conseil de la CMM ont été informés jeudi matin que plusieurs « appels en garantie » seront déposés en Cour supérieure. Un appel en garantie est une procédure légale visant à ce qu’un tiers soit tenu d’indemniser l’appelant en cas de décision défavorable des tribunaux.

La CMM va déposer des appels en garantie pour cinq dossiers où elle est poursuivie pour expropriation déguisée à la suite de l’adoption de règlements de contrôle intérimaires destinés à protéger les milieux naturels sur son territoire.

Les poursuites engagées par des promoteurs dans ces dossiers totalisent plus de 425 millions de dollars. Elles ont été déposées après que la CMM a adopté en 2022 deux règlements de contrôle intérimaire (RCI) dont l’objectif est d’accroître la proportion de milieux naturels sur son territoire. Les deux RCI ont été approuvés par le gouvernement du Québec.

« Par ces appels en garantie, la CMM requiert que le Procureur général du Québec, représentant le Gouvernement du Québec, soit une partie à ces dossiers à titre de défendeur en garantie afin qu’il soit tenu entièrement responsable de toute condamnation de la CMM pour l’imposition de ces moratoires temporaires dont l’objectif est d’éviter des dommages irréversibles à certains milieux sensibles ou naturels et des espèces menacées », écrit l’avocat Marc-André LeChasseur dans une lettre adressée au directeur général de la CMM, Massimo Iezzoni.

Dans sa missive, obtenue par La Presse, MLechasseur précise qu’à son avis, « les RCI adoptés par la CMM sont conformes à la législation, que la ministre des Affaires municipales a eu raison de les approuver, qu’ils ne sont pas déraisonnables et que les poursuites sont infondées. À cette étape, la question n’est pas de savoir si les RCI sont valides. Il s’agit de déterminer qui doit payer s’ils ne sont pas valides ou que leurs effets sont confiscatoires (ce qui est évidemment vigoureusement nié par la CMM) », ajoute-t-il.

À elles seules, trois des cinq poursuites totalisent près de 410 millions de dollars.

À Rosemère, Quartier Melrose inc. a déposé une poursuite contre la Ville et la CMM pour expropriation déguisée après l’adoption du RCI pour protéger des terrains de golf présentant un potentiel de reconversion en milieu naturel. Le promoteur a racheté l’ancien terrain de golf de Rosemère en 2018 pour 18 millions de dollars dans le but de réaliser un projet de lotissement. Il réclame 278 millions de dollars.

À Candiac, la société 9454-9607 Québec inc, présidée par Minying Wu, réclame 69,2 millions de dollars à la municipalité et à la CMM alors qu’elle a racheté l’ancien terrain de golf qui s’y trouve pour 22 millions en 2021.

Du côté de Mascouche, la société 9254-0087 Québec inc., qui appartient à l’homme d’affaires Claude Duchesne, demande 62,5 millions pour expropriation déguisée de l’ancien terrain de golf situé dans la municipalité. Selon la poursuite déposée en Cour supérieure, le promoteur a acheté le terrain en 2011 pour 6,3 millions de dollars.

Selon Marc-André LeChasseur, ces RCI ont été adoptés afin de respecter les orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire. « Ces orientations imposent à la CMM d’assurer la conservation de 17 % de son territoire, chiffre augmenté à 30 % depuis la récente COP15 », écrit-il.

L’avocat conclut sa lettre en signalant que la CMM a déjà eu gain de cause dans une affaire semblable en 2019. La Cour d’appel avait alors statué que Québec pouvait être appelé en garantie dans une poursuite dépassant de 43 millions de dollars contre la municipalité de Léry et la Communauté métropolitaine de Montréal.