Écorchée à nouveau par le gouvernement Legault, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) promet d’accélérer le pas dans le dossier de la signalisation du Réseau express métropolitain (REM). Quant au système de recharge mobile, une solution « fiable et sécuritaire » arrivera au début 2024, assure l’organisme.

« J’avoue que comme vous, quand je lis ces choses-là, je trouve que ça n’envoie pas un signal d’efficacité », a lancé mercredi la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, sur les ondes de Radio-Canada. Elle réagissait ainsi à deux reportages successifs de La Presse.

Le premier rapportait mardi le cas d’un étudiant de l’Université McGill qui a réussi en seulement trois mois à programmer un logiciel permettant de recharger la carte OPUS en ligne directement avec son téléphone cellulaire. Le tout survenait alors que l’ARTM vient d’accorder 1,13 million à l’entreprise parisienne Spirtech pour développer une application semblable. Celle-ci est attendue au début de 2024.

Mercredi, le second reportage rapportait la situation d’un étudiant de 21 ans qui a créé une signalisation entre le métro Bonaventure et le REM à la gare Centrale, après avoir constaté la confusion de nombreux usagers devant le manque d’indications officielles.

Pour l’application de recharge mobile, Mme Guilbault défend le fait que le gouvernement est « assujetti à des standards » et doit se fier à des « technologies éprouvées », ce qui explique les délais.

Touchant la signalisation, toutefois, l’élue s’explique assez mal la situation. « Ça, honnêtement, ça n’a pas de bon sens. Développer une application, c’est quand même plus compliqué que faire de la signalisation. On peut y aller, nous, faire de la signalisation au besoin. Des fois, je suis quasiment rendue là », a dit Mme Guilbault, visiblement irritée.

Un peu plus tôt, au 98,5 FM, elle ne cachait pas non plus sa déception. « Coller de la signalisation, tu n’as pas besoin de trois mois de planification et 15 réunions. Tu le fais. »

Améliorations « dans les prochains jours »

Piquée au vif, l’ARTM a assuré mercredi avoir tenu une réunion en début de journée avec l’équipe du REM et de la Société de transport de Montréal pour améliorer la signalisation, en particulier à la gare Centrale. « Des actions seront posées dans les prochains jours », assure d’ailleurs sa porte-parole, Séléna Champagne. La veille, l’organisation soutenait que les changements arriveraient plutôt en septembre.

Quant à l’application de recharge mobile, l’Autorité soutient que « développer une solution technologique qui répond à un minimum de besoins peut se réaliser assez rapidement ». Une « solution temporaire » a d’ailleurs été mise à l’épreuve en moins de trois mois pour mener la période de tests avec les usagers en 2022.

« Ensuite, pour assurer une solution de recharge de titre fiable, sécuritaire et performante destinée à un volume de plus de 7 millions de transactions, beaucoup d’étapes entrent en ligne de compte », poursuit la porte-parole, citant notamment l’application des normes bancaires de 2024, la protection des données personnelles, les assurances ou l’intégration des différents titres de transport.

Ultimement, la solution proposée par l’étudiant Alex Lai « pose des limites », poursuit l’organisme, car « elle utilise le système OPUS en ligne qui a été développé en 2015, qui est actuellement en fin de vie et doit être remplacé ». « OPUS en ligne n’a pas été conçu pour supporter le volume de transactions qui sera nécessaire avec la recharge sur téléphone intelligent. Il n’était donc pas responsable d’utiliser OPUS en ligne comme base pour développer une solution », explique-t-on.

Deux ans de tensions

Il s’agit d’un nouvel épisode de tensions entre l’ARTM et le gouvernement. En novembre 2021, le gouvernement Legault avait rejeté le plan de l’Autorité, lui reprochant l’absence de « priorisation » dans une longue et coûteuse liste de projets estimés à 57 milliards. Cela avait poussé l’ARTM à promettre une meilleure hiérarchisation des projets à long terme.

D’ailleurs, La Presse révélait récemment que le gouvernement souhaite transférer une partie des responsabilités du ministère des Transports à une nouvelle agence pour mieux gérer les grands projets. Des travaux ont été menés afin que cette agence s’occupe à la fois des grands projets routiers et du transport collectif. Selon le premier ministre François Legault, cette agence s’occuperait surtout du transport collectif. L’ARTM sera directement touchée par cette réforme. Au minimum, son rôle sera revu.

Quant à savoir si elle avait toujours confiance en la direction de l’Autorité, la ministre des Transports est demeurée prudente, mercredi. « Je trouve aussi que des fois, l’ARTM ne nous aide pas à les aider, je dirais ça comme ça », s’est-elle bornée à dire.

Mme Guilbault dit s’entretenir régulièrement avec le directeur général de l’organisation, Benoît Gendron, pour faire le point sur les enjeux. « Chaque fois, il a l’air de trouver que les choses vont bien aller. Alors, on va espérer que ça va bien aller. Je m’attends à ce que ça aille mieux ou, du moins, à ce que le REM et tout ce qui l’entoure fonctionnent bien », a poursuivi l’élue.

M. Gendron, lui, s’est défendu mercredi au 98,5 FM de ne pas être proactif dans le dossier de la recharge mobile. « C’est le volet de la sécurité qui nous préoccupe », a-t-il expliqué, avant de convenir : « On a commencé en retard, ça, on doit le dire. » L’avantage, dit-il toutefois, est « qu’on ne sera pas les premiers à tester les nouvelles technologies, donc on va pouvoir mettre ça en œuvre rapidement, sans qu’il y ait de bogues ».

Avec Philippe Teisceira-Lessard et Tommy Chouinard, La Presse