Chaque jour, ils sont au cœur du trafic routier. Les employés du Centre intégré de gestion de la circulation de Montréal (CIGC) surveillent quotidiennement l’évolution de la congestion. Rivés à leur écran, ils ont accès à plus de 450 caméras en temps réel, afin de dépêcher des ressources le plus rapidement possible en cas d’accident.

La Presse a passé la matinée sur place lundi, au moment où la fermeture partielle du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine s’amorçait.

« Ici, on voit un autobus sur la voie réservée. On va pouvoir le suivre en temps réel. » Assis devant son ordinateur, un employé discute avec la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, qui s’est assise à côté de lui. Elle est venue rendre visite au personnel du bureau, pour avoir le pouls de la situation, mais aussi pour « apprendre » comment ce genre de système fonctionne, confie son entourage.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La ministre Guilbault observe un employé en pleine action. Elle est venue visiter le Centre pour « apprendre » comment la machine fonctionne.

Une vision complète dans l’échangeur Turcot, une autre sur l’autoroute 25, ou sur le pont Jacques-Cartier : les caméras du ministère des Transports sont nombreuses et elles permettent de suivre un véhicule à la trace. Le téléphone sonne. « Quand c’est cette sonnerie-là, ce sont des lignes réservées au tunnel Louis-Hippolyte-Fontaine », affirme l’employé en se tournant vers la ministre Guilbault.

Dans cette grande salle rectangulaire et vitrée, c’est plutôt silencieux, à part le bruit de claviers, et quelques discussions ici et là. Tout près, dans une autre salle, des responsables de la Sûreté du Québec (SQ) sont aussi sur place, veillant au grain.

Chacun des employés, concentré sur plusieurs caméras à la fois, est sur le qui-vive. Si un accident survient, tous sont prêts. « Je suis l’ambulance en direct. Elle n’est pas à l’arrêt », lance l’un d’eux, en réaction à une scène de collision. « On dirait que les gens contournent le secteur », ajoute un autre.

Rapidité, efficacité

Cette scène fait partie du quotidien de Frédéric Ducharme, le chef des opérations du CIGC de Montréal, où 5 équipes d’environ 10 personnes sont en rotation, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. « On a deux principaux mandats : assurer la sécurité des gens et faciliter leur mobilité. Notre but, c’est toujours de détecter les situations, d’y affecter les ressources appropriées et de favoriser un rétablissement le plus vite possible […], en dedans de 30 minutes », explique-t-il en entrevue.

« Admettons qu’on a un accident dans le tunnel et que la capacité de l’écoulement du tronçon est menacée. Si on a besoin de fermer le tube, je n’attendrai pas qu’il y ait quelqu’un rendu sur place pour qu’il fasse une évaluation », illustre M. Ducharme.

Pour Frédéric Ducharme, la force de ces caméras intelligentes est que la majorité d’entre elles, soit environ 95 %, se chevauchent en temps réel.

« Si j’ai une caméra qui témoigne d’une congestion et que j’aperçois une courbe dans la route, je vais avoir une autre caméra plus loin. Ça devient plus facile d’identifier la cause d’un accident que si une caméra est toute seule dans le champ, avec des arbres qui cachent, où on voit seulement le trafic. On serait alors obligés d’envoyer un patrouilleur pour savoir ce qui se passe. Là, on sait quelles unités peuvent réagir », poursuit-il.

Une évolution dans le temps

Plus de 450 caméras, c’est beaucoup, mais ça n’a pas toujours été le cas, se remémore le chef aux opérations, arrivé en 2002. « À l’époque, le MTQ avait déjà un bureau qui gérait la circulation au début des années 1990 sur Crémazie. Il y avait une quarantaine de caméras et huit panneaux à message variable. On surveillait alors surtout ce qu’on appelle le fer à cheval : l’autoroute Décarie, l’autoroute 25 et la 40 entre les deux, avec la 720 et le tunnel Ville-Marie. Puis, au fil des projets routiers, on a vu une hausse », raisonne-t-il.

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Plus de 450 caméras, c’est beaucoup. Il y a de l’action au CIGC.

Aujourd’hui, on compte quatre CIGC à travers le Québec ; celui de Montréal occupe environ 55 % des ressources. Un autre gros centre est situé à Québec, et couvre toute la région en allant vers l’est et le nord. Deux autres quartiers généraux sont aussi en place depuis quelques années, à Trois-Rivières et Gatineau. Ce dernier couvre l’Outaouais, mais aussi l’Abitibi-Témiscamingue et Lanaudière.

La fermeture partielle du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine est certes « inédite », mais elle arrive dans un contexte particulier, estime Frédéric Ducharme. « Depuis l’ouverture du pont Olivier-Charbonneau sur la 25, on remarque un achalandage presque constant à partir de 5 h 30, jusqu’à 19 h le soir. Auparavant, on parlait uniquement des périodes de pointe. C’est vraiment lourd d’une façon constante », dit-il.

« Effectivement, là, c’est inédit », poursuit le cadre du Ministère. « Ça va être fermé pendant trois ans et c’est un tube en bidirectionnel, alors qu’auparavant, on fermait une direction au complet. Les gens se disaient alors : je ne peux pas passer, je vais faire le tour. Mais là, beaucoup de gens vont se dire que ça va passer quand même. Et ils vont continuer à y aller, malgré le fait qu’on incite les gens à passer ailleurs ou à trouver des solutions de rechange », conclut M. Ducharme.