Un conflit d’intérêts a joué un rôle dans la démission du professeur Pierre-Olivier Pineau du Comité consultatif sur les changements climatiques, soutient le président de ce groupe d’experts chargé de conseiller le ministre québécois de l’Environnement, une affirmation « ridicule », réplique le principal intéressé.

M. Pineau détient des droits d’émission dans le cadre du marché du carbone commun entre le Québec et la Californie, sur lequel le comité commençait à se pencher, a indiqué à La Presse son président, Alain Webster, professeur d’économie de l’environnement à l’Université de Sherbrooke.

Le code d’éthique du comité précise qu’un membre ne peut participer aux discussions sur un sujet pour lequel il se trouve en conflit d’intérêts, explique M. Webster.

« Tu ne peux pas travailler sur les règles publiques et en même temps être un acteur de ce marché-là », résume-t-il, disant avoir interpellé M. Pineau à ce propos.

Ce dernier a remis sa démission à la réunion suivante, se désole M. Webster, qui estime qu’il aurait pu simplement se retirer temporairement des discussions, comme l’a d’ailleurs fait un autre membre du comité qui se trouvait lui aussi en conflit d’intérêts.

« Je ne pense pas que [le conflit d’intérêts] était la raison principale du départ de Pierre-Olivier. Il avait aussi une insatisfaction », conclut toutefois Alain Webster, qui « trouve dommage » que la médiatisation de l’affaire discrédite les travaux du comité.

« Ridicule », répond M. Pineau

Pierre-Olivier Pineau affirme qu’il envisageait de démissionner depuis « plus d’un an » et que sa décision n’a « rien à voir » avec la récente situation de conflit d’intérêts.

« C’est complètement ridicule », a déclaré à La Presse le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, affirmant qu’il aurait vendu les droits d’émissions qu’il détient ou qu’il se serait retiré des discussions du comité s’il avait voulu continuer d’y siéger.

« Alain Webster ne veut pas répondre aux critiques que j’ai émises, qui sont assez directement liées à sa présidence », assène le professeur, qui accuse le président du comité d’exercer une forme de censure sur les sujets abordés.

Pierre-Olivier Pineau soutient que des éléments d’un document du sous-comité sur le bilan de l’action gouvernementale en matière de lutte contre les changements climatiques, dont il faisait partie, ont été retirés par le président.

« Je ne demandais pas que mon interprétation soit celle du comité, mais je voulais qu’elle soit discutée », dit-il, qualifiant le geste de sabotage.

Se disant affecté par cette dynamique malsaine, et estimant ne pas pouvoir la changer, M. Pineau a alors pris la décision de démissionner, dit-il.

« Je n’ai pas de temps pour ça », articule M. Pineau.

Alain Webster se dit étonné du mécontentement de M. Pineau, affirmant que les discussions sur le sujet ne faisaient que commencer.

« L’avis qu’on fait, il n’est pas écrit [à l’avance], il provient de nos discussions, dit-il. On est au début de la réflexion. »

Le comité n’avance pas rapidement, reconnaît son président, qui souligne la difficulté de réunir des experts bénévoles, par ailleurs très occupés, et d’arriver à un consensus.

« Mais à la fin, je pense que le résultat est bon », dit-il.

Comité « bidon »

Pierre-Olivier Pineau critique aussi l’absence d’impact du Comité consultatif sur les changements climatiques, qu’il qualifie de « bidon ».

« Ses avis restent complètement anonymes », dit-il, ajoutant que sa seule recommandation suivie par le gouvernement a été celle d’interdire la vente de véhicules à moteur thermique à partir de 2035.

Le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, n’est pas du même avis : « Plusieurs des mesures qui étaient préconisées dans [les avis du comité] sont aujourd’hui en application, c’est un comité qui a sa pertinence », a-t-il déclaré lors d’une mêlée de presse, mercredi.

Le professeur Pierre-Olivier Pineau est le quatrième membre du comité à démissionner en deux ans, mais Alain Webster n’y voit pas le signe d’une grogne généralisée.

Les trois autres ont quitté leurs fonctions pour d’autres raisons, dit-il : manque de temps dans un cas, demande d’un employeur dans un autre et changement d’emploi causant une apparence de conflit d’intérêts dans le dernier cas.

Ça ne veut pas dire que les membres qui restent sont satisfaits du comité, affirme Pierre-Olivier Pineau.

« Certains ont partagé avec moi leur impatience, dit-il, mais ils donnent encore la chance au comité de se redresser. »

Qu’est-ce que le Comité consultatif sur les changements climatiques ?

Le Comité consultatif sur les changements climatiques a pour mission de conseiller le ministre responsable de la Lutte contre les changements climatiques du Québec sur l’adaptation aux changements du climat et sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il énonce des avis et des recommandations « alimentant la prise de décision et l’élaboration de politiques publiques ». Créé en 2020 par le gouvernement Legault, il est composé de 9 à 13 membres bénévoles, nommés pour un mandat de trois ans, issus principalement du milieu scientifique.

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  • 4
    Nombre d’avis formulés par le comité depuis sa création, en 2020
    Source : Comité consultatif sur les changements climatiques