La Société de transport de Montréal (STM) vient d’octroyer un contrat à une entreprise avec laquelle ses liens d’affaires ont tout récemment été dénoncés par le Bureau de l’inspecteur général (BIG). L’opposition officielle s’est dite lundi « scandalisée » par la situation.

Il y a quelques mois à peine, le conseil d’administration de la société de transport avait en effet résilié un contrat pour des services-conseils en rémunération et avantages sociaux avec l’entreprise Normandin-Beaudry, suivant les recommandations de Brigitte Bishop, inspectrice générale de la Ville.

À ce moment, il avait été découvert que la conjointe d’un chargé de projet de l’organisme public travaillait au sein de l’entreprise privée. Le chargé de projet responsable du dossier à la STM n’avait jamais informé ses supérieurs que sa conjointe avait un poste important au sein de la firme de services-conseils à qui trois contrats — qui étaient évalués ensemble à environ 1,7 million – étaient accordés. On avait alors suggéré une apparence de conflit d’intérêts.

Dans son rapport paru en mai, Mme Bishop avait jugé que c’est au sein même de la société que les contrats ont été mal gérés. La STM avait par la suite reconnu sa faute, jugeant avoir eu « une mauvaise compréhension et application, quoique non intentionnelle, de certains aspects du cadre normatif », en s’engageant à corriger le tir.

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Inspectrice générale de Montréal, Brigitte Bishop.

Le 5 juillet dernier, un nouveau contrat en rémunération et avantages sociaux a été confié à Normandin-Beaudry. Toutefois, les volets « rémunération » et « avantages sociaux » ont été scindés, affirme la STM. Normandin-Beaudry n’a obtenu que le premier des deux volets.

« L’employé qui était en apparence de conflit d’intérêts dans le premier contrat n’aura plus à traiter avec Normandin-Beaudry. Ce dernier intervient seulement pour le volet avantages sociaux, maintenant attribué à une autre firme, [soit Hub International Québec Limitée] », a indiqué par courriel le porte-parole de la STM, Philippe Déry, en assurant que les recommandations du BIG sont « en cours d’exécution ».

Des mesures d’encadrement

M. Déry affirme également que « des mesures d’encadrement ont aussi été mises en place pour la situation qui est survenue ». Une lettre « rappelant les règles éthiques » a aussi été envoyée à l’employé concerné.

Au total, seules deux firmes ont ultimement déposé une soumission pour le volet « rémunération » obtenu par Normandin-Beaudry. « Un appel d’offres est public et toute firme est en droit et légitimée de pouvoir soumissionner. La soumission de Normandin Beaudry lui a permis de se qualifier à titre de plus bas soumissionnaire conforme », ajoute M. Déry, rappelant qu’il s’agit d’un mandat « nécessitant une expertise spécifique » et « répondant à des besoins importants » pour la STM.

Le cabinet de la mairesse Valérie Plante n’a pas souhaité commenter le dossier lundi, référant les demandes à la STM. Dans les rangs de l’opposition officielle, le chef Aref Salem n’a toutefois pas mâché ses mots.

« Nous sommes scandalisés de voir que la Société de transport de Montréal n’apprend pas de ses erreurs. Ça fait trois fois en moins de 12 mois que la STM est blâmée par l’inspectrice générale. Pendant ce temps, le meilleur encadrement du contrôle du processus entourant l’octroi d’appel d’offres que nous réclamons se fait toujours attendre », a-t-il fustigé.

« L’administration de Projet Montréal doit exiger des correctifs à la STM et s’assurer qu’ils sont bien appliqués. Il en va de son devoir », a encore insisté M. Salem.

Selon le rapport du BIG, plusieurs personnes à l’interne auraient fait part de leurs inquiétudes quant à la légalité de certaines démarches avant la publication, mais l’information complète n’aurait pas été fournie au conseil d’administration de la STM.

En février 2022, un autre rapport du BIG avait par ailleurs noté des manquements « graves et sérieux » dans l’attribution de contrats de construction au nouveau centre de transport Bellechasse, une construction souterraine destinée à accueillir 300 autobus dans Rosemont-La-Petite-Patrie.

Avec Vincent Larouche, La Presse