(Ottawa) Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a déclaré que des règlements visant à plafonner les émissions provenant de la production pétrolière et gazière seront publiés plus tard cet automne, et ils ne seront pas touchés par la récente décision de la Cour suprême du Canada annulant certaines parties d’une loi fédérale sur l’environnement.

Le gouvernement a promis lors des élections de 2021 de publier des règlements visant à fixer un plafond aux émissions du secteur pétrolier et gazier et à le réduire graduellement d’ici 2030, lorsque la prochaine échéance du Canada en matière d’objectifs d’émissions arrivera.

Ce secteur représente plus du quart des émissions annuelles totales du Canada, et le Canada n’atteindra pas son objectif sans une diminution substantielle des émissions de carbone provenant du pompage du pétrole et du gaz hors du sol.

Le plan sur les émissions du Canada prévoit que le secteur réduise ses émissions totales de près de moitié d’ici 2030.

M. Guilbeault a affirmé que le gouvernement reste déterminé à mettre en place le plafond et qu’il ne devrait pas être affecté par l’arrêt du tribunal de la semaine dernière qualifiant d’inconstitutionnelles certaines parties de la loi fédérale sur l’évaluation environnementale.

Cette décision indique que la Loi sur l’évaluation d’impact, qui décrit comment les grands projets comme les pipelines doivent être examinés pour déterminer leurs impacts environnementaux, s’est parfois égarée dans la compétence provinciale en permettant à Ottawa de prendre des décisions quant à savoir si des projets relevant uniquement de l’autorité provinciale pourraient aller de l’avant.

« Je veux dire, évidemment, nous examinons très attentivement ce qu’a fait la Cour suprême », a mentionné le ministre Guilbeault.

« Mais les gens ne devraient pas oublier qu’il y a eu une autre décision de la Cour suprême, qui n’était pas un arrêt, l’année dernière sur la taxe sur le carbone, qui a montré très clairement que le gouvernement fédéral peut agir en matière de changement climatique. Nous pouvons mettre un prix sur la pollution, et qu’en tant que gouvernement fédéral, nous avons compétence pour lutter contre le changement climatique. »

La Cour suprême a statué en 2021 que le prix fédéral du carbone était constitutionnel, parce que les émissions de gaz à effet de serre ne s’arrêtaient pas aux frontières provinciales, leur donnant ainsi un impact national.

Dans la décision relative à la Loi sur l’évaluation d’impact, le juge en chef Richard Wagner a conclu que certains projets provinciaux pourraient avoir des effets qui relèvent de la compétence fédérale, ce qui pourrait donner à Ottawa le pouvoir de les réglementer ou de les légiférer.

Sur la base de la décision antérieure sur le prix du carbone, cela inclurait les émissions de gaz à effet de serre.

Grogne des provinces pétrolières

M. Guilbeault a essayé très soigneusement de promouvoir les réglementations sur les plafonds pétroliers et gaziers comme visant à limiter les émissions et non la production. Cette dernière relève de la compétence exclusive des provinces.

Il a fait valoir que limiter les émissions signifie simplement que les sociétés pétrolières et gazières doivent prendre des mesures pour réduire leur propre empreinte carbone. Il ne précise pas comment elles doivent procéder.

Cependant, la première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, et certaines sociétés pétrolières et gazières ont insisté sur le fait que le plafonnement des émissions entraînerait une réduction de la production.

L’Association canadienne des producteurs pétroliers a dit à M. Guilbeault en 2022 que les deux options pour faire respecter le plafond obligeraient les producteurs à réduire la quantité de pétrole qu’ils pompent.

À la suite de la décision du tribunal, la semaine dernière, le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, a déclaré que le gouvernement fédéral devrait « repenser » son projet d’outrepasser la production pétrolière et gazière et la production d’électricité.

La réglementation du plafond prend plus de temps que ce que M. Guilbeault espérait. En novembre dernier, il a dit qu’il s’attendait à ce que le projet de règlement soit prêt d’ici le printemps. Mais cela n’a toujours pas été publié.

Il a attribué cela à la complexité du plan. « Il n’y a pas de retard, a-t-il affirmé. Je veux dire, pour autant que je sache, nous sommes le seul pays au monde à faire cela. Et nous sommes le quatrième producteur de pétrole et de gaz, donc c’est une réglementation assez audacieuse et nous voulons nous assurer de faire les choses le mieux possible. »

M. Guilbeault a indiqué que la comparution du PDG du géant des sables bitumineux Suncor devant un comité parlementaire lundi renforce la détermination du gouvernement selon laquelle de telles réglementations sont nécessaires.

Selon M. Guilbeault, rien de ce que Rich Kruger a dit au comité des ressources naturelles ne lui a permis de croire que l’entreprise prendrait elle-même des mesures pour réduire son empreinte carbone et contribuer à ralentir le changement climatique.

M. Kruger était présent au comité pour expliquer les commentaires qu’il a faits aux actionnaires en août sur le recentrage des priorités de Suncor axées sur son activité pétrolière principale et moins sur la transition vers des carburants à faibles émissions.

Selon M. Guilbeault, ces commentaires justifient la nécessité du plafond d’émissions réglementées, car des entreprises comme Suncor ne vont pas le faire seules.

M. Kruger a déclaré au comité que son entreprise s’est engagée dans la décarbonisation, mais a ajouté qu’elle devait continuer à poursuivre sa production pétrolière pour réunir les fonds dont elle a besoin pour y parvenir.

Le député néo-démocrate Charlie Angus a dit qu’il était d’accord avec M. Guilbeault que M. Kruger a envoyé un message clair.

« Ils n’ont aucune intention d’assumer la responsabilité des dommages qu’ils causent à la planète et n’ont aucune intention de changer de cap, a-t-il déclaré. Même si notre planète est en feu. »

M. Angus a toutefois critiqué le gouvernement pour avoir mis si longtemps à fixer un plafond sur les émissions. « Cela fait trois ans que ce gouvernement a promis ce plafond d’émissions. Où est-il ? »