La Ville de Laval poursuit pour 9 millions de dollars plusieurs individus et entreprises qui auraient participé à des stratagèmes frauduleux pour obtenir des contrats municipaux, sous l'administration de l’ancien maire Gilles Vaillancourt, dans la gestion de dépôts à neige et les services d’architectes paysagistes, et lors de ventes de terrains.

« On poursuit dans des nouveaux domaines dont on a peu parlé pendant la commission Charbonneau », explique le maire de Laval, Stéphane Boyer, en entrevue. « À l’époque, la corruption et la collusion étaient beaucoup dans les domaines de l’ingénierie et des chantiers de voirie. Mais on élargit maintenant la portée de nos actions. »

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Le maire de Laval, Stéphane Boyer

Les quatre poursuites déposées en décembre dernier visent plusieurs proches de Gilles Vaillancourt et des entreprises. Les faits reprochés remontent à plus de 20 ans, mais Laval veut envoyer le message que « la lutte [contre] la corruption se poursuit et qu’on ne baisse pas les bras », dit M. Boyer, en rappelant que Laval a déjà récupéré 57 millions ces dernières années grâce à son équipe affectée à cette tâche.

Six individus proches de l’ancien maire Gilles Vaillancourt sont poursuivis pour 6 millions, parce qu’ils auraient facilité les systèmes de corruption et de collusion et y auraient participé.

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L’ex-maire de Laval Gilles Vaillancourt, en 2013

Il s’agit de Claude de Guise, ancien directeur du Service de l’ingénierie, Jean Gauthier, ex-notaire, Jean Bertrand, ex-avocat, Pierre Lambert, ex-avocat qui aurait caché de l’argent provenant des dons illégaux au parti de Gilles Vaillancourt, Robert Talbot, ancien avocat de la famille Vaillancourt, et Guy Vaillancourt, homme d’affaires et frère de l’ancien maire.

Procès Honorer

Dans le cadre du projet Honorer, les six hommes ont fait l’objet d’accusations criminelles, déposées en 2016 et 2017. « Aux dires de l’honorable James Brunton, ayant présidé le [projet] Honorer, la preuve dans le cadre de ce procès a révélé l’existence de vastes complots, le nombre de conspirateurs variant de 50 à 60, et que le maintien du Système dépendait du silence des participants. Selon ce même jugement, il est permis de prétendre que le Système est l’un des pires, sinon le pire, exemple de corruption municipale qui s’est retrouvé devant un tribunal canadien », rappelle la poursuite de la Ville.

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Claude de Guise, ancien directeur du Service de l’ingénierie de la Ville de Laval, au palais de justice de Laval, en 2017

Claude de Guise et Jean Gauthier ont plaidé coupable lors de ce procès, admettant leur participation au système de corruption. Claude de Guise avait été condamné à une peine de 30 mois d’emprisonnement ferme et Jean Gauthier, à une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour purgée dans la collectivité, plus une amende de 100 000 $.

Jean Bertrand, Robert Talbot, Pierre Lambert et Guy Vaillancourt ont bénéficié d’un arrêt du processus judiciaire en raison de trop longs délais.

Terrain au rabais

La succession de l’homme d’affaires Giuseppe Borsellino, mort en 2021, est poursuivie pour 758 000 $. En complotant avec le maire Vaillancourt et le directeur général de la Ville, M. Borsellino aurait acheté un terrain municipal pour une fraction de sa valeur marchande, en 2000-2001, indique la poursuite. En échange de cette faveur, le magnat de l’immobilier aurait vendu un terrain au rabais au directeur général Claude Asselin.

Selon une enquête journalistique publiée par La Presse en 2010, Laval aurait perdu 2,5 millions dans cette affaire, et le rabais consenti au directeur général aurait atteint 50 000 $.

Une autre poursuite vise deux urbanistes, Daniel Arbour et Michel Collins, et d’autres personnes qui auraient augmenté les montants de leurs soumissions, dans le cadre de contrats d’architectes paysagistes truqués. Des parts de marché étaient préétablies par Gilles Vaillancourt, allègue la poursuite.

La Ville réclame près de 500 000 $ aux deux urbanistes ainsi qu’à Élise Beauregard, à Louis Beaupré, à Beaupré et associés et au Groupe IBI/DAA.

« Organisation criminelle »

L’entreprise Nepcon, à qui Laval réclamait déjà 9 millions, est poursuivie pour 2 millions additionnels, parce qu’elle aurait bénéficié de contrats truqués pour la gestion des dépôts à neige, entre 1998 et 2009. Rose Mergl, Ronnie Mergl et la succession d’Anthony Mergl sont aussi visés par la poursuite.

« Le Système était clandestin et opérait sous le modèle d’une organisation criminelle qui infiltre les structures légales existantes pour les exploiter à son profit, sans que la Ville de Laval en ait connaissance », dénonce la poursuite.