Le SPVM a confié l’un de ses plus gros dossiers de santé et sécurité au travail à un officier qualifié de « harceleur » par le service des ressources humaines de la Ville de Montréal, a appris La Presse.

L’inspecteur-chef Costa Labos, ancien patron des affaires internes au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), a fait l’objet en 2020 d’un rapport dévastateur.

Le mis en cause [Costa Labos] a manqué à ses obligations et responsabilités les plus élémentaires en matière de santé et sécurité au travail et, plus largement, de respect de la personne. Non seulement n’a-t-il pas protégé les policiers visés, en qualité de cadre hiérarchique, pire encore, il est un harceleur.

Rapport du service des ressources humaines de la Ville de Montréal

Le rapport se penchait sur le comportement de M. Labos envers d’autres policiers pendant et après l’enquête Escouade, sur les fuites médiatiques au SPVM. C’est dans le cadre de cette enquête que la police avait obtenu un mandat pour espionner le chroniqueur Patrick Lagacé.

« Les signalements pour harcèlement psychologique faits à l’encontre du mis en cause sont fondés, en fait et en droit », conclut le document confidentiel, dont nous avons obtenu copie.

Or, le même Costa Labos lance aujourd’hui des procédures judiciaires du SPVM dans un important dossier qui l’oppose à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et à la Fraternité des policiers au sujet de la sécurisation des dizaines de stationnements des postes de quartier. Les policiers s’inquiètent d’être attaqués avant le début de leur quart ou après.

Le SPVM a refusé la demande d’entrevue de La Presse. Le corps policier « ne fera aucun commentaire public sur un document confidentiel émanant de la Division du respect de la personne du Service des ressources humaines de la Ville », indique son service des communications.

La Fraternité des policiers, elle, dénonce cette contradiction apparente. « C’est aberrant, a affirmé en entrevue téléphonique le président Yves Francœur. Jamais on ne permettrait à un policier dans la même situation d’agir ainsi. C’est du deux poids, deux mesures. »

Une déclaration sous serment

Costa Labos a été suspendu de ses fonctions pendant près de cinq ans, de 2017 à 2022, dans la foulée du dossier Escouade. Il a été réintégré l’an dernier au sein de la direction des affaires corporatives de l’organisation.

C’est au sein de cette direction qu’il mène le dossier de la sécurisation des stationnements des postes de police, une revendication de longue date de la Fraternité des policiers. L’inspecteur-chef Labos a notamment signé une procédure judiciaire déposée la semaine dernière devant la Cour supérieure du Québec dans ce dossier.

Le SPVM cherche à contester une décision de la justice qui lui accorde seulement six mois pour évaluer les risques auxquels ses policiers s’exposent en garant leurs voitures personnelles dans des stationnements non protégés. Le délai est « clairement déraisonnable et insuffisant », plaide la Ville.

C’est M. Labos qui a fourni la déclaration sous serment à l’appui de la procédure. « J’ai lu la présente demande et tous les faits qui y sont allégués sont vrais au meilleur de mes connaissances, a juré M. Labos par écrit. Dans le cadre de mes fonctions, j’ai connaissance de toutes les étapes ayant été accomplies par la [Ville] afin de se conformer. »

Suspensions et réintégrations

Le rapport d’enquête du Service des ressources humaines de la Ville de Montréal a été signé le 6 novembre 2020 par Raynald Lamontagne, conseiller spécialisé à la Division respect de la personne.

Son travail faisait suite à un grief syndical déposé au nom de cinq policiers suspendus en 2016 dans la foulée de l’enquête Escouade. Ils ont été réintégrés en 2021.

Les policiers alléguaient que « la direction du SPVM, avec la complicité concertée des affaires internes, a choisi de se servir du système judiciaire à des fins disciplinaires et organisationnelles, si ce n’est à des fins vindicatives, purement et simplement ». En transformant leur enquête disciplinaire sur les fuites médiatiques en enquêtes criminelles, Costa Labos et ses hommes rendaient possible l’obtention de mandats de perquisition ou de surveillance électronique.

La façon dont Costa Labos et certains de ces hommes se sont comportés pendant et après l’enquête Escouade est condamnable, selon ce rapport.

« Nous sommes également d’avis que le mis en cause [Labos] a manqué à son obligation de loyauté envers l’employeur en entachant l’image et la réputation du SPVM et, plus largement, celles de la Ville », indique la lettre. « Il s’est lui-même placé en situation de conflit éthique, contrevenant ainsi au Code de conduite et aux autres normes policières prévues en la matière. »

« Il y a lieu de préciser qu’il ne nous a pas été permis d’avoir accès aux explications du responsable de la direction des affaires internes, au moment des faits allégués, soit le mis en cause [Labos], ce dernier ayant refusé de collaborer à l’enquête », précise la lettre.

Avec la collaboration de Daniel Renaud, La Presse