(San Juan) La petite île des Caraïbes de la Dominique, située au sud de la Guadeloupe, crée la première zone marine protégée au monde pour l’un des plus grands animaux de la planète : le cachalot, une espèce en voie de disparition.

Près de 800 kilomètres carrés d’eau bleue royale sur la côte ouest de la nation insulaire, qui servent d’aires d’allaitement et d’alimentation essentielles, seront désignés comme réserve, a annoncé lundi le gouvernement.

« Nous voulons garantir que ces animaux majestueux et très intelligents soient à l’abri de tout danger, et continuer à maintenir nos eaux et notre climat sains », a déclaré le premier ministre de la Dominique, Roosevelt Skerrit, dans un communiqué.

Les scientifiques affirment que la réserve protégera non seulement les animaux, mais qu’elle contribuera également à lutter contre les changements climatiques.

Les cachalots défèquent près de la surface parce qu’ils arrêtent les fonctions non vitales lorsqu’ils plongent à des profondeurs allant jusqu’à 3000 mètres. Ainsi, les excréments riches en nutriments restent à la surface de l’océan et créent des proliférations de plancton, qui captent le dioxyde de carbone dans l’atmosphère et qui l’entraînent vers le fond de l’océan lorsqu’ils meurent.

On pense que les cachalots de la Dominique défèquent plus que les baleines ailleurs, a affirmé le biologiste canadien Shane Gero, spécialiste des cétacés et fondateur du Projet cachalot de la Dominique, un programme de recherche axé sur les cachalots dans les Caraïbes orientales.

Ce qui explique que les cachalots semblent déféquer davantage à la Dominique n’est pas encore clair. M. Gero a précisé qu’il se pourrait qu’ils mangent deux fois plus, ou qu’il y ait quelque chose de particulier dans le type de calmar qu’ils mangent.

« À certains égards, les cachalots combattent les changements climatiques en notre nom », a déclaré M. Gero, qui est scientifique en résidence à l’Université Carleton d’Ottawa et diplômé de l’Université Dalhousie à Halifax.

On estime que moins de 500 cachalots vivent dans les eaux entourant la Dominique, faisant partie d’une population qui se déplace le long de la chaîne des Petites Antilles, nageant au sud jusque l’île de Saint-Vincent, et jusqu’en Guadeloupe au nord.

Contrairement aux cachalots ailleurs dans le monde, ceux des Caraïbes orientales ne voyagent pas très loin, a indiqué M. Gero.

Il a noté que les cachalots constituent une société matrilinéaire, dans laquelle les jeunes mâles quittent et changent d’océan à un moment de leur vie. En conséquence, la protection de l’espèce est essentielle, surtout si peu de femelles naissent, a-t-il déclaré.

« L’enchevêtrement d’un veau peut signifier la fin d’une famille », a-t-il affirmé.

Les cachalots peuvent produire un seul petit tous les cinq à sept ans.

Dans les eaux autour de la Dominique et ailleurs, les cachalots ont été heurtés par des navires, emmêlés dans des engins de pêche et affectés par le ruissellement agricole, limitant leur survie. Avant l’époque de la chasse à la baleine, environ 2 millions de cachalots parcouraient les eaux profondes de la Terre, puis ils ont été chassés pour l’huile utilisée dans les lampes et la lubrification des machines. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 800 000, selon M. Gero.

Le tourisme baleinier encadré

Le gouvernement de la Dominique a annoncé que la réserve permettra une pêche artisanale durable et délimitera une voie de navigation internationale pour éviter davantage de décès de cachalots, qui possèdent le plus gros cerveau du monde et qui peuvent mesurer jusqu’à 15 mètres.

Une fois la réserve créée, le premier ministre a précisé que son administration nommera un agent et des observateurs pour garantir que la zone soit respectée et que les réglementations sur le tourisme baleinier soient appliquées. Les visiteurs peuvent toujours nager avec les cachalots et les voir depuis un bateau, mais en nombre limité.

Cette décision a été saluée par des scientifiques et des défenseurs de l’environnement, notamment Enric Sala, explorateur en résidence au National Geographic.

« Le gouvernement de la Dominique a réalisé que les cachalots, qui étaient probablement ici avant les humains, sont également des citoyens de la Dominique, a-t-il soutenu. Ces baleines passeront la majeure partie de l’année au large de l’île. Ainsi, ils prennent soin de certains de leurs citoyens d’une manière que peu de pays ont faite auparavant. »

On estime que 35 familles de cachalots passent la plupart de leur temps dans les eaux entourant la Dominique. M. Gero a expliqué que certains cachalots ont probablement plus de 60 ans, et qu’ils communiquent au moyen de sons de cliquetis qui font partie d’une vocalisation connue sous le nom de « coda ».

M. Gero et son équipe de chercheurs ont également nommé des baleines individuellement. L’une d’entre elles est surnommée « Neige » parce qu’un scientifique lisait un livre de Margaret Atwood avec un personnage nommé « Bonhomme de neige ». Un autre cachalot a été surnommé « Salade de fruits » parce qu’un chercheur était en train de grignoter cela à ce moment-là. Le petit de cette baleine a été nommé « Corossol », en lien avec le thème.