La crue historique survenue lundi à Baie-Saint-Paul est-elle le présage de la multiplication des inondations en vue au Québec ? Faut-il s’attendre à plus de précipitations ? Comment s’y préparer ? Entrevue avec Jean-Pierre Blanchet, professeur au département des sciences de la Terre de l’UQAM.

Faut-il s’attendre à plus d’inondations ?

La particularité, le printemps, c’est que la neige fond en même temps qu’on atteint un pic de précipitations. L’été, ce sont davantage de gros orages convectifs, mais ils sont de plus en plus intenses. C’est le réchauffement climatique qui fait en sorte que l’atmosphère contient plus d’eau. De plus en plus, les précipitations qu’on reçoit ici ressemblent à des pluies tropicales des régions du Sud. En général donc, oui, on peut s’attendre à des précipitations plus fortes avec le temps.

Ce qu’on voit en ce moment, c’est sans précédent ?

Si on regarde dans l’ensemble, au Québec, on bat effectivement de plus en plus de records de température et de précipitations. Cela dit, il y a aussi un côté aléatoire dans tout ça : ce ne sont pas toujours les mêmes régions affectées aux mêmes niveaux, avec le même degré de préparation. La certitude, c’est que ça illustre l’importance de changer nos comportements, et surtout d’arrêter de consommer du pétrole. C’est capital de prendre soin de l’environnement. Ça doit tous nous responsabiliser.

IMAGE TIRÉE DU SITE DU GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

Augmentation annuelle moyenne des précipitations totales au Québec (1960-2013)

Comment peut-on mieux se préparer au Québec ?

Il y a des adaptations possibles à tous les niveaux : au gouvernement, dans les villes, dans la gestion des infrastructures. Le Réseau inondations intersectoriel du Québec (RIISQ), dont je fais partie, s’intéresse beaucoup à l’occurrence des inondations. On travaille à développer un satellite avec la NASA, qui servirait à améliorer nos prévisions climatiques en prenant des mesures à très haute résolution, au niveau régional. Il devrait voler en 2029 pour environ cinq ans. Si on peut améliorer ne serait-ce que d’une journée la prévision, ça permettrait aux gens de se préparer davantage. Vingt-quatre heures, c’est beaucoup de préparation.

Qu’est-ce qui a changé dans le comportement des systèmes météorologiques ?

C’est entre autres le mouvement des systèmes. Ils ne se déplacent pas beaucoup, donc ça donne une précipitation qui peut n’être pas très forte, mais qui va durer longtemps, ce qui implique des défis supplémentaires de résilience. Parfois, cela dit, au Québec, on va avoir un bon courant qui vient de la côte Est, et ça va nous donner des concentrations d’eau qui sont élevées. On a vu par exemple, avec la tempête de pluie verglaçante récemment, de l’eau qui nous venait de l’Atlantique avec des courants très froids qui faisaient immédiatement baisser la température près de la surface.

2,5 mm

C’est le rythme moyen auquel les précipitations ont augmenté annuellement sur le sud du Québec entre 1960 et 2013. Selon le ministère de l’Environnement, plus de 130 mm de pluie et de neige se sont ainsi « ajoutés durant la période au total des précipitations annuelles, maintenant évaluées à 1000 mm en moyenne » au Québec.

Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec