Les Montréalais doivent s’attendre à une hausse salée de leur compte de taxes en 2023. Les budgets présentés cette semaine par la majorité des arrondissements prévoient des augmentations importantes des taxes locales, signe que les dépenses municipales n’échappent pas à l’inflation.

Jusqu’à présent, 12 des 19 arrondissements ont présenté leur budget, qui augmente en moyenne de 5 %.

Le financement des arrondissements provient principalement de deux sources : les transferts versés par la ville-centre et les taxes locales imposées aux résidants. Les taxes locales représentent moins de 10 % du total du compte de taxes foncières.

Or, l’administration Plante-Ollivier a décrété que les transferts de la ville-centre ne seraient augmentés que de 2 % pour 2023. Pour combler le manque à gagner, les arrondissements disent n’avoir d’autre choix que d’augmenter leur taxe locale, de 9 % en moyenne.

Combien représente cette hausse ? La somme supplémentaire à débourser pour un propriétaire dépend de son arrondissement et de l’augmentation de la valeur de sa propriété.

Quelques arrondissements ont donné des exemples de l’impact de la hausse de la taxe locale : à Anjou, le propriétaire d’une maison unifamiliale paiera 58 $ de plus ; dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, la hausse représente 41 $ en moyenne pour une unifamiliale ; à Saint-Laurent, on parle d’une facture supplémentaire de 60 $ pour un immeuble de cinq logements ou moins ; dans Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, la hausse atteindra 33 $ en moyenne pour un plex.

Dans Rosemont–La Petite-Patrie, le maire d’arrondissement François Limoges s’est dit fier de présenter « une planification budgétaire rigoureuse, qui prévoit notamment un gel du taux de la taxe locale ». Mais puisque la valeur des propriétés s’est accrue dans l’arrondissement, un gel du taux de taxation signifie tout de même une facture gonflée pour les propriétaires.

« Il ne faut pas partir en peur »

« Sur le compte de taxes moyen, la hausse représente moins de 1 % », fait valoir le maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Pierre Lessard-Blais. L’élu insiste sur le fait que l’augmentation de la taxe locale de 13,65 % décrétée par son arrondissement représente un montant moindre dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, où les valeurs foncières sont plus faibles, que dans un arrondissement plus riche.

« Il ne faut pas partir en peur », prévient aussi la présidente du comité exécutif de la ville-centre, Dominique Ollivier. « On comprend que chaque dollar compte ces temps-ci, mais il faut se rappeler que les taxes locales représentent vraiment un montant minime sur le total du compte de taxes. »

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Dominique Ollivier, présidente du comité exécutif de Montréal

Chaque conseil d’arrondissement est libre de déterminer le taux de sa taxe locale. Ce pouvoir a été introduit sous l’ancien maire Denis Coderre pour permettre aux administrations locales d’augmenter leurs revenus en sus des transferts accordés par la ville-centre. À l’époque, les arrondissements se plaignaient régulièrement de la difficulté à boucler leur budget. Ces taxes représentent désormais entre 15 et 20 % des revenus des arrondissements.

En plus des taxes locales, la plupart des arrondissements prévoient augmenter leurs tarifs de 3 %.

La ville-centre aurait-elle dû accroître plus substantiellement ses transferts aux arrondissements pour les aider à faire face à l’inflation ?

Dominique Ollivier rappelle que l’année dernière, la hausse des transferts n’avait été que de 1 %. « On a doublé l’indexation des transferts, en attendant de revoir la façon de les calculer, parce qu’il y a actuellement une distorsion entre les arrondissements », explique-t-elle.

De plus, une bonification des transferts aux arrondissements obligerait la ville-centre à aller elle-même puiser dans la poche des contribuables pour combler ce manque à gagner, ce qui reviendrait au même, fait-elle remarquer.

Le point d’équilibre

Les hausses des taxes d’arrondissement laissent-elles présager des augmentations semblables pour le reste du compte de taxes des Montréalais ?

La réponse se trouvera dans le budget de l’administration Plante-Ollivier, qui sera dévoilé dans les prochaines semaines. Valérie Plante a été réélue en 2021 en promettant de ne pas augmenter les taxes municipales au-delà de l’inflation.

On est conscients que la capacité de payer des Montréalais est limitée, et on va respecter cette limite. Mais les villes aussi font face à l’inflation, à la hausse des frais et à la rareté de la main-d’œuvre. La difficulté, c’est de trouver le point d’équilibre.

Dominique Ollivier, présidente du comité exécutif de Montréal

Elle rappelle que Montréal a gelé les taxes foncières pendant la pandémie, et qu’elles n’ont augmenté que de 2 % l’année dernière, tandis que l’inflation a atteint 6 %. « Depuis deux ans, on absorbe les effets de l’inflation, mais ça ne peut plus continuer comme ça », dit-elle.

Hausse « pas loin du taux d’inflation »

Les Montréalais feraient bien de se préparer à une hausse de taxes « pas loin du taux d’inflation », selon Danielle Pilette, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et spécialiste de la politique municipale.

Nous sommes dans une année postélectorale, alors s’il doit y avoir une augmentation, c’est maintenant le temps de l’imposer.

Danielle Pilette, professeure à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste de la politique municipale

Elle souligne aussi que, dans le dernier rôle d’évaluation montréalais, ce sont surtout les immeubles résidentiels qui ont pris de la valeur (+ 35,5 %). À l’autre bout du spectre, la valeur des bureaux (+ 6,5 %), des centres commerciaux (- 2,1 %) et des hôtels (baisse allant jusqu’à 15 %) n’a pas suivi la même tendance.

« Le nouveau rôle d’évaluation met donc plus de poids sur les propriétés résidentielles, ce qui fait que la taxation est de plus en plus supportée par les particuliers », dit Danielle Pilette.

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

Une correction a été apportée à la hausse des revenus de la taxe locale du Plateau-Mont-Royal. Celle-ci sera de 6 % en 2023 et non 13 %. Ce sont les autres revenus locaux, excluant la taxe locale, qui augmenteront de 13 %.