La Sûreté du Québec (SQ) recrute plus que jamais au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), malgré la pénurie criante de policiers dans la métropole, selon des données obtenues par La Presse.

Soixante-douze policiers ont démissionné du Service de police de la Ville de Montréal l’an dernier, un record récent. La moitié ont quitté le SPVM pour travailler à la SQ, un autre quart se sont tournés vers d’autres corps de police.

Ces informations sont contenues dans un document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. « Les données ont été recueillies sur une base volontaire des policiers exclusivement », a indiqué le SPVM à La Presse.

La SQ fait valoir qu’elle ne peut pas empêcher les policiers du SPVM de lui soumettre leur candidature.

« Il est possible qu’il y ait des gens qui sont engagés qui proviennent de différents corps policiers au Québec, comme quelqu’un de notre organisation pourrait orienter sa carrière ailleurs », a déclaré la porte-parole Ann Mathieu. « Ce sont de libres choix. Ça appartient à chacun d’orienter sa carrière, que ce soit dans un corps de police ou dans une autre sphère d’activité. »

« Nous sommes évidemment toujours déçus lorsque des démissions surviennent au profit d’autres organisations policières », a expliqué la police montréalaise dans une déclaration transmise par courriel. « Cependant, plusieurs reviennent vers nous quelques années plus tard, car le SPVM est un employeur de choix. »

Des recrues beaucoup mieux payées

Le responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal, Alain Vaillancourt, n’a pas voulu accabler le corps de police provincial.

« Nos efforts à nous sont vraiment concentrés sur [l’objectif de] rendre le SPVM attractif », a-t-il affirmé en entrevue téléphonique. « Il y a quand même plus de 4000 policiers à Montréal, et dans tous les corps de police, il y a une grande mobilité, pas juste au SPVM. »

M. Vaillancourt se dit encouragé par l’arrivée récente d’un groupe de plus de 70 recrues faisant partie d’une cohorte « spéciale Montréal » de l’École nationale de police.

La conclusion d’une nouvelle convention collective prévoyant des augmentations de rémunération globale de 20 % sur cinq ans fait partie des moyens pour attirer et garder les recrues dans la métropole, a ajouté l’élu. La Presse a rapporté la semaine dernière que la Ville de Montréal avait été beaucoup plus généreuse que prévu avec ses policiers, en dépassant largement le cadre financier qu’elle s’était donné en début de négociation.

« Le SPVM redevient un corps de police réellement attractif au Québec, a d’ailleurs fait valoir la police de Montréal. Cette entente est historique en termes d’efforts et de considération de la Ville de Montréal à l’égard de ses policiers et policières. La bonification des conditions d’embauche et de travail de ceux et celles qui sont actuellement en emploi aura sans aucun doute un effet positif sur le recrutement et la rétention du personnel. »

Yves Francœur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal (FPPM), a lui aussi souligné l’importance des conditions de travail.

Avant la nouvelle convention, une recrue du SPVM gagnait environ 12 000 $ de moins qu’une recrue de la SQ, a-t-il calculé. À présent, « à l’embauche, on passe en avant de Laval, de la Sûreté du Québec et de Longueuil ». Parce qu’en plus des hausses prévues à l’entente, le nouveau chef Fady Dagher a augmenté la rémunération des nouveaux policiers « de près de 30 % », assure la police, qui vante les mérites de son chef. « Il est rapidement passé de la parole aux actes. »

« Retour en région »

Mais le SPVM est aussi victime d’une vague de fond, a ajouté M. Francœur : le ressac de la pandémie.

« Si tu as de jeunes enfants et que tu ne peux pas aller à la garderie, que tu ne peux plus aller nulle part et que tes parents ou tes beaux-parents sont à l’autre bout du monde, ça va mal », a-t-il relaté, expliquant que cette réalité avait rattrapé des policiers originaires de collectivités éloignées de Montréal.

Ce qu’on voit depuis la pandémie, c’est un retour en région.

Yves Francœur, président de la Fraternité des policiers et policières de Montréal

Cette situation nuit à la rétention de ces policiers, mais aussi à leur recrutement, a-t-il continué. « Depuis à peu près deux ans, notre recrutement c’est presque exclusivement [des jeunes issus] de la couronne nord de Montréal et de la couronne sud de Montréal. Les premières couronnes », a dit Yves Francœur.

Par ailleurs, le document rendu public grâce à la loi sur l’accès à l’information expose aussi une baisse marquée dans le nombre de policiers qui occupent un double emploi : ils étaient 874 en 2022, en baisse par rapport aux 1006 de 2021.

Il mentionne aussi que deux policiers actifs du SPVM se sont suicidés l’an dernier, ce qui n’était pas arrivé depuis au moins 2015.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse