L'une des verrues urbaines les plus visibles du Vieux-Montréal pourrait bientôt disparaître, non sans que la Ville ait encaissé au passage une perte de 700 000 $. Deux immeubles patrimoniaux abandonnés depuis plus de 20 ans pourraient enfin être restaurés l'été prochain.

ABANDONNÉ ET DÉLABRÉ

Le 22-26, rue Notre-Dame Ouest détonne dans le quartier le plus touristique de la métropole. Depuis 2003, l'immeuble est complètement éventré, l'intérieur exposé à la pluie et à la neige. Le bâtiment, qui date des années 1870, a longtemps été couvert par une toile. Aujourd'hui, seule la façade avant tient toujours debout, soutenue par des poutres métalliques. Une clôture bloque l'accès au site. L'immeuble contigu, qui donne sur la rue De Brésoles, est abandonné aussi.

BIENTÔT EN CHANTIER

Si les plans du nouveau propriétaire des lieux se concrétisent, le bâtiment reprendra vie bientôt. « On pense être en chantier au début de l'été », affirme en entrevue Alberto Bernardi, propriétaire de Gestion Beralco. Cet entrepreneur et deux associés ont acquis l'immeuble de la Ville de Montréal en juin dernier. Ils projettent d'aménager des commerces au rez-de-chaussée et des logements locatifs aux étages.

DÉFI TECHNIQUE

Si l'immeuble est resté inoccupé si longtemps, c'est parce que sa restauration présente un défi de taille. La façade patrimoniale doit être préservée telle quelle. L'immeuble de la rue De Brésoles est le seul accès au chantier, et il est très étroit. On retrouve également des éléments architecturaux rares, comme des poutres et des colonnes en fonte, qui ne peuvent être remplacées si elles sont endommagées pendant la construction. « C'est un projet qui va être très dispendieux au niveau de la construction, dit M. Bernardi. Ça présente beaucoup de défis. »

CONDITIONS STRICTES

La Ville de Montréal a posé des conditions « excessivement strictes » à la vente de l'immeuble, dit l'entrepreneur. La vente se fait sans garantie légale et le promoteur dispose d'un délai de 42 mois pour lancer le chantier. Il doit collaborer avec le ministère de la Culture, vu l'importance patrimoniale de la façade. Il doit également payer des fouilles archéologiques sur le site, un exercice qui est déjà en cours.

FEUILLETON INTERMINABLE

La Ville de Montréal a été informée pour la première fois de la dégradation des immeubles en 1996. Des démarches d'expropriation ont été lancées en 2001. Elles ont cessé lorsque le propriétaire de l'époque, Harold Rosen, a soumis un projet de restauration. Les procédures ont repris en 2008 lorsque l'homme d'affaires, incapable de financer ses travaux, a renoncé à son projet. En 2010, la Ville de Montréal a acquis l'immeuble par expropriation pour 2,1 millions. La Ville a lancé deux appels de propositions pour revendre l'immeuble, mais aucun promoteur n'y a participé. M. Bernardi et ses associés sont les seuls à avoir présenté une offre lors du troisième concours, qui s'est terminé en juin.

PERTE IMPORTANTE

Alors dans l'opposition, Projet Montréal avait reproché à l'administration Tremblay d'avoir payé trop cher pour les immeubles appartenant à M. Rosen. Au bout du compte, la Ville les a revendus pour 700 000 $ de moins que ce qu'elle avait payé. À cela s'ajoutent des centaines de milliers de dollars payés par la Ville pour des travaux de stabilisation et de préservation. La transaction a été conclue dans les derniers mois de l'administration Coderre.

LA VILLE S'EXPLIQUE

Si la Ville de Montréal a accepté d'encaisser une perte, c'est parce que l'état de l'immeuble s'est dégradé entre le moment de son acquisition par expropriation et sa vente. « Entre 2011 et 2015, il y a eu un effondrement partiel de l'immeuble, ce qui a nécessité des travaux de démolition partiels et la sécurisation de l'immeuble, explique le porte-parole de la Ville, Gonzalo Nunez. Lors de l'appel public de soumission de 2016, l'opinion de la valeur marchande tenait compte de l'état actuel du bâtiment et des contraintes à la réalisation d'un projet. »

- Avec la collaboration de Vincent Larouche, La Presse

Photo Ivanoh Demers, Archives La Presse

L'immeuble est complètement éventré, l'intérieur exposé à la pluie et à la neige.

Photo Ivanoh Demers, Archives La Presse

Si les plans du nouveau propriétaire des lieux se concrétisent, le bâtiment reprendra vie bientôt. « On pense être en chantier au début de l'été », affirme en entrevue Alberto Bernardi, propriétaire de Gestion Beralco.