(Ottawa ) Si le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre se délecte à traiter les maires de certaines villes d’« incompétents », le ministre de la Protection civile, Harjit Sajjan, soutient au contraire qu’ils sont tous « des alliés de la première importance » pour répondre aux urgences causées par les changements climatiques.

C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il tient mordicus à rencontrer tous les premiers magistrats chaque fois qu’il se rend dans une région du pays afin de connaître leurs besoins et l’état de leur préparation dans l’éventualité où leur municipalité serait menacée par un incendie de forêt, des inondations ou un ouragan, par exemple.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le ministre a soutenu que les dirigeants municipaux seront toujours appelés à intervenir dans les premières heures d’un évènement météorologique extrême. Les incendies de forêt sans précédent qui ont ravagé l’an dernier quelque 18,5 millions d’hectares d’un bout à l’autre du pays l’ont bien démontré, estime le ministre Sajjan.

Les premières heures d’une intervention sont les plus importantes. La réponse des maires et des services municipaux permet dans certains cas de sauver des vies. C’est pour cela que je vais toujours rencontrer les maires dans toutes les municipalités où je me rends.

Harjit Sajjan, ministre de la Protection civile du Canada

Après que les incendies de forêt ont détruit 90 % d’Enterprise, dans les Territoires du Nord-Ouest, l’été dernier, M. Sajjan s’est rendu dans cette petite municipalité pour rencontrer le maire, a-t-il donné en exemple. « Le maire m’a conduit un peu partout dans son pick-up pour que je puisse voir ce qui s’était produit sur le terrain. Les maires sont aux premières loges quand ces catastrophes frappent », a-t-il insisté.

Dans cette optique, M. Sajjan souhaite offrir davantage de formation et d’entraînement aux responsables des services municipaux afin d’optimiser l’efficacité des interventions durant les premières heures. Cela pourrait aussi être l’occasion de mettre l’accent sur la prévention.

« L’an dernier, nous avons perdu quatre pompiers durant les incendies de forêt. Nous avons été chanceux de ne pas avoir à déplorer de morts parmi la population civile quand on voit toute la dévastation », a-t-il noté.

Être prêt

Dans une situation d’urgence, il faut tout prévoir : l’évacuation des résidants, l’approvisionnement en eau et en nourriture, l’hébergement temporaire, la protection des infrastructures essentielles comme l’électricité et l’eau potable.

En tant qu’ancien policier de Vancouver et ancien membre des Forces armées canadiennes, Harjit Sajjan est bien conscient de l’importance d’être fin prêt à tous les scénarios.

« Il faut être prêt maintenant, mais aussi pour les évènements extrêmes qui s’en viennent. Et il faut que l’on soit prêt dans toutes les provinces et apprendre les uns des autres selon les urgences qui surviennent », a-t-il relevé.

À ce sujet, M. Sajjan a confirmé qu’il travaille à mettre sur pied une agence nationale d’intervention d’urgence. Divers modèles sont à l’étude. Il a examiné ceux qui existent aux États-Unis, en Allemagne et en Australie, entre autres.

On ne peut plus faire appel constamment aux Forces armées canadiennes pour agir en quelque sorte comme une force de déploiement fédéral. Certains disent que l’on devrait créer une sorte de FEMA comme aux États-Unis. Mais on doit s’appuyer davantage sur les ressources locales

Harjit Sajjan, ministre de la Protection civile du Canada

Aux États-Unis, la FEMA (Federal Emergency Management Agency) est l’organisme fédéral américain chargé d’assurer l’arrivée des secours lors d’une situation d’urgence.

Pour l’heure, M. Sajjan penche pour un système qui s’appuie sur les ressources existantes au niveau local pour inclure à terme une série de forces de réserve locales d’intervention d’urgence qui peuvent être coordonnées de manière centralisée.

Des projets pilotes sont d’ailleurs prévus cette année dans certaines régions afin d’évaluer si une agence fédérale serait en mesure de répondre aux pires scénarios. Et cela comprend la possibilité qu’un tremblement de terre et un ouragan se produisent en même temps, au milieu d’une saison de graves incendies de forêt.

Le Canada a connu en 2023 sa pire saison d’incendies jamais enregistrée. Près de 10 fois la superficie moyenne des terres a été brûlée et presque toutes les régions du pays ont été touchées.

Au Québec, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a indiqué qu’en moyenne au cours des 10 années ayant précédé 2023, 15 800 hectares de forêt avaient été endommagés par les flammes, alors que cette année seulement, près de 1,074 million d’hectares ont été affectés.

Avec La Presse Canadienne