Le refus de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) de prélever une taxe annuelle de 50 $ par auto dans le 450 pour des raisons techniques suscite la suspicion et l’impatience dans le monde municipal, en panne de financement pour les transports en commun.

L’élargissement aux banlieues de la taxe sur l’immatriculation – déjà imposée depuis 10 ans aux Montréalais – a été voté en 2019 par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), mais n’a jamais été appliqué. Résultat : 400 millions de moins en quatre ans pour les transports en commun (TC), selon l’organisation.

Mardi, les élus montréalais ont officiellement contesté l’échéancier de la SAAQ, qui jure que son service informatique avait besoin d’un délai de cinq ans pour appliquer cette ponction fiscale, approuvée à la quasi-unanimité par les maires de la CMM. Le fait que cet obstacle technique ait émergé au moment où le ministre des Transports exprimait sa vive désapprobation à l’idée d’une nouvelle taxe fait froncer des sourcils dans les couloirs des instances du Grand Montréal, a pu confirmer La Presse.

Dans une motion adoptée par tout le conseil municipal, Montréal a demandé à la SAAQ de prélever cette taxe « dès 2023 ».

La demande a été faite en juin 2019, il faut l’appliquer dès que possible. Je ne suis pas un expert de l’informatique ou des données, mais je ne vois pas comment ça ne pourrait pas être fait en un an.

Craig Sauvé, élu qui a pris l’initiative de la motion

« Ça prend plus de financement, sans ça, on fonce dans un mur, sans ça, on ne pourra pas garder le TC comme une offre incontournable. Il y a des remèdes existants. Là, on est rendus à la troisième étape : il faut les appliquer », a dit Eric Alan Caldwell, président de la Société de transport de Montréal (STM), au conseil municipal. « Clairement, cette motion-là est un appel à la mobilisation, pour le maintien de l’offre de TC, pour que quand la CMM parle d’une voix, on applique les solutions. »

Problème informatique

La SAAQ est pourtant formelle. Dans un courriel, le porte-parole Mario Vaillancourt a invité la CMM à soumettre à nouveau sa demande d’élargissement de taxe sur l’immatriculation en 2024. « La modernisation de ses systèmes informatiques se poursuit, a-t-il écrit à La Presse. Les systèmes informatiques actuels datent des années 1980. »

Nous ne pouvons effectuer des modifications à nos systèmes patrimoniaux sans risquer de compromettre l’intégrité de nos données.

Mario Vaillancourt, porte-parole de la SAAQ

Les nouveaux systèmes devraient être prêts en 2023, mais « une période de rodage et de consolidation sera cependant nécessaire », d’où le report à 2024 de toute demande.

Le ministre des Transports du Québec, François Bonnardel, avait rejeté l’idée d’une nouvelle taxe sur les autos, en 2020. « C’est non. Il n’y aura pas de taxe de 50 $ pour les automobilistes des banlieues », avait-il affirmé.

Ces jours-ci, sa position est plus nuancée. « Notre gouvernement s’est engagé à ne pas augmenter le fardeau fiscal des Québécois et nous tenons au respect de cet engagement, a affirmé son cabinet dans une déclaration écrite. Cependant, la perception de ce revenu est une prérogative des municipalités et non du gouvernement du Québec. »

La CMM aussi

Du côté de la CMM, l’impatience se fait aussi sentir.

Denis Martin, maire de Deux-Montagnes et membre du comité exécutif de la CMM, a voté en 2019 en faveur de l’implantation de la taxe d’immatriculation dans le 450, comme 81 des 82 maires de l’organisation.

« Il n’y a aucune taxe qui ne plaît à aucun élu, ni à aucun citoyen, a-t-il dit en entrevue téléphonique. Ça ne fait pas plaisir à personne. » Mais les maires de banlieue (sauf un) ont été convaincus par les projections à long terme quant au financement des transports en commun du Grand Montréal et leur déficit d’entretien. « On a débattu pas mal, a ajouté le maire. On a pris la décision d’aller par cette voie-là. »

Quand il a appris que la SAAQ se disait incapable de percevoir cette taxe, Denis Martin « avait une interrogation ».

Cette taxe-là est déjà perçue à Montréal, donc je ne pense pas que ça prend un grand changement informatique.

Denis Martin, maire de Deux-Montagnes

Fin janvier, l’organisation a renouvelé sa demande au gouvernement du Québec pour une compensation qui pallierait l’incapacité de la SAAQ à percevoir cette taxe. La somme s’élève à 275 millions pour les années 2020-2022 et frôle les 400 millions en incluant 2023.

« Il va falloir les argents de façon autre, a dit M. Martin. Les besoins en transport sont là. »