La présidente sortante de CARE Montréal a porté plainte à la police, a appris La Presse, dénonçant l’utilisation de fonds publics destinés à l’itinérance pour payer – entre autres – le ménage du domicile et du bateau du fondateur de l’organisme.

Ce dernier fait valoir qu’il s’agit d’erreurs de facturation.

Catheryn Roy-Goyette a démissionné de la tête du conseil d’administration de CARE Montréal mi-décembre. L’organisme, dont la taille a explosé avec la pandémie, reçoit une dizaine de millions en fonds publics par année pour offrir un toit à 250 personnes en situation d’itinérance chaque nuit.

Mme Roy-Goyette a confirmé cette semaine à La Presse avoir rencontré le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) juste avant Noël, afin de porter plainte « pour que les autorités compétentes puissent évaluer pleinement la situation et les mesures à prendre ».

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Catheryn Roy-Goyette

« L’ensemble des documents pertinents ont été déposés au SPVM », a-t-elle ajouté, en entrevue téléphonique.

L’ex-dirigeante a indiqué avoir remis à la police des documents montrant que l’entreprise d’entretien ménager utilisée par CARE Montréal avait facturé à l’organisme du travail effectué au domicile du fondateur Michel Monette, à celui de son fils, ainsi que sur son bateau, mi-2022.

M. Monette était alors directeur général de CARE Montréal. Il a quitté ses fonctions en août 2022, mais sa congrégation contrôle toujours l’organisme.

La police a aussi reçu copie d’une facture de location d’auto payée par CARE Montréal, mais utilisée à des fins personnelles par M. Monette.

En démissionnant, Mme Roy-Goyette avait évoqué des « irrégularités préoccupantes » dans la gestion de CARE. Un rapport comptable faisait notamment état de centaines de milliers de dollars en dépenses qui profitaient indirectement ou directement à des membres du conseil d’administration.

« Je ne vais pas scrapper ma réputation pour 5000 $ »

Michel Monette, qui a créé CARE Montréal en 2017 avec des membres de son Église mennonite, dément toute allégation de malversations financières.

Le 16 décembre, en entrevue avec La Presse, il avait commenté l’allégation liée à l’entreprise d’entretien ménager. « C’est du grand niaisage, c’est du grand n’importe quoi. Je suis en affaires depuis que j’ai 15 ans, j’ai d’autres entreprises que CARE Montréal », avait-il affirmé. « Je ne vais pas scrapper ma réputation pour 5000 $, c’est une erreur de facturation. »

Il n’y a rien d’illégal dans ce que j’ai fait.

Michel Monette, fondateur de CARE Montréal

M. Monette a affirmé qu’il avait signalé l’erreur à sa femme et était sur le point d’avertir CARE Montréal lorsque le conseil d’administration a mis la main sur la facture problématique. Elle a été utilisée pour justifier son congédiement, en août dernier, a-t-il relaté : « On m’a jeté comme une vieille chaussette. »

Cette semaine, c’est l’avocat de M. Monette qui a répondu en son nom aux questions de La Presse. Il a réitéré qu’il s’agissait d’« erreurs de facturation » que M. Monette a remboursées ou – dans le cas de l’entretien ménager – se dit prêt à rembourser après réception d’une demande chiffrée.

Quant à la présidente sortante et dénonciatrice, « on se questionne sur sa bonne foi » en raison du délai entre le moment où elle a pris connaissance des factures et sa plainte à la police, a dit MPierre-Paul Bourdages. « Ce sont les instructions que j’ai eues de lui transmettre une mise en demeure. »

« Grand malaise »

La plainte de Catheryn Roy-Goyette à la police est le dernier chapitre dans la crise qui secoue CARE Montréal depuis quelques semaines. L’organisme fait l’objet d’une lutte de pouvoir entre l’Église qui l’a fondé et les partisans de sa dissolution au sein du CAP St-Barnabé – autre organisation caritative d’Hochelaga-Maisonneuve.

Les deux organismes ont planifié leur fusion pendant plusieurs mois, selon des plans qui ont varié au fil du temps. Mi-décembre 2022, une assemblée publique des membres de CARE Montréal a étudié la possibilité de dissoudre l’organisme et de transférer ses actifs au CAP St-Barnabé. La majorité des membres ont accepté, mais l’Église de M. Monette – qui détient un droit de veto – a refusé.

Dans les jours suivants, Mme Roy-Goyette a démissionné de son poste et les gestionnaires de l’organisme ont collectivement exprimé leur « grand malaise » face à l’intervention d’un groupe religieux dans les affaires d’un organisme communautaire. Les employés, en négociation collective, ont aussi manifesté.

Après quelques années à faire fonctionner une petite halte-chaleur dans une église, CARE Montréal a pris rapidement de l’expansion au cours de la pandémie de COVID-19 et est devenu, en deux ans, un acteur important de la lutte contre l’itinérance à Montréal.