Des sous-sols et garages inondés à répétition, des dommages qui ne sont plus assurables, des citoyens au bout du rouleau. Consciente que les épisodes de pluies extrêmes sont appelés à se multiplier, la Ville de Longueuil s’est mise en quête de solutions.

Il y a un peu plus d’un an, le 13 septembre 2022, Longueuil a reçu presque 70 millimètres de pluie en moins d’une heure. Un déluge. Dans plusieurs secteurs, le réseau d’égout municipal n’a pas suffi à la tâche. L’eau s’est infiltrée dans des résidences, des entreprises et même des écoles.

« Il faut reconnaître que pour le citoyen, c’est une grande source de stress, une grande source de perte », admet la nouvelle conseillère scientifique en chef de la Ville, Julie-Maude Normandin.

La municipalité de la Rive-Sud a été l’une des premières au Québec à se doter d’une telle fonction. À son arrivée en poste l’été dernier, la conseillère scientifique a trouvé les inondations pluviales sur le dessus de sa pile.

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Julie-Maude Normandin, conseillère scientifique en chef à la Ville de Longueuil

Refoulements d’égout en série, sinistres devenus inassurables, inquiétudes pour la valeur de la propriété, exaspération devant les puisards bouchés : les citoyens venus témoigner aux rencontres publiques organisées par Longueuil quelques mois auparavant en avaient gros sur le cœur.

Les inondations du 13 septembre 2022 ont été « le grand déclencheur de la réflexion et de l’action à la Ville ». Le collège Notre-Dame-de-Lourdes, à Longueuil, avait même dû fermer temporairement, tout comme le collège Durocher, dans la municipalité voisine de Saint-Lambert.

Ralentir la goutte d’eau

Au Québec, les « bonnes pratiques » prévoient que les réseaux d’égout soient construits pour des pluies extrêmes tous les 10 ans, signale Mme Normandin.

Mais avec les changements climatiques, la hauteur totale moyenne des pluies extrêmes ainsi que leur intensité maximale sur deux heures sont appelées à augmenter. La saison devrait aussi s’allonger. 1

Une partie de la solution repose sur "repenser le réseau", mais ça ne pourra pas être l’unique réponse. Financièrement, on ne fournira pas, et augmenter la taille du réseau, à certains endroits, on ne pourra pas le faire.

Julie-Maude Normandin, conseillère scientifique en chef de la Ville

Les « infrastructures vertes » (parcs où dévier l’eau, bordures gazonnées comme bassins de rétention) doivent faire partie des « ajustements ». Les citoyens peuvent aussi « faire leur part » en installant des clapets anti-retour et des barils d’eau de pluie.

À l’image du DArruda qui voulait « aplatir la courbe », Longueuil veut « aplatir la vitesse » de l’eau.

« C’est la vitesse à laquelle elle arrive dans nos réseaux qui cause notre débordement. Donc, si je peux la stocker à certains endroits de façon temporaire, ou encore l’absorber dans du gazon, pour qu’elle arrive plus tard dans mon réseau, lorsque l’intensité de la pluie aura diminué, ça va m’aider. Il faut qu’on ralentisse la goutte d’eau, c’est vraiment ça. »

Aux assemblées publiques de la Ville, des Longueuillois ont cependant fait remarquer qu’à la maison, ils avaient pris toutes les mesures possibles et que, dans leur vieux quartier, il n’y avait pas d’espace pour créer des parcs.

« On veut identifier les problématiques précises secteur par secteur, pour pouvoir agir sur certains points centraux », répond Mme Normandin.

Elle donne l’exemple d’une intersection propice aux refoulements d’égout dans une zone où il ne serait pas possible d’intervenir. « Est-ce qu’on est capable de construire une infrastructure verte ailleurs pour diminuer la pression de l’eau ? Il va falloir faire des analyses précises pour agir sur des points de vulnérabilité particuliers, on a une équipe dédiée à cela. »

Contrairement aux inondations causées par les cours d’eau, les inondations pluviales sont encore peu documentées.

Il n’y a « pas de système d’alerte citoyen sur la base des prévisions de météo », de connaissances scientifiques sur les secteurs « plus affectés que d’autres en matière de pluviométrie » ni « le même niveau de documentation du phénomène », mentionne Mme Normandin, qui a effectué des recherches sur les inondations fluviales à l’École nationale d’administration publique (ENAP).

Ne pas s’en laver les mains

Après les inondations du 13 septembre 2022, Longueuil a reçu des demandes d’indemnisation d’environ 380 citoyens.

« J’ai certainement des citoyens qui ont subi des dommages et n’ont pas fait de réclamation à la Ville, donc je n’ai pas les données complètes. Et j’ai les données de la Ville de Montréal parce qu’il y a eu un article publié récemment dans La Presse [920 demandes], mais je n’ai pas les données pour l’ensemble de la région métropolitaine », expose Mme Normandin.

Longueuil, comme Montréal, a rejeté toutes ces demandes d’indemnisation, mais les villes ne peuvent pas s’en laver les mains pour autant.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Une jeune femme de Longueuil attend patiemment l’autobus dans un abri sous la pluie. Avec les changements climatiques, la hauteur totale moyenne des pluies extrêmes ainsi que leur intensité maximale sur deux heures sont appelées à augmenter.

« Qu’est-ce qu’on va faire en architecture, en urbanisme, en communication du risque citoyen, en sécurité civile ? On doit utiliser différents types de connaissances scientifiques et de disciplines à la fois. »

La conseillère scientifique cite le vérificateur général de l’Ontario, qui a consacré un rapport de 70 pages aux risques d’inondation en milieu urbain.2

« Les pertes assurées attribuables aux précipitations extrêmes en milieu urbain sont 10 fois plus élevées que les pertes causées par les inondations fluviales », lit-on notamment dans ce rapport.

Les villes québécoises s’intéressent de plus en plus à cet enjeu, constate Mme Normandin.

« Toutes les villes sont susceptibles d’être touchées parce qu’on a presque toutes un réseau d’égout, et on va avoir des épisodes de pluies sur lesquels on ne pourra pas mettre une digue ! Donc, il va falloir trouver d’autres types de solutions, et ça va passer par plusieurs actions combinées. »

1. Consultez le Guide de gestion des débordements et des dérivations d’eaux usées (MELCCFP 2023) 2. Lisez le rapport du Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario Lisez l’article sur le déluge dans le sud du Québec en septembre 2022 Lisez l’article « Inondés à répétition »