Transports et Mobilité durable Québec a été autorisé à détruire des milieux humides pour construire un stationnement destiné aux poids lourds dans le cadre des travaux de modernisation de la halte routière de Sainte-Anne-du-Sault, dans le Centre-du-Québec, a appris La Presse.

La halte en question, située entre les kilomètres 223 et 224 de l’autoroute Jean-Lesage (A20), en direction de Québec, verra son bâtiment d’accueil être reconstruit et son terrain entièrement réaménagé, avec l’ajout d’un parc canin et d’une aire de jeux pour enfants, entre autres.

C’est l’aménagement de stationnements pour « véhicules lourds » et « grands trains routiers » qui se fera en partie sur les milieux humides du site, montrent les plans inclus dans l’appel d’offres en cours visant à trouver une entreprise pour exécuter les travaux.

Le ministère des Transports et de la Mobilité durable « a payé une contribution de 105 318,87 $ en guise de compensation » pour la destruction permanente de 7876 m⁠2 de milieux humides, en plus de 61 m⁠2 de rive, a indiqué à La Presse Frédéric Fournier, porte-parole du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.

« C’est déplorable que l’argent des contribuables serve en 2024 à la destruction de milieux humides », a réagi l’avocate Camille Cloutier, du Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le gouvernement Legault a prévu des investissements de 150 millions de dollars entre 2022 et 2027 dans son Plan de modernisation des parcs routiers.

La Loi sur la qualité de l’environnement énonce qu’il faut d’abord chercher à éviter la destruction de milieux humides, puis la minimiser si l’éviter n’est pas possible, et finalement compenser toute destruction, rappelle-t-elle.

« L’aménagement du site a été fait afin d’éviter au maximum l’empiétement permanent dans les milieux humides », affirme le ministère de l’Environnement.

Valeur écologique

L’abattage des arbres a déjà été effectué sur le site, l’autorisation pour le faire ayant été délivrée le 18 janvier par le ministère de l’Environnement.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

L’abattage des arbres a déjà été effectué sur le site.

Le ministère des Transports n’avait pas transmis à La Presse la caractérisation des milieux humides, soit la description de la végétation et de l’hydrologie du site permettant de déterminer sa valeur écologique, au moment d’écrire ces lignes.

Ces informations se trouvent dans l’autorisation accordée par le ministère de l’Environnement, un document qui devrait être accessible dans un registre public en ligne en vertu de la réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement de 2017, mais Québec n’a toujours pas mis ce registre en place.

« C’est encore un exemple que le registre faciliterait beaucoup la transparence et l’accès à l’information pour la population […], alors que là, il faut faire des demandes d’accès à l’information qui peuvent prendre des semaines ou des mois, et même, quand c’est contesté, des années », a déploré Me Cloutier.

Mauvais signal

L’impact écologique de la destruction de ces milieux est « somme toute limité » en raison de la présence d’autres milieux humides en périphérie, estime le biologiste Alain Branchaud, directeur général de la section québécoise de la Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec).

« Mais ce n’est pas une bonne idée que le gouvernement envoie ce signal-là », qu’il suffit de compenser la destruction de milieux humides avec de l’argent, ajoute-t-il, rappelant que la pression sur les milieux humides est grande dans le Centre-du-Québec, notamment en raison de la forte présence de l’industrie de la canneberge.

IMAGE TIRÉE DU PLAN DE MODERNISATION DES PARCS ROUTIERS DU MINISTÈRE DES TRANSPORTS ET DE LA MOBILITÉ DURABLE

Image de synthèse de la future halte routière de Sainte-Anne-du-Sault

Québec devrait profiter de cette modernisation pour « protéger les alentours pour s’assurer qu’il n’y ait pas encore augmentation de la perturbation » à l’avenir, suggère M. Branchaud, qui évoque la création d’une petite aire protégée et sa mise en valeur au bénéfice des usagers de la halte.

« Ça peut absolument être utile pour la faune, pas la grande, mais les amphibiens, les oiseaux, dit-il. Ça nous prend des aires protégées qui agissent comme points de connectivité. »

Le gouvernement Legault a prévu des investissements de 150 millions de dollars entre 2022 et 2027 dans son Plan de modernisation des parcs routiers, destiné à retaper les « cabanes brunes » qui servent de haltes le long des routes et autoroutes de la province.