L’océan, l’un des deux poumons de notre planète avec les forêts, héberge des centaines de milliers d’espèces. Nos écosystèmes sont toutefois bouleversés par les activités humaines. Que se passerait-il si, demain, nous arrêtions de prélever les poissons de nos fleuves, lacs et mers ?

Difficile à prédire

L’interdiction dans les zones critiques et une forte réduction des quotas de pêche peuvent avoir des impacts significatifs sur la biodiversité. Mais cela prend du temps et les résultats demeurent difficiles à prédire, car les poissons ont une capacité beaucoup plus variable que les mammifères à se régénérer. Par ailleurs, les liens écosystémiques entre les espèces sont encore assez mal compris. « Sans pêche, nous devrions avoir un écosystème semblable à ce que l’on observe aujourd’hui pendant assez longtemps », dit Dominique Robert, professeur à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER).

La pêche, pas le seul coupable

La pêche n’est pas la seule responsable de la diminution des stocks de poisson. Alors que les eaux se réchauffent, les taux d’oxygène nécessaires à la survie des organismes diminuent. « La seule cessation de la pêche ne suffira pas à pallier les impacts majeurs d’autres activités et des pêches passées », lance Jean-Sébastien Moore, professeur de biologie à l’Université Laval. Ralentir ces processus implique un ensemble d’actions. Faut-il pour autant baisser les bras ? Non, répondent unanimement les experts interrogés.

Le « rahui », système de jachère ancestral pratiqué en Polynésie française, permet aux ressources marines et aux coraux de se régénérer en l’absence de pression humaine. Dans le monde, les aires marines protégées (AMP) ont le même objectif, mais elles ne sont pas assez bien gérées pour être efficaces, relèvent des chercheurs de l’Université de Colombie-Britannique. Le Canada a récemment annoncé l’interdiction du chalutage de fond – pratique extrêmement destructrice – ainsi que l’exploitation et l’exploration minière dans les nouvelles AMP fédérales.

Consultez l’étude publiée sur ScienceDirect (en anglais)

Le cas de la morue

Une grande morue peut pondre deux millions d’œufs par an, avec un taux de survie proche de zéro. En 1992, le Canada a imposé un moratoire sur la pêche à la morue du nord pour tenter de renverser l’effondrement des stocks, causé par la surpêche et une vague de froid. En vain. Leur nombre demeure faible et ne reviendra probablement jamais au niveau d’antan. « Quand des espèces disparaissent, d’autres foisonnent, souligne Dominique Robert. En l’absence de la morue, le sébaste a tiré le billet de loterie gagnant. » Ce poisson domine désormais les fonds du golfe du Saint-Laurent, à la surprise des scientifiques.

40 000

Nombre d’emplois perdus associés au moratoire sur la pêche à la morue, le plus important licenciement de l’histoire canadienne. Un arrêt de la pêche peut avoir des impacts très importants, notamment dans certaines communautés, par exemple chez les Inuits du Nunavut, qui en dépendent largement et la pratiquent depuis des millénaires.

Toujours plus dans l’assiette

PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

La demande mondiale de produits issus de la mer augmente.

La demande mondiale de produits issus de la mer augmente. La quantité moyenne de produits de la mer consommée sur le plan mondial s’élève à 20,2 kg/habitant, deux fois plus qu’en 1960. En 2020, une personne canadienne a mangé en moyenne 8,7 kg de poissons et de fruits de mer. Environ 38 % des produits de la mer consommés au pays le sont au Québec seulement. Or, près de 90 % des produits marins se retrouvant dans nos assiettes sont issus de l’importation. À l’inverse, 80 % des ressources locales sont exportées ailleurs au Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde, notamment pour des raisons logistiques.

Consultez le site Mange ton Saint-Laurent !

Et l’aquaculture ?

Et si on s’en remettait exclusivement à l’aquaculture pour combler notre appétit en poissons ? Pourrait-on épargner ceux qui vivent naturellement dans les cours d’eau ? « Toutes les espèces ne s’y prêtent pas, affirme Hugues Benoît, chercheur scientifique pour Pêches et Océans Canada à l’Institut Maurice-Lamontagne. Cela peut fonctionner avec quelques-unes qui se reproduisent vite. » Nourrir les poissons implique aussi de pêcher d’autres espèces, à l’inverse des mollusques, qui se nourrissent de plancton naturel. L’entassement des poissons favorise la propagation de maladies contre lesquelles des antibiotiques sont abondamment utilisés. Autre piste, la pisciculture – en bassin isolé – est moins dommageable pour l’environnement dans certaines conditions, mais coûteuse. Le gouvernement québécois prévoit doubler la production piscicole d’ici 2025.

1 %

Les provinces atlantiques assurent plus de 50 % de la production d’organismes aquatiques, contre 1 % pour le Québec. « L’eau gèle à de nombreux endroits en hiver et cela demande beaucoup de gestion », explique David Deslauriers, professeur d’écologie et physiologie des poissons à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski.