(Gatineau) Pour en finir avec l’accumulation de métaux et de plastiques dans le sol, 16 cimetières de l’Outaouais exigent désormais que les cercueils et urnes mis en terre dans leurs nouvelles sections soient biodégradables. Et à la fin de 2025, ce sera obligatoire dans tous leurs lots.

Le cimetière Saint-Rédempteur, dans le secteur Hull, est l’un des 16 cimetières de l’archidiocèse de Gatineau à avoir pris ce virage le 8 mai dernier. L’organisme Les Jardins du Souvenir, qui en assure la gestion, y a inauguré une nouvelle section tout en courbes dimanche.

Autour de la terrasse coiffée d’une pergola, des îlots recouverts de paillis attendent leurs premières urnes biodégradables. Les pierres tombales seront taillées dans des pierres naturelles provenant de la région.

Des arbres et des vivaces prélevés dans d’autres cimetières du groupe ponctuent l’espace. Les sentiers de fines roches de rivière reposent sur une assise d’asphalte concassé recyclé.

À quelques mètres de là, une petite cascade se jette dans un étang.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, LE DROIT

Mini cascade donnant sur un étang dans la nouvelle section du cimetière Saint-Rédempteur, réservée aux urnes biodégradables.

« C’est pour le recueillement et éventuellement, ça pourra peut-être aussi servir pour de la dispersion de cendres, a expliqué le directeur général des Jardins, Daniel Dezainde, lors de notre visite. C’est une possibilité qu’on va explorer. »

Cette zone n’accueillera que des urnes, mais dans d’autres cimetières du groupe, une douzaine de cercueils biodégradables ont été enterrés dans de nouvelles sections depuis mai. À la fin de 2025, cette obligation sera étendue à toutes les mises en terre. Seuls les columbariums et les mausolées pourront accueillir des urnes et cercueils non biodégradables.

L’initiative vise à mettre fin à « l’inhumation de milliers d’urnes et de cercueils composés de plastique et de métal qui ne se dégraderont pas et vont contribuer à la pollution du sol ».

Maintenant qu’on le sait, est-ce qu’on peut sérieusement faire comme si ça n’existait pas ?

Daniel Dezainde, directeur général des Jardins du Souvenir

Prêcher par l’exemple

Des cimetières québécois offrent déjà des formules plus « naturelles », en enfouissant les cendres au pied d’un arbre, par exemple. Mais qu’un regroupement de cimetières catholiques impose les urnes et cercueils biodégradables est une initiative « pour le moins dérangeante pour certaines personnes », admet M. Dezainde. Il a donc pris soin d’expliquer la démarche aux maisons funéraires de la région avant d’en faire l’annonce officielle.

À la conférence de presse du 8 mai, l’archevêque de Gatineau a cité « le défi urgent de sauvegarder notre maison commune », une expression du pape François dans son encyclique Laudato Si’ sur l’environnement.

« Les cimetières, ce sont des endroits tout désignés pour avoir un impact. Je souhaite vraiment que ça devienne une tendance à l’échelle provinciale », dit M. Dezainde, qui est également président de l’Association des cimetières chrétiens du Québec, un regroupement de plus de 500 cimetières.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, LE DROIT

Les îlots recouverts de paillis de la nouvelle section du cimetière Saint-Rédempteur, destinés à accueillir les urnes biodégradables.

Au moins une autre paroisse, celle de L’Assomption à Maniwaki, également en Outaouais, a adopté la même norme pour les neuf cimetières qu’elle gère dans sept villages.

« On sait aujourd’hui qu’il y a beaucoup de métal dans nos cimetières, alors quand tout ça se décompose, ça s’en va dans la terre. Et ce qu’il y a en dessous, ce sont nos nappes phréatiques », souligne l’abbé Sylvain Desrosiers en entrevue téléphonique.

Il aime mieux que « les gens ne soient pas contents actuellement » que de voir l’Église se faire reprocher « dans cinq ou dix ans » de n’avoir rien fait alors qu’elle savait.

Ça, c’est un langage qu’on a déjà entendu sur autre chose. Alors moi, étant un prêtre de 45 ans, je ne veux pas vivre ça. Je sais qu’il peut y avoir un problème et que ça peut polluer, alors je réagis tout de suite !

Sylvain Desrosiers, abbé

Une tendance

À Gatineau, la maison funéraire des Jardins du Souvenir le constate : les solutions biodégradables ne manquent pas.

« Depuis un an, il y a beaucoup de nouveaux produits qui sont apparus sur le marché », témoigne M. Dezainde en montrant une vitrine remplie d’urnes en osier, en carton, en sable et, même, en sel rose de l’Himalaya.

Le cercueil en bois exposé dans la pièce voisine ne présente aucun ornement de métal, et le coussin dissimulé sous l’étoffe écrue est rembourré de paille, mais l’allure demeure très classique. « Tu n’as pas honte d’avoir grand-papa ou grand-maman là-dedans s’ils ont choisi d’être exposés », glisse le DG.

Les Jardins n’ont pas fait évaluer les quantités de métaux, de plastiques et d’autres matières synthétiques qu’ils éviteront ainsi d’enfouir dans leurs 16 cimetières ; « [mais] si jamais l’initiative devait s’étendre, comme on le souhaite, à l’échelle du Québec, on pourrait trouver les ressources nécessaires », espère M. Dezainde.

PHOTO ÉTIENNE RANGER, LE DROIT

Le gazon des sections de cimetières qui ne sont pas encore développées est tondu environ une fois par année, et ce, depuis trois ans.

L’organisation n’a pas non plus mesuré la quantité de carburant épargné depuis trois ans en arrêtant de tondre le gazon dans les sections non développées de ses cimetières, mais « c’est un bel exemple de développement durable », fait valoir le DG.

« Quelle est la logique d’envoyer des employés avec leur machinerie dans des sections qui ne seront peut-être pas utilisées avant des années, voire des décennies ? Il n’y en a pas, donc laissons la nature reprendre ses droits. »

Écrivez-nous pour faire partager « vos idées vertes » Lisez l’article « Mourir et reposer en forêt » Lisez l’article « Mourir écolo »