Des membres de la communauté universitaire de McGill souhaitent que le gouvernement se penche sur la présence d’amiante dans plusieurs pavillons du campus Macdonald, dont la découverte en février à la suite de travaux de rénovation avait forcé une fermeture précipitée.

La direction de l’établissement a rencontré vendredi la communauté universitaire pour faire le point sur la présence d’amiante découverte sur le campus Macdonald, dans la foulée de la rénovation du pavillon Raymond. Deux autres pavillons interconnectés, soit les bâtiments Barton et Macdonald-Stewart, ont aussi été fermés début février.

Mais les explications fournies par l’Université ne satisfont pas Sean Cory, président de l’Association des employés de recherche de l’établissement.

« On a encore beaucoup de questions sur ce qui s’est passé, parce qu’il est connu que ces bâtiments contiennent de l’amiante, dénonce-t-il. Et McGill n’a pas expliqué ce qui a causé sa diffusion. »

Si ça s’est passé ici, et qu’ils s’en sont rendu compte par chance. Qu’est-ce qui nous dit que ce n’est pas déjà arrivé dans le passé ? Ou que ça ne va pas se reproduire ?

Sean Cory, président de l’Association des employés de recherche de l’Université McGill

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le campus Macdonald de l’Université McGill, à Sainte-Anne-de-Bellevue

Le campus Macdonald est situé dans un secteur agricole de Sainte-Anne-de-Bellevue, ville de l’ouest de l’île de Montréal. Samedi matin, des étudiantes et employés vont et viennent à l’entrée des bâtiments de briques brunes dans la tradition des campus anglo-saxons. Munis de masques protecteurs, ils doivent s’assurer que les recherches qui se déroulent entre ces murs se poursuivent malgré tout, a constaté La Presse.

« Je pense qu’on a reçu un très bon soutien de l’Université », a estimé sur place la doctorante Noura Alsarawi, âgée de 30 ans. Avec son masque, elle affirme ne pas être inquiète pour sa santé.

« Je ne m’y connais pas trop, mais j’ai l’impression que l’Université fait ce qu’elle peut pour assurer notre sécurité », estime aussi Christina Lozi, une employée qui s’occupe des souris et des poissons destinés à la recherche.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Trois pavillons du campus Macdonald ont été fermés en raison de risques d’exposition à l’amiante. Seules des activités essentielles y sont permises.

Un problème plus large

« Tous travaux qui sont susceptibles de déplacer de l’amiante ou qui visent à retirer de l’amiante doivent être exécutés selon les normes régissant ce type de travaux », a confirmé à La Presse le service des relations avec les médias de l’Université McGill.

L’Université n’a toutefois pas expliqué comment le minéral pouvait, dans ce cas, s’être retrouvé dans les trois pavillons.

La situation à l’Université McGill n’est pas sans rappeler la mort de deux employés de l’Université de Montréal (UdeM) en 2020 et 2021 d’un cancer lié à l’exposition au minéral.

La présence d’amiante et les travaux de désamiantage réalisés au fil des ans à l’UdeM étaient responsables de ces décès, a tranché la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

Mercredi dernier, M. Cory a envoyé un courriel au ministère de l’Enseignement supérieur, dénonçant le manque de transparence, à son sens, de l’Université McGill. Il a aussi demandé qu’une enquête soit ouverte sur la présence d’amiante dans les universités québécoises.

« Je pense qu’on doit faire face à cette situation de façon plus large, et non pas juste régler le problème dans ces pavillons-là, dit-il. Peut-être, par exemple, devrait-il y avoir des tests plus réguliers dans les bâtiments qui contiennent de l’amiante. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Au passage de La Presse samedi matin, un employé de l’Université McGill était stationné à l’entrée du pavillon Macdonald-Stewart pour faire signer un registre aux étudiants et employés qui devaient s’y rendre.

« Sous les seuils réglementaires »

McGill a reçu récemment les résultats des 28 tests d’analyse de la qualité de l’air menés ce mois-ci dans les pavillons Barton et Macdonald-Stewart, a indiqué l’Université par courriel. Dans tous les cas, « les seuils réglementaires étaient respectés », soutient-elle, sans donner plus de détails sur le niveau de ces « seuils ».

« Nous sommes encouragés par les résultats préliminaires qui, à ce jour, n’ont pas révélé de données préoccupantes », poursuit l’Université.

La notion de « seuil » d’exposition à l’amiante est contestée. En avril dernier, la CNESST a abaissé la norme d’exposition à l’amiante1 dans l’air au Québec à 0,1 fibre/cm3.

« Pour la CNESST, l’amiante, c’est tolérance zéro, et l’adoption de cette norme d’exposition au regard de la concentration de l’amiante dans l’air s’inscrit dans cet objectif important », affirmait alors Manuelle Oudar, présidente-directrice générale de l’organisme.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le pavillon Raymond du campus Macdonald

Auparavant, la norme au Québec était de 1 fibre/cm3, soit « 100 fois plus élevée que celle qui prévaut aux Pays-Bas, en Suisse et en France et dix fois supérieure aux normes de l’Union européenne (IFA) et d’autres provinces canadiennes (Carex Canada) », selon le site internet de l’Institut national de santé publique du Québec.

« La santé et la sécurité de notre communauté sont notre priorité absolue, affirme l’Université McGill. Dès que les résultats des tests nous auront été acheminés et que des décisions auront été prises à l’égard des mesures mises en place pour régler ce problème, nous informerons la communauté. »

Mais pour M. Cory, « il n’y a aucun seuil sécuritaire d’amiante. Le seul niveau acceptable devrait être zéro, parce que n’importe quelle quantité [de fibres] dans l’air, c’est trop ».

Les dangers de l’amiante

Les fibres d’amiante dans l’air peuvent causer des maladies pulmonaires chroniques, comme le mésothéliome (une forme rare de cancer qui touche l’enveloppe des poumons ou celle des organes situés dans l’abdomen), le cancer du poumon et l’amiantose. « Toute exposition à l’amiante peut causer des problèmes de santé. Plus une personne est exposée à l’amiante, plus elle risque d’avoir des problèmes de santé », selon le gouvernement du Québec.

1. Consultez le site de la CNESST
En savoir plus
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    Nombre de décès liés à l’amiante sur les 116 décès par maladie professionnelle au Québec en 2020
    Source : Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail