Les ventes de poudre à paillettes ont connu un boom cet automne dans plusieurs pays de l’Union européenne, dont l’Allemagne. Pourquoi ? Parce que ce lent poison pour les sols et les océans a commencé à disparaître des rayons de cosmétiques, depuis le 17 octobre dernier.

La fin des paillettes en plastique découle du plan d’action zéro pollution de la Commission européenne. La cible est de réduire la pollution par les microplastiques de 30 % d’ici 2030.

Le règlement vise les paillettes en plastique d’une taille égale ou inférieure à 5 millimètres. Il n’est pas question de les bannir d’un coup sec : l’interdiction totale de la vente s’applique d’abord aux objets pailletés décoratifs, d’art, d’artisanat, aux décorations de Noël, aux chapeaux de fête et à certains jouets. Pas aux cosmétiques et aux vêtements pailletés.

La Commission a expliqué que le but est d’inciter « le remplacement » des paillettes en plastique. « Cette restriction contribue à la transition écologique des industries et fait la promotion de produits innovants, sans microplastiques, tant pour les cosmétiques que pour les détergents, sans oublier les surfaces sportives », a indiqué Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, lors d’une annonce officielle fin septembre.

Des paillettes biodégradables à Montréal

À Montréal, la nouvelle a eu l’effet d’un véritable « boost » sur la jeune entrepreneure Clara Belghazi. Il y a six mois, la femme de 27 ans a lancé officiellement Stella, une jeune pousse de paillettes biodégradables. Elle explique qu’elle est contrainte de s’approvisionner auprès d’une société britannique, Bioglitter, pour confectionner ses petits pots scintillants vendus en ligne.

PHOTO FOURNIE PAR STELLA PAILLETTES

Clara Belghazi est une jeune entrepreneure à l’origine de la jeune pousse Stella. Elle vend des paillettes biodégradables, une rareté sur le marché, à moins de les importer.

J’ai toujours aimé les paillettes, j’aime tout ce qui brille, mais j’étais consciente qu’elles sont nocives pour l’environnement. La paillette biodégradable à 100 % est plus nacrée, elle n’est pas toujours ronde et parfaite. La forme est plus abstraite. Mais nos paillettes ne contiennent pas de plastiques. Elles sont entre autres conçues avec de la résine d’insecte.

Clara Belghazi, de la jeune pousse Stella

Lionel Ripoll est professeur au département des sciences fondamentales de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). Il a créé un programme d’études spécialisées en cosmétologie. Selon lui, l’industrie cosmétique est au courant depuis les années 1990 des effets nocifs des paillettes.

« À ma connaissance, il n’existe aucune entreprise au Québec fabriquant des paillettes biodégradables, dit M. Ripoll. C’est une bonne affaire de vouloir s’en débarrasser. Les options naturelles existent, même s’il y a un enjeu au niveau de l’éclat des couleurs. Il est possible d’innover à partir d’ingrédients végétaux, notamment la cellulose. »

Chez Attitude, une entreprise de soins pour le visage et le corps, des travaux en laboratoire ont lieu pour lancer des ombres à paupières dont l’éclat ne sera pas fait de plastique. Hans Drouin, vice-président à la recherche et au développement d’Attitude, estime qu’il est possible d’innover en utilisant du bambou ou des minéraux naturels du sol.

« On peut parier que ça s’en vient par ici, quand l’Union européenne prend une décision, observe-t-il. Il est tout simplement ridicule de prendre un bain avec des produits potentiellement cancérigènes, mauvais pour la planète. »

Microbilles interdites au Canada

Au Canada, le Règlement sur les microbilles dans les produits de toilette interdit la fabrication, l’importation et la vente de produits de toilette qui contiennent des microbilles de plastique utilisées pour exfolier ou nettoyer, y compris les médicaments sans ordonnance et les produits de santé naturels. Ce règlement est en vigueur depuis 2019.

Au ministère fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, on précise que si une paillette est une particule de plastique dont la taille est égale ou inférieure à 5 millimètres, théoriquement, elle pourrait correspondre à la définition de microbille.

« Bien qu’il ne soit actuellement pas prévu d’élargir la portée du Règlement, le Canada continue à surveiller les autres juridictions. On continue de réunir des données sur les sources qui contribuent à l’accumulation de microbilles. Le gouvernement collabore avec ses partenaires internationaux (par exemple, les Nations unies et le G7), afin d’aborder le problème des déchets marins et la pollution par microplastiques », a précisé Eleni Armenakis, porte-parole du Ministère.

Il reste la question des paillettes sur les vêtements. Pour l’instant, la Commission européenne indique qu’elles sont considérées comme « partie intégrante de l’article » s’il s’agit de vêtements, de chaussures ou de rideaux. L’usage de paillettes sur ces articles n’est pas restreint, mais il pourrait s’agir d’une prochaine étape.

La professeure Marie-Ève Faust, de l’École supérieure de mode de l’UQAM (département stratégie, responsabilité sociale et environnementale), estime qu’il y a une grande volonté de faire mieux dans le milieu, mais que ce n’est pas si simple. « Il faut réfléchir aux solutions », résume-t-elle.

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