Renoncer à s’adapter aux conséquences des changements climatiques serait « une erreur monumentale », a plaidé mercredi le maire des Îles-de-la-Madeleine, à la conférence internationale Adaptation Futures, à Montréal, ouvrant la porte à une poursuite des géants pétroliers pour financer les mesures requises.

Rappelant que sa municipalité insulaire pourrait être submergée d’ici 150 ans si rien n’est fait, Antonin Valiquette a rejeté catégoriquement l’idée parfois évoquée de relocaliser les populations vulnérables aux effets du réchauffement planétaire.

« Après les Îles, ce serait quoi ? Les autres communautés côtières du Saint-Laurent ? », s’est-il demandé lors d’une table ronde avec d’autres élus municipaux.

Une politique de capitulation comme celle-là, on sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finit. C’est extrêmement dangereux.

Antonin Valiquette, maire des Îles-de-la-Madeleine

Déserter ces régions aurait des conséquences « catastrophiques » pour la vitalité du territoire, croit le maire Antonin Valiquette, qui a réitéré avec ses homologues l’appel du milieu municipal au gouvernement du Québec à financer davantage l’adaptation aux changements climatiques.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Rappelant que sa municipalité insulaire pourrait être submergée d’ici 150 ans si rien n’est fait, Antonin Valiquette a rejeté catégoriquement l’idée parfois évoquée de relocaliser les populations vulnérables aux effets du réchauffement planétaire.

« La capacité des villes de faire les investissements est assez limitée », a répété la mairesse de Gatineau, France Bélisle.

Antonin Valiquette en sait quelque chose : le gouvernement du Québec a financé la construction d’ouvrages visant à contrer l’érosion des berges, mais laisse à la municipalité le soin de les entretenir.

« Il faudrait qu’on investisse la totalité de nos revenus de taxation annuels d’aujourd’hui sur la réfection d’un ouvrage comme ça, s’est-il exclamé. Et ça, c’est aujourd’hui, Dieu sait que dans quelques années, cette facture-là pourrait être beaucoup plus élevée. »

Poursuivre les pétrolières

Alors que le gouvernement québécois fait la sourde oreille aux demandes des villes, le maire Antonin Valiquette n’exclut pas d’intenter des poursuites contre les géants pétroliers dans le but d’obtenir réparation pour les dommages causés au climat par l’utilisation de leurs produits, comme l’ont fait récemment la Californie et un comté de l’Oregon.

« S’il faut montrer de la flexibilité et de l’innovation dans la création de nouveaux revenus pour financer la préparation des villes et des communautés face aux changements climatiques, ça se peut qu’il faille passer par là éventuellement », a-t-il répondu lors d’un entretien avec La Presse après la table ronde.

C’est toutefois au gouvernement québécois de prendre cette responsabilité, a-t-il ajouté d’emblée.

« Ce sont les gouvernements qui devront avoir la flexibilité d’aller chercher ces revenus-là, les scénarios sont nombreux », a-t-il indiqué.

La mairesse France Bélisle suggère notamment de recourir davantage à l’écofiscalité, un outil qui n’est pas utilisé à son plein potentiel, croit-elle.

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« La capacité des villes de faire les investissements est assez limitée », a répété la mairesse de Gatineau, France Bélisle.

« On pourrait aller beaucoup plus loin » que la tarification supplémentaire imposée dans certaines municipalités aux véhicules énergivores, illustre Mme Bélisle.

Surtout, la solution devrait être collective et non pas à la pièce, dit-elle, plaidant aussi pour un changement de philosophie à l’égard de la prévention des risques climatiques.

« Ceci n’est pas une dépense, c’est un investissement », dit-elle, rappelant que les études démontrent que les sommes investies en prévention évitent des dépenses jusqu’à 18 fois plus élevées en réparation des dégâts.

Coûts cachés des changements climatiques

La multiplication des évènements climatiques extrêmes engendre des coûts importants pour les municipalités, dont certains sont parfois insoupçonnés, souligne la mairesse France Bélisle.

« La répétition des crises a un impact majeur sur l’humeur et la santé mentale des équipes municipales », affirme-t-elle, donnant l’exemple d’employés ayant dû prendre des congés de maladie dans la foulée des inondations répétées et de la tornade qui ont frappé Gatineau dans les dernières années.

Ces évènements ont aussi endommagé des milliers de logements, dont des centaines étaient complètement inhabitables, ajoute-t-elle.

Ça, ça vient mettre de la pression sur une communauté.

France Bélisle, mairesse de Gatineau

La prévention génère elle aussi une pression importante sur l’appareil municipal, indique la mairesse Bélisle.

« Lors d’une crue des eaux, c’est le même déploiement pour les équipes municipales, que ça déborde ou non », dit-elle, expliquant qu’il faut aménager des digues temporaires, louer des embarcations nautiques, commander des citernes d’essence pour assurer le fonctionnement des équipements névralgiques, comme les usines de traitement de l’eau.

Toutes les municipalités risquent d’être confrontées aux aléas climatiques, mais seules, elles n’ont pas la capacité d’y faire face, plaide France Bélisle

« Ça commande une vision du gouvernement du Québec, une intervention globale, dit-elle. Et ça prend un engagement d’investissements en recherche et développement collés aux défis qu’on vit sinon on restera coincés dans la même roue de hamster. »