Le chapitre montréalais de Direct Action Everywhere (DxE Montréal), qui milite contre l’élevage animal, a revendiqué l’accrochage des trois porcs gelés trouvés sous des viaducs de l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie tôt jeudi matin. Onze des militants de ce groupe avaient été reconnus coupables d’introduction par effraction dans une porcherie en avril 2022.

Où ces animaux étaient-ils suspendus au juste ?

Le premier porc a été trouvé accroché au viaduc qui passe au-dessus de Christophe-Colomb, près de Des Carrières, à la suite d’un appel reçu au 911 vers 3 h 30 jeudi, indique le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Les deux autres ont été aperçus par des policiers en patrouille dans les heures suivantes. Le deuxième a été repéré vers 5 h au-dessus de Papineau, toujours près de Des Carrières, et le troisième au-dessus de De Lorimier, près de Dandurand.

Pourquoi une telle mise en scène ?

« Dans la situation extrême dans laquelle on vit, où on tue des animaux alors que ce n’est pas nécessaire, ça prend des actions qui peuvent sembler extrêmes », explique Nathe, un porte-parole de DxE Montréal rencontré vendredi. Nathe, qui demande à être identifié seulement par son prénom, dit ne pas avoir participé à l’opération et en être seulement le porte-parole.

PHOTO FLORIAN LEROY, COLLABORATION SPÉCIALE

Nathe, porte-parole du groupe militant végane DxE Montréal

Et que fait la police ?

« L’enquête se poursuit, mais il n’y a pas d’arrestation ni personne d’identifié positivement en lien avec cet évènement », nous a répondu une porte-parole du SPVM, Caroline Chèvrefils, vendredi. Le SPVM n’a cependant pas voulu préciser s’il avait des suspects. « Ce n’est pas parce que la personne s’est identifiée comme l’auteur de ces gestes qu’on l’accuse automatiquement ou qu’on l’identifie automatiquement comme suspecte. »

Et avant, c’est une porcherie entière qui a été ciblée ?

En décembre 2019, 12 militants de DxE ont pénétré dans la Ferme Porgreg, à Saint-Hyacinthe, où ils ont tourné des vidéos. Devant leur refus de quitter les lieux, le propriétaire a appelé la police. En avril 2022, les 11 militants qui étaient majeurs au moment des faits ont été reconnus coupables d’introduction par effraction ayant causé des méfaits. La Couronne a demandé une peine avec sursis (ce qui leur vaudrait un casier judiciaire) accompagnée d’une probation de deux ans et de 150 heures de travaux communautaires. L’affaire doit revenir en Cour en avril prochain.

Ils ont une fixation sur les porcs ?

Ç’aurait pu être n’importe quel animal, assure Nathe. « Il n’y avait pas de lien entre les deux, mais l’intervention auprès de la porcherie était aussi un acte de dénonciation. » L’Union des producteurs agricoles (UPA) n’a pas pris de risque. En mai 2020, le syndicat qui représente les agriculteurs de la province a obtenu une injonction interdisant à DxE Montréal et à toute personne reliée au groupe de manifester sur la propriété d’un producteur agricole. DxE Montréal et les militants qui sont entrés dans la porcherie ont aussi l’interdiction de s’approcher à moins de 200 mètres d’une propriété agricole sans autorisation.

Donc les éleveurs sont tranquilles ?

L’UPA souhaite que les 11 militants reconnus coupables aient un dossier criminel. « Ils sont contre l’élevage et la consommation de viande, et décident de prendre des moyens criminels pour faire valoir leur point », a dénoncé le directeur général de l’organisation, Charles-Félix Ross, vendredi. « On ne peut se faire justice soi-même : même les policiers ne peuvent pas entrer sans mandat. C’est de l’intimidation ! » L’UPA a formé et informé ses membres sur le militantisme végane, et demandé à la Sûreté du Québec d’intervenir rapidement si une autre action se produisait dans une ferme en région.

C’est pour ça qu’on nous amène des corps de porcs morts en ville ?

Selon le porte-parole de DxE, « le but de cette action est de sensibiliser les gens, de leur faire réaliser que quand on paye pour des produits animaliers, on crée de la souffrance animale qui n’est pas justifiable parce qu’on a d’autres options ».

Le moyen n’est-il pas plus rebutant que convaincant ?

« Le lien est super simple à faire : quand tu payes, les animaux meurent, c’est aussi simple que ça », plaide Nathe. Le simple fait que leur intervention ait suscité une entrevue « prouve que ça a un impact », estime-t-il. « L’important, c’est qu’on parle et après, nous, on peut commencer à avoir des discussions autour de ces sujets. C’est un peu une façon de démarginaliser le véganisme. »

C’est une première cette année ?

Non, Nathe a lui-même manifesté contre l’utilisation de produits laitiers et d’œufs au restaurant végétarien Végo, rue Saint-Denis, en janvier. Il y dénonçait l’insémination artificielle des vaches laitières, l’abattage des veaux et le fait qu’on « broie des poussins mâles vivants pour que les gens consomment des œufs ».

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE DXE MONTRÉAL

Nathe lors d’une action au restaurant végétarien montréalais Végo, en janvier dernier

Un resto végé ? Pourquoi cibler des gens qui mangent déjà moins de viande ?

« Moins d’exploitation animale », ce n’est pas « aucune exploitation animale », souligne Nathe. « Le but est d’abolir l’exploitation animale non nécessaire. C’est correct que des gens ne soient pas d’accord avec nos actions, mais on est là pour en parler. » La police n’est pas intervenue durant cette manifestation ; le 911 n’a même pas reçu d’appel, nous a dit le SPVM.

Lisez « Introduction dans une porcherie : des militants véganes reconnus coupables »