Comment ils sont passés de la parole aux actes

Les consommateurs ont pris l’habitude de rapporter leurs canettes vides et certaines bouteilles vides chez leur détaillant. Pourquoi ne feraient-ils pas la même chose avec leurs contenants quand ils achètent des repas pour emporter ?

C’est le pari que fait la Ville de Prévost, dans les Laurentides, qui s’apprête à implanter un système de contenants consignés réutilisables dans les restaurants et commerces d’alimentation sur son territoire.

L’idée à la base du projet, c’est d’utiliser tous les moyens possibles pour réduire à la source les matières résiduelles.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Frédérick Marceau, directeur du service de l’environnement de la Ville de Prévost

« Soit on attend que les commerces le fassent chacun de leur côté, ou alors la Ville les incite, même s’il y a un coût au départ », souligne Frédérick Marceau, directeur du service de l’environnement de la ville de 14 000 habitants.

Comment ça marche pour le consommateur ?

Au lieu d’acheter des contenants à usage unique pour leurs commandes à emporter, les commerces participants achètent les contenants réutilisables de l’entreprise Bo, qui sont traçables à l’aide d’un code QR. Quand un consommateur vient chercher un repas pour emporter, le commerçant ajoute 2 $ sur sa facture pour chaque contenant.

Le consommateur télécharge l’application de Bo. Quand il en a fini avec son contenant, il va le déposer dans une boîte conçue à cette fin – comme une boîte aux lettres – située au centre de la ville, après avoir scanné le code QR grâce à l’application. Ses 2 $ lui sont alors remboursés par virement Interac.

Que se passe-t-il avec les contenants retournés ?

Grâce à un partenariat avec une entreprise dont les camions de distribution passent déjà par Prévost, les contenants sont transportés dans les locaux de Bo, dans l’ouest de Montréal, où ils sont lavés. Les contenants en polypropylène résistent au micro-ondes, à la congélation, au lave-vaisselle industriel et peuvent être réutilisés jusqu’à 1000 fois.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Mishel Wong, PDG de l’entreprise Bo, et des contenants réutilisables offerts au restaurant Le Suki

Comme les restaurants et épiceries n’ont pas toujours l’espace nécessaire pour entreposer une grande quantité de contenants, ils seront entreposés dans les locaux municipaux, où les commerçants pourront aller les chercher.

Si le système rencontre un succès bœuf, la Ville pourrait envisager d’aménager une station de lavage sur son territoire, mais on n’en est pas encore là, indique M. Marceau.

Quel est l’avantage pour la Ville ?

Prévost pourrait réduire son budget de disposition des déchets, si la réduction à la source est importante. Mais il est encore trop tôt pour savoir si l’effet sera notable.

Quels sont les coûts pour la Ville et d’où viendra le financement ?

Prévost prépare le terrain à ce projet depuis quelques années. La Ville a d’abord interdit trois articles en plastique à usage unique (pailles, touillettes à café et cotons-tiges) en septembre 2021. En mai 2022, elle a imposé une condition à la vente de bouteilles d’eau non gazeuse et de bidons de lave-glace : offrir aussi un système de remplissage en vrac. Et depuis juillet 2022, les commerçants doivent facturer une redevance de 0,10 $ à 0,50 $ sur six types d’articles à usage unique, dont les bouteilles d’eau de moins de 750 ml et les verres à café.

Lisez notre article sur la redevance imposée par la Ville de Prévost sur six articles à usage unique

Les sommes recueillies grâce à ces écocontributions – environ 60 000 $ par année – vont dans un fonds spécial qui sert à financer des projets pour réduire les matières résiduelles. La Ville pourrait payer à même ce fonds les boîtes de retour des plats et fournir gratuitement les premiers plats aux commerçants pour les inciter à embarquer dans l’aventure. « On voulait pouvoir dire aux contribuables que ce n’est pas l’argent de leurs comptes de taxes qui paierait ce projet », note Frédérick Marceau.

Les commerçants embarqueront-ils dans l’aventure ?

Prévost compte 19 commerces d’alimentation et restaurants. Jusqu’à maintenant, six souhaiteraient y participer, dont les propriétaires du restaurant Le Suki.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jonathan Gauthier et Annie Gualtieri, copropriétaires du restaurant Le Suki

La moitié de toutes les commandes de ce restaurant sont pour emporter. « On passe beaucoup de plats de plastique. Certains ne sont pas réutilisés et se retrouvent à la poubelle » ou, au mieux, au recyclage, explique la copropriétaire Annie Gualtieri.

Les contenants coûtent de 500 $ à 600 $ par mois au restaurant, évalue son partenaire, Jonathan Gauthier, qui voit dans le nouveau système une occasion de faire des économies.

Mais le couple s’inquiète tout de même du temps qu’il faudra pour expliquer le système aux consommateurs. En période de pointe, quand les clients attendent leur repas, chaque minute compte.

Les consommateurs embarqueront-ils dans le système ?

Il faut que la gestion des plats ne soit pas trop compliquée pour que la population adopte le système, souligne Jonathan Gauthier. Certains sont certainement très motivés, comme cette cliente qui apporte déjà ses plats réutilisables quand elle commande des sushis.

Prévost s’est lancé il y a quelques années dans un « virage vert » qui comporte 150 actions, dont celle-ci.

« On y va par étapes, note Frédérick Marceau. On commence par aider, ensuite on adoptera peut-être un règlement pour obliger les citoyens à réduire leurs matières résiduelles, mais au moins, on aura une solution pour les aider à y arriver. »

Quand le système sera-t-il implanté ?

Les premiers plats réutilisables arriveront dans les commerces participants au printemps.

Écrivez-nous pour faire partager « vos idées vertes »